Recours toujours. La plus haute juridiction administrative française réclame de nouvelles preuves en échange d’un sursis sur les sanctions. Sa décision, sévère mais pas trop, contente à la fois le gouvernement et les ONG requérantes.
Condamné en juillet 2021 dans l’Affaire Grande-Synthe (du nom d’une commune du Nord menacée de submersion marine), l’État avait jusqu’au 31 mars 2022 pour corriger son inaction climatique (Vert). Un an plus tard, le Conseil d’État juge qu’«il demeure des incertitudes persistantes» quant à l’atteinte des objectifs climatiques à 2030 (-40% de CO2 émis par rapport à 1990). Ce d’autant plus que le Green Deal européen (qui porte l’objectif à -55 %) «va se traduire, de façon imminente, par un renforcement sensible des objectifs à atteindre par la France».
Magnanime, il reconnaît toutefois que «des mesures supplémentaires ont bien été prises et traduisent la volonté du gouvernement». Pour cette raison, il lui accorde un sursis, jusqu’au 30 juin 2024, pour prendre «toutes mesures supplémentaires utiles» et renonce pour l’instant à appliquer l’astreinte financière réclamée par les ONG de l’Affaire du siècle (Greenpeace France, Oxfam, Notre affaire à tous). Dans une autre affaire, concernant la pollution de l’air, il n’avait pas hésité à prononcé une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard (la facture s’élève aujourd’hui à 30 millions d’euros).
«Retour à la réalité. Le juge administratif ne va pas sauver le climat», a commenté, un peu amer, l’avocat en droit de l’environnement Arnaud Gossement. Du reste, «ce n’est pas au Juge administratif qu’il appartient de rédiger les politiques publiques de lutte contre le changement climatique», a-t-il admis. Le Conseil d’État tente malgré tout de maintenir la pression et «ordonne» au gouvernement de lui transmettre «tous les éléments justifiant à la fois qu’il a pris des mesures et qu’elles sont de nature à permettre de respecter cet objectif». Un premier rapport d’étape devra ainsi être transmis d’ici le 31 décembre 2023 avant la réévaluation de juin 2024.
Les ONG requérantes et le gouvernement trouvent chacun des motifs de satisfaction. Pour les organisations de l’Affaire du Siècle, «le Conseil d’État entérine avec cette décision la défaillance du gouvernement et l’esbroufe qu’il organise autour de son (in)action climatique». La ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher retient plutôt que «le Conseil d’État souligne le chemin parcouru». «Le Conseil d’État a demandé au Gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures pour réduire les émissions françaises […] C’est tout le travail de planification écologique que nous menons, sous l’égide de la Première ministre», a indiqué la ministre dans une déclaration écrite à la presse.
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