Décryptage

La France pourrait se réchauffer de près de 4 degrés d’ici à 2100

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À pren­dre au pre­mier degré. Le réchauf­fe­ment de la France pour­rait attein­dre 3,8°C d’ici à la fin du siè­cle, selon une récente mod­éli­sa­tion inédite basée sur un scé­nario prob­a­ble d’émissions de gaz à effet de serre.

Si le monde main­tient sa tra­jec­toire d’émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire en ne les réduisant que mod­éré­ment, la France pour­rait con­naître un cli­mat plus chaud de 3,8 °C en 2100. Ces nou­velles pro­jec­tions (en anglais), pub­liées dans la revue Earth sys­tem dynam­ics début octo­bre, sont le fruit du tra­vail con­joint du Cen­tre nation­al de la recherche sci­en­tifique (CNRS), de Météo-France et du Cen­tre européen de recherche et de for­ma­tion avancée en cal­cul sci­en­tifique (Cer­facs).

Dans cette mod­éli­sa­tion inédite, les chercheur·ses ont com­biné les mod­èles util­isés par le Groupe d’experts inter­gou­verne­men­tal sur l’évolution du cli­mat (Giec) avec les don­nées récoltées par une trentaine de sta­tions météorologiques en France depuis 1899 pour solid­i­fi­er les sim­u­la­tions. L’étude four­nit des résul­tats local­isés à l’échelle française, à l’inverse du Giec qui tra­vaille sur de grandes régions du monde ou sur le réchauf­fe­ment glob­al, explique le Jour­nal du CNRS. « Étant don­né l’importance de l’échelle locale et nationale dans la prise de déci­sion, la plan­i­fi­ca­tion de l’adaptation et de l’atténuation », pré­cisent les chercheur·ses, cela pour­rait faciliter l’action poli­tique.

L’é­tude illus­tre notam­ment la hausse des tem­péra­tures moyennes quo­ti­di­ennes en France depuis la moitié du XXème siè­cle. Cliquez pour affich­er le graphique en grand © A. Ribes et al. / Tra­duc­tion par Vert

Ces esti­ma­tions révè­lent que la hausse des tem­péra­tures pour­rait être bien supérieure à celle que l’on attendait en France à la fin du siè­cle. Les sim­u­la­tions cli­ma­tiques reposent tou­jours sur plusieurs tra­jec­toires : en général, un scé­nario opti­miste (avec une baisse rad­i­cale des émis­sions de gaz à effet de serre), un pes­simiste (pas de régu­la­tion de ces dernières), et enfin un scé­nario inter­mé­di­aire, c’est-à-dire qui n’inclut ni de hausse, ni de baisse dras­tique des émis­sions. Ce dernier sem­ble en accord avec les tra­jec­toires des États et leurs engage­ments cli­ma­tiques actuels, ce qui en fait le plus prob­a­ble.

Or, jusqu’à présent, il était estimé que les tem­péra­tures français­es allaient con­naître une hausse de +2,1 °C avec le scé­nario inter­mé­di­aire et +3,9 °C avec une tra­jec­toire « pes­simiste », d’après les pro­jec­tions cli­ma­tiques de référence établies en 2020 par Météo-France. Mais selon cette nou­velle étude, les presque 4 degrés sup­plé­men­taires seraient désor­mais atteints avec le scé­nario inter­mé­di­aire.

Un tel réchauf­fe­ment serait par­ti­c­ulière­ment éprou­vant en été, où il atteindrait +5,1 °C. Cette hausse s’accompagnerait de sécher­ess­es et de pics de chaleur plus fréquents, longs et intens­es, comme en a aver­ti le Giec dans le pre­mier volet de son six­ième rap­port paru en 2021 (notre décryptage). Ce qui ne man­querait pas de pos­er de nom­breuses ques­tions liées à l’adaptation des infra­struc­tures, à la résilience des cul­tures agri­coles et aux ressources en eau.

La France s’est déjà réchauffée de 1,7 degrés

En moyenne, la France s’est déjà réchauf­fée de 1,7 degré, soit davan­tage que la moyenne mon­di­ale (+1,2 °C). Un décalage qui s’explique par le fait que les océans se réchauf­fent moins vite que les con­ti­nents, dont les tem­péra­tures con­nais­sent déjà une hausse de +1,6 °C. Le réchauf­fe­ment n’est pas homogène dans l’ensemble du pays et cer­taines régions, comme le bassin méditer­ranéen ou les zones de mon­tagne, sont plus vul­nérables que les autres.

Enfin, l’étude con­firme aus­si que le dérè­gle­ment cli­ma­tique en France est qua­si entière­ment induit par les activ­ités humaines. Une large enquête d’opinion, menée par Ipsos-Sopra Ste­ria pour le compte du Monde, de la Fon­da­tion Jean Jau­rès et du Cen­tre de recherch­es poli­tiques de Sci­ences po et récem­ment pub­liée, souligne que seul·es 61 % des Français·es savent que le change­ment cli­ma­tique est d’origine anthropique.