C’est pas JOJO. Ils auront beau être «les plus verts de l’Histoire», les Jeux olympiques et paralympiques de Paris sont loin d’être un cadeau pour l’environnement. Millions de vols en avions ou de tonnes de CO2, milliards de déchets plastiques… En attendant les résultats sportifs, voici notre palmarès des pires performances environnementales.
Les émissions annuelles du Tchad
En mars 2021, le comité d’organisation des Jeux, Paris 2024, croyait encore «contribuer activement à la lutte contre le réchauffement climatique» en organisant «les premiers Jeux à contribution positive pour le climat». Trois ans plus tard, il faut se rendre à l’évidence : non, la planète ne se portera pas mieux après les Jeux !
S’ils ont changé de vocabulaire depuis, «cela ne signifie en aucun cas une baisse des ambitions en la matière», promettent les organisateurs des JO. Pour preuve, Paris 2024 s’est fixé l’objectif très ambitieux de diviser par deux l’empreinte carbone des Jeux par rapport à la moyenne des éditions précédentes.
Le budget carbone à ne pas dépasser s’élève tout de même à 1,58 million de tonnes de CO2. L’équivalent des émissions annuelles d’un pays comme le Tchad (17,72 millions d’habitants) ou l’île de Malte (400 000 habitants). Pas une paille donc.
7 millions de vols en avion
Pour tenir le budget, Paris 2024 promet des efforts «dans tous les pans de l’organisation des Jeux». Des progrès sont annoncés, comme la végétalisation de l’offre de restauration ou l’utilisation d’infrastructures existantes ou démontables. «Mais il y a quand même quelques éléphants dans la pièce», selon Alexandre Joly, membre du collectif Éclaircies, qui réunit des spécialistes des enjeux écologiques et énergétiques.
Le plus imposant d’entre eux tient au transport des plus de dix millions de spectateurs, des 23 500 athlètes et de leur staff, «même pas évoqué du bout du doigt» alors qu’il représente plus d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre prévisionnelles. Aux dernières nouvelles, 36,5 % des détenteur·rices de tickets sont des étranger·es issu·es de 178 pays, vante Paris 2024. Cela fait tout de même 3,65 millions de personnes qui viendront et repartiront plus vraisemblablement en avion qu’en char à voile !
Pour Guillaume Kerlero de Rosbo, également membre d’Eclaircies, la baisse des impacts des transports passera nécessairement par une réflexion sur la taille même de l’événement, le plus grand rendez-vous sportif au monde. «Moins de gigantisme, plus de localisme !», insiste-t-il. «On pourrait rendre l’évènement convivial partout dans le monde – en disséminant des fan zones par exemple – plutôt que d’attirer plusieurs millions de personnes dans une seule ville», estime-t-il.
Sponsors de la mort
Air France, Aéroport de Paris, ou encore Coca-Cola. Voilà quelques-uns des heureux «partenaires» des JO 2024. En échange de leurs généreux financements, «ces entreprises vont pouvoir bombarder les spectateurs captifs de leurs publicités, de leurs logos, de leurs valeurs», rappelle Guillaume Kerlero de Rosbo.
«Or, la plupart véhiculent des imaginaires complètement opposés à la décarbonation. Tout cela est révélateur de la profondeur – ou non – de l’engagement et du changement de logiciel des JO», pointe-t-il. Pour de savoureuses coupures pub imaginées par l’Ademe, on attendra !
Le New Weather Institute a dévoilé son propre podium des pires sponsors des Jeux olympiques 2024 pour le climat, basé sur les émissions de gaz à effet de serre déclarées par chacune de ces entreprises : on y trouve Samsung (troisième position), Procter & Gamble (deuxième) et en première position (de loin), Toyota.
Zéro déchet ? Zéro pointé !
Tout en vantant une «trajectoire zéro déchet et zéro plastique à usage unique pendant les Jeux», Paris 2024 a eu la bonne idée de confier la distribution et la vente des boissons à son sponsor Coca-Cola, nommé six fois «champion du monde de la pollution plastique» par l’ONG Break Free From Plastic. Résultat, les deux comparses décrochent haut la main la médaille d’or du greenwashing, avant même que les Jeux aient commencé.
En effet, Coca-Cola s’est fait prendre la main dans le sac (plastique) par France Nature Environnement, qui a révélé en juin qu’au moins trois quarts des neuf millions de boissons vendues proviendront bel et bien de bouteilles plastiques, contrairement aux promesses. D’après un document officiel consulté par l’association, Coca-Cola espérait tromper son monde en versant le contenu des bouteilles plastiques dans des écocups consignées avant de le servir aux consommateur·ices.
Les écocups étant à l’effigie des Jeux et donc «collector», il y a en réalité peu de chance pour que les consommateur·ices les rendent. Une stratégie zéro déchet qui devrait donc aboutir à générer encore plus de plastique. Belle performance !
Très (très) chère baignade
La dépollution de la Seine restera sans doute l’héritage le plus symbolique – et véritablement le plus écologique des JO. Les organisateurs ont mis le paquet pour assainir le fleuve avant les compétitions de nage en eau libre. En tout, pas moins de 1,4 milliard d’euros auront été consacrés au raccordement des péniches au tout-à-l’égout, à la réparation de quelque 35 000 branchements défaillants ou encore à la création d’un immense réservoir d’orage.
Alors que les Parisien·nes espère y plonger à leur tour dès 2025, plus de 30 espèces de poissons sont déjà de retour, salue France Nature Environnement. Un beau tableau, mais qui fait tâche surtout vu d’Outre-mer où la population peine à avoir accès à de l’eau potable. À titre de comparaison, l’État a investi 700 millions d’euros dans la dépollution de la Seine tandis qu’à Mayotte, où la crise de l’eau est la plus sévère 85 millions d’euros ont été dépensés depuis 2017 pour «sécuriser et augmenter la ressource», visiblement en vain (Vert).
Tahiti… c’est pas Paris
C’est loin des regards métropolitains que les organisateurs ont eu le plus tendance à baisser l’ambition. Alors que Paris 2024 vante son village des athlètes construit à Saint-Denis selon les meilleures normes environnementales, à Tahiti, les surfeurs dormiront à bord d’un paquebot de luxe.
Loin du confort en carton qui attend les autres athlètes, ils profiteront d’une véritable ville flottante équipée d’une piscine, d’un restaurant, de bars, et d’une salle de fitness ; le tout alimenté par des groupes électrogènes au mouillage. Une technique apparemment moins polluante que d’allumer les moteurs du bateau, selon le Huffington Post…
C’est aussi à Tahiti que les organisateurs ont fait ériger – pour seulement quatre jours d’épreuve – une tour d’observation en aluminium au milieu des coraux, en dépit d’une forte opposition locale.
Vive la compensation carbone !
Que l’on se console, les émissions de CO2 générées par les JO seront intégralement compensées par le financement de projets vertueux, ont promis les organisateurs. Paris 2024 a ainsi officialisé 13 projets d’«évitement» pour un budget total de 15 millions d’euros.
Le reboisement de forêts vosgiennes, la production d’énergie photovoltaïque au Vietnam ou l’installation de gazinières modernes (en remplacement des fours à bois) au Kenya sont censés contrebalancer le million et demi de tonnes de CO2 des Jeux.
Tout d’abord, Guillaume Kerlero de Rosbo s’étonne de ce budget tout riquiqui qui «revient à payer 10 euros la tonne de CO2 compensée alors que la taxe carbone est de 45 euros en France et que les industriels paient 90 sur le marché européen». Il n’y a plus qu’à espérer que les bons projets soient donc aussi les moins chers !
Or, seuls 4 des 13 projets financés par Paris 2024 se trouvent en France, et ils ne représentent que 1% des émissions totales. Le reste est constitué de projets internationaux bien plus difficiles à contrôler. Près de 300 000 tonnes de crédits carbone proviennent ainsi de la seule préservation d’une forêt au Guatemala, Paris 2024 pariant sur le fait que cette forêt aurait été rasée (et son carbone relâché dans l’atmosphère) sans son action.
En janvier dernier, une enquête menée par plusieurs médias internationaux avait montré que plus de 90% des crédits carbone octroyés par la société Verra pour des projets liés à la forêt tropicale étaient des «crédits fantômes» : ils ne correspondaient à aucun bénéfice réel pour le climat. La même société Verra a justement certifié 5 des 13 projets financés par Paris 2024. Ça promet.
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