Assez sué. Une étude menée dans quatre pays européens montre que la façon dont les médias illustrent les fortes chaleurs et les épisodes caniculaires a tendance à minimiser la crise climatique ou à la déréaliser.
Quels sont les points communs entre cet article, celui-ci, ou celui-là (voir ci-dessous) ? Réponse : ils parlent tous des températures caniculaires, illustrés avec des badaud·es profitant de la plage, d’un moment de baignade ou d’une bonne glace prise en terrasse.
Hélas, ces représentations sont inappropriées, explique la géographe britannique Saffron O’Neill, s’appuyant sur les résultats d’une pré-publication scientifique (en attente de validation de ses pairs) qu’elle a coordonnée au sujet de la représentation des risques liés aux canicules dans la presse européenne. Premier postulat : les médias ont un rôle essentiel dans la communication des risques caniculaires et dans le déploiement de stratégies d’adaptation climatique efficaces.
Les scientifiques ont examiné la couverture médiatique visuelle des canicules de 2019 en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. À partir des cinq sites d’information en ligne les plus visités dans chaque pays, elle et ils ont retenu un corpus de 245 articles traitant des vagues de chaleur en évoquant, même brièvement, le lien avec le changement climatique.
Leurs observations montrent que tous les pays, et plus particulièrement le Royaume-Uni et les Pays-Bas, représentent les vagues de chaleur comme un « plaisir estival », avec des activités de loisirs en extérieur et/ou à proximité de l’eau. Problème : ces « clichés de vacances » sont « éloignés des réalités quotidiennes inconfortables qui se manifestent à la maison, au travail, pour les voyages, etc. » et créent des dissonances avec le contenu des articles associés.
Idem pour une autre catégorie de visuels associés à « l’idée de chaleur ». Plus fréquents dans les reportages allemands et français, ils ont recours à des images de rayons de soleil d’un blanc éclatant, des cartes de chaleur rouge intense et des lectures élevées sur les thermomètres. « Si le danger est ainsi implicitement représenté, ces images relèguent dans les marges l’expérience des personnes vulnérables à ces vagues de chaleur extrême, sans parler des effets sur les animaux, les plantes et les autres espèces non humaines […] Cela renforce l’idée que le changement climatique peut être un problème abstrait et distant », détaille l’article.
Autre enseignement : « Les exemples français et britanniques présentent les contrastes les plus frappants entre la valence [terme technique utilisé pour décrire la qualité émotionnelle — positive ou négative — d’une image ou d’un texte, NDLR] du texte et celle de l’image », détaillent les scientifiques. Elles et ils en veulent pour preuve cet article de 20 minutes dont le titre et le sous-titre rappellent le nombre de morts liés aux fortes chaleurs et s’accompagnent d’une photo de jeunes jouant dans un parc à jets d’eau d’une ville.
Pour remédier à ce défaut de traitement, les chercheur·ses suggèrent de favoriser l’imagerie des solutions climatiques. Dans leur corpus d’articles, le journal local néerlandais Algermeen Dagblad (AD) a utilisé des visuels de résidents âgés qui se rafraîchissent dans une maison de soins ; une jeune famille dans une situation quotidienne à la maison (assise devant un ventilateur, l’air visiblement mal à l’aise et lassé de la chaleur), ou bien encore un hôtel de ville climatisé mis à la disposition des habitant·es vulnérables pour leur permettre d’échapper à la chaleur.
Lancée en 2014 par Climate Outreach, un think tank britannique spécialisé dans la vulgarisation des enjeux climatiques, la base photographique de Climate Visuals offre une foule d’images plus adaptées à ces sujets. Conçue comme « la seule ressource photographique climatique au monde fondée sur des preuves et axée sur l’impact », Climate Visuals fournit des images sourcées avec précaution « qui ne sont pas seulement illustratives, mais vraiment percutantes, en phase avec les effets réels du changement climatique ». Pour illustrer la vague de chaleur par exemple, la base propose des groupes de personnes assises dans un parc dont l’herbe est jaunie lors d’une vague de chaleur au Royaume-Uni en 2018, ou bien encore un jeune Chinois qui sieste à même le bitume sous un parapluie le protégeant du soleil, en 2010.
En France, un travail similaire a été effectué dans le cadre de l’étude Des images et des actes, avec une base de données photographiques qui fournit de précieux conseils à qui souhaite éviter de communiquer maladroitement sur les enjeux climatiques.
À lire aussi
-
Des collectifs citoyens se mobilisent pour mettre plus de climat dans les médias
Crise médiatique. Depuis plusieurs semaines, alors que les alertes du Giec passent toujours à la trappe des télévisions, radios et autres titres de presse écrite, des centaines de citoyen·es se mobilisent pour interpeller les médias sur leur manque de traitement du climat et du vivant. Voici un panorama de leurs revendications. -
L’inquiétant traitement médiatique de la sortie du rapport du Giec
Lundi, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié un rapport consacré aux conséquences du réchauffement climatique. Cela aurait dû être une bombe médiatique, ça n’a même pas eu l’effet d’un pétard mouillé.