Qui n’a jamais rêvé d’un Noël enneigé ? Avec le changement climatique, cela tient davantage du mirage que d’une possibilité réelle. Tout comme l’éventualité de vivre des vagues de froid intenses dans nos contrées européennes – au moins trois jours consécutifs de faibles températures sur un large territoire, c’est-à-dire qui descendent au moins une fois sous les -2° degrés (°C) et qui ne remontent pas au-dessus de 0,9°C. C’est la conclusion d’une étude publiée fin janvier dans la revue Bulletin of the american meteorological society (le Bulletin de la société américaine de météorologie, ou BAMS), menée par quatre chercheurs du Centre national de recherches météorologiques (CNRM) et de l’Institut Pierre-Simon Laplace.
Les scientifiques se sont penchés sur la vague de froid qui a touché l’Europe de l’ouest en février 2012, afin d’explorer la probabilité de revivre un tel événement, compte tenu du réchauffement du climat. Les résultats sont sans détour : il n’y a qu’environ une chance sur dix pour qu’un épisode météorologique aussi glacial survienne sur le Vieux continent d’ici la fin du siècle. Les auteurs de l’étude ont analysé trois autres vagues de froid intenses qui ont eu lieu entre 2016 et 2022 en Chine, aux États-Unis et au Brésil, et ils ont trouvé des résultats similaires.
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«Les événements de froid extrême sont en train de disparaître, voire ont déjà disparu», affirme à Vert Aurélien Ribes, climatologue au Centre national de recherches météorologiques et co-auteur de l’étude.
C’est d’autant plus vrai que l’épisode de 2012 était déjà loin de compter parmi les plus intenses à l’échelle de la France. Les quatre vagues de froid les plus longues et les plus sévères qu’ait connu le pays (1956, 1963, 1985 et 1987) remontent à plus de 35 ans. La science est claire : sous nos latitudes, ces événements extrêmes appartiennent au passé.
La disparition de certains paysages
«On reproche souvent aux scientifiques de faire des études trop abstraites mais, là, il y a une vraie dimension solastalgique [la détresse ressentie face à la destruction de l’environnement, NDLR] car ces résultats montrent qu’il y a des expériences, des paysages que nous ne verrons plus», raconte Aurélien Ribes.
La disparition des vagues de froid entraîne un certain nombre d’impacts a priori positifs : une baisse de la mortalité hivernale, des infrastructures (de transport par exemple) moins souvent affectées par des épisodes extrêmes, des pics énergétiques moins élevés.
Néanmoins, elle entraîne aussi des conséquences notables pour le vivant : la survie de certains végétaux dépend du froid en hiver, tout comme la mort de parasites qui peuvent attaquer des cultures ou des écosystèmes. Et c’est sans compter les effets, moins tangibles, liés à la disparition de certains paysages qui occupent une place importante dans nos imaginaires.
Face à leur disparition annoncée, faut-il pour autant que nous arrêtions de nous préparer à de gros épisodes de froid ? La question se pose par exemple au niveau du dimensionnement des réseaux d’énergie, pensés pour absorber de gros pics de consommation en cas de températures glaciales. Cela vient interroger les risques auxquels la société est prête à s’exposer en cas d’événement extrême, mais aussi les moyens qui y sont alloués, parfois au détriment d’autres risques, plus prégnants – comme la chaleur ou les fortes précipitations. «On peut imaginer qu’avec le temps, des moyens humains et financiers mériteraient d’être redirigés vers d’autres événements que le froid», envisage Aurélien Ribes. Autant de questions politiques qui méritent d’être posées.
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