C’est chaud ! Une publication britannique parue dans Nature medicine lundi a révélé que la chaleur devrait tuer plus que le froid d’ici à 2099 en Europe. La diminution du nombre de décès provoqués par les basses températures ne compensera pas l’augmentation de ceux liés à un mercure élevé, selon leurs projections.
«La majorité des villes européennes devrait connaître une hausse de la mortalité liée aux températures» à l’horizon 2099, montre un travail de modélisation paru dans la revue scientifique Nature Medicine lundi.
Les chercheur·ses évaluent l’impact du réchauffement climatique sur la santé humaine à la lumière de trois scénarios de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation, du plus optimiste au plus pessimiste.
Dans la projection la plus pessimiste, les modèles statistiques prévoient une hausse sensible du nombre de décès liés à l’augmentation globale des températures : il y aura 2,3 millions de morts en plus entre 2015 et 2099 en Europe. Ce constat a été réalisé à l’aide de données recueillies dans 854 agglomérations d’une trentaine de pays européens.
Le nombre de décès supplémentaires provoqués par la chaleur sera de 5 825 746 entre aujourd’hui et 2099, contre 3 480 336 à cause du froid. L’étude montre donc qu’en l’absence de mesures suffisantes pour limiter la crise climatique ou s’y adapter, la baisse du nombre de morts liés au froid en Europe ne compensera pas la hausse des décès dus à la chaleur d’ici à la fin du siècle. Aujourd’hui, pour un mort à cause des fortes chaleurs, dix personnes périssent en raison du froid.

Toujours dans le scénario le plus pessimiste, le changement climatique augmente le taux de mortalité lié aux températures extrêmes. Il passe de 3,5 décès pour 100 000 personnes à 1,5 degré (°C) de réchauffement global, à 41,7 décès pour 100 000 à 4°C. Selon l’étude, la hausse globale des températures provoquerait donc 69 857 morts par an, contre 5 928 morts annuels à 1,5°C.
Les mesures d’adaptation ne suffiront pas
C’est dans ce scénario que la mortalité est la plus importante. Celui-ci table sur une Europe instable politiquement, minée par les conflits et incapable de prendre de réelles mesures contre le réchauffement climatique.
Selon les deux autres projections, plus optimistes, des mesures d’adaptation telles que le verdissement des villes ou la réduction de la pollution, limiteraient le nombre de morts liés à la chaleur. Si ces efforts (qui sont bien plus importants que l’adaptation actuelle de nos villes) sont mis en place, la vulnérabilité des populations à la chaleur diminuerait de 50%. Malgré tout, la mortalité liée à la chaleur augmenterait.
Pierre Masselot, épidémiologiste environnemental et statisticien à la London School of Hygiene & Tropical Medicine est un des auteurs de la publication. Auprès de Vert, il explique ce qui ressort de tous ces chiffres : «On ne peut pas remplacer la diminution des gaz à effet de serre par l’adaptation à la chaleur, c’est trop difficile. Une ville qui se réchauffe, ça reste un problème dans tous les cas».
Il rappelle que jusqu’en 2021, «on voyait une légère diminution de la mortalité liée à la chaleur, du fait d’une meilleure adaptation. Mais, à partir de 2023, les vagues de chaleur ont été tellement intenses, qu’elles ont contrebalancé cette adaptation.»
Le pourtour méditerranéen plus vulnérable
Ces conclusions concernent le continent européen pris dans son ensemble, mais certaines régions comme les pays scandinaves ou les îles britanniques pourraient gagner au change avec le réchauffement climatique, car les jours de chaleur y seront peu nombreux. «Mais la décroissance de la mortalité y est quand même très faible, en comparaison de l’augmentation massive dans d’autres régions européennes», souligne Pierre Masselot.
Les territoires qui seraient les plus affectés d’ici à la fin du siècle sont le pourtour méditerranéen ou, dans une moindre mesure, l’Europe centrale. Le sud de la France, l’Espagne, l’Italie, la Grèce ou la Croatie seront particulièrement vulnérables aux fortes chaleurs. À Barcelone ou Milan, par exemple, l’étude anticipe 150 000 décès en plus entre aujourd’hui et 2099, provoqués par les fortes températures.
Selon les modélisations des scientifiques, les bénéfices en matière de santé publique sont avérés si l’on met à la fois en œuvre de «strictes mesures» pour limiter les émissions de carbone, et des «stratégies d’adaptation orientées vers les pays et les populations les plus vulnérables.»
Pour Pierre Masselot, «cette étude qui lie la mortalité à la température s’intéresse à une petite partie seulement de l’effet du changement climatique sur la santé. On ne prend pas en compte les décès liés aux sécheresses, inondations ou feux de forêt. Le changement climatique est clairement une crise de santé publique».
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