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« Des miettes et du charbon » : le projet de loi « pouvoir d’achat » scandalise les écologistes

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Présentée comme un remède aux effets délétères de la crise sociale et énergétique, la première grande loi du nouveau quinquennat est jugée indigente par les oppositions de gauche. Elle contient en outre « des bombes écologiques à retardement ».

C’est dans un climat houleux que les député·es ont adopté en première lecture ces derniers jours le projet de loi « portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat » ainsi que le projet de loi de finance rectificative (PLFR) qui doit en assurer le financement à hauteur de 20 milliards d’euros. Après que leurs tentatives d’amender les textes ont été balayées une à une, les élu·es de gauche ont unanimement voté contre.

« J’ai proposé en séance de renommer le projet de loi “des miettes et du charbon” car c’est ce qu’il contient », explique, amère, la députée Sandrine Rousseau à Vert. Cheffe de file des écologistes sur ce dossier, elle n’hésite pas à qualifier le texte de « coupable et criminel dans une situation sociale qui est déjà explosive et alors que les effets du changement climatique deviennent incontrôlables ». Elle regrette par exemple que l’augmentation des minimas sociaux ait été limitée à 4 % alors que l’inflation s’élevait déjà à 6,5 % en juin et pourrait atteindre 8 % à la rentrée, selon l’Insee. « C’est faux de dire que le pouvoir d’achat est protégé comme ça », souligne-t-elle.

Surtout, « le gouvernement se comporte comme si l’inflation allait être passagère et n’apporte aucune mesure structurelle », complète sa collègue Julie Laernoes (EELV – Nupes). Une mesure illustre particulièrement la différence de vues entre les élu·es de gauche et le gouvernement : alors que la Nupes réclamait une revalorisation des bas salaires et en particulier du salaire minimum de croissance (Smic), le gouvernement a préféré tripler le plafond de la « prime Macron ». Instaurée en 2018 lors de la crise des Gilets jaunes, cette prime exceptionnelle, de 3 000 euros maximum et exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, peut être versée aux salarié·es dont le revenu ne dépasse pas trois fois le Smic.

L’envolée de l’indice des prix à la consommation © Insee

Sur le coût des transports, le gouvernement a convenu d’augmenter la ristourne à la pompe de 18 à 30 centimes par litre en septembre et octobre, puis à dix centimes en novembre et décembre. De son côté, le groupe TotalEnergies baissera ses prix en station de 20 centimes par litre du 1er septembre au 1er novembre 2022, puis de dix centimes par litre du 1ᵉʳ novembre au 31 décembre, a-t-il annoncé. « En parallèle, rien n’est fait pour réduire la dépendance des personnes à l’essence », regrette Sandrine Rousseau. « Nos amendements pour supprimer la TVA sur les transports en commun ou réduire la vitesse sur autoroute ont tous été rejetés », illustre-t-elle.

Le deuxième volet du projet de loi est consacré à la « souveraineté énergétique » du pays, alors que l’approvisionnement en gaz russe se réduit et qu’une large part du parc nucléaire français est toujours en carafe (Vert). A rebours des exhortations du président, le projet de loi ne prévoit aucune mesure de sobriété énergétique, mais un recours accru aux énergies fossiles. Un article permet ainsi le redémarrage de la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle), fermée depuis mars. Le plafond annuel d’émissions des trois centrales du pays est rehaussé de 500 à 2 500 tonnes de CO2 par mégawatt de puissance (elles font chacune 1 800 MW), leur permettant de produire potentiellement cinq fois plus qu’auparavant. L’étude d’impact du gouvernement prévoit ainsi un surplus d’émissions de 4,5 millions de tonnes de CO2 pour produire cinq terrawattheures d’électricité au cours de l’hiver 2022/2023, soit 1% de la consommation française. Pour Julie Laernoes, « cette seule mesure est un aveu de l’échec énergétique et climatique français ». Les exploitants des centrales devront toutefois compenser ces émissions supplémentaires « via des projets de réductions des émissions de gaz à effet de serre dans un autre secteur ou l’augmentation de l’absorption de CO2 », promet le gouvernement.

Mais la véritable « bombe à retardement climatique » réside, selon Sandrine Rousseau, dans la mise en service d’ici à septembre 2023, d’un nouveau terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) flottant dans le port du Havre (Seine-Maritime), afin de diversifier les approvisionnements. Plusieurs mesures prévoient d’exonérer ce projet d’évaluation environnementale pour en accélérer le chantier. A terme, quelque cinq milliards de mètres cubes de gaz par an devraient transiter par ces tuyaux, soit 10 % de la consommation de gaz française. Or, l’empreinte carbone du GNL est bien plus élevée que celle du gaz acheminé par gazoduc, selon les expert·es de Carbone 4. Sans compter que le gaz américain est majoritairement issu de gaz de schiste – une des méthodes d’extraction les plus sales. Le surplus d’émissions se comptera cette fois en centaines de millions de tonnes de CO2 et aucune compensation carbone n’est prévue.

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