Sortie de piste. Un vélodrome devait voir le jour à La Roche-sur-Foron dans le cadre de la candidature de la Haute-Savoie à l’organisation des championnats du monde de cyclisme en 2027, mais la mobilisation citoyenne a poussé les élu·es à faire machine arrière.

Plusieurs victoires écolos, comme la récente libération du militant anti-chasse à la baleine Paul Watson ou la suspension par la Norvège de ses projets d’extraction minière sous-marine, ont rythmé l’année 2024. Mais celle-ci a aussi été marquée par le succès de plusieurs luttes locales contre des projets polluants ou destructeurs pour l’environnement. Vert revient sur cinq fois où les mobilisations locales ont payé.

C’est une victoire politique. L’histoire d’un conseil municipal qui s’est retourné sous la pression populaire le 7 février 2024. Le vélodrome Arena ne verra pas le jour à La Roche-sur-Foron, commune d’un peu plus de 10 000 habitant·es située entre Genève et Annecy. Ni nulle part ailleurs en Haute-Savoie.

Rembobinons. Nous sommes à l’été 2022, lorsque la Haute-Savoie entre en piste pour organiser les championnats du monde de cyclisme en 2027. La candidature du département s’articule autour d’un projet clinquant : la construction d’un vélodrome de 10 000 places sur 18 000 m2, pour un budget de 50 millions d’euros, qui grimpera même à plus de 150 millions, un an et demi plus tard. À ce prix là, on s’offre le droit de rêver : il ne s’agira pas seulement d’un anneau pour cyclistes mais également d’une grande salle de spectacle.

De rassemblement en rassemblement, le combat s’organise

Reste à savoir quelle commune sera l’heureuse élue pour accueillir cette «Haute-Savoie Arena». «On apprend par voie de presse, tout comme les élus d’ailleurs, que ce sera à La Roche-sur-Foron», se remémore Adrien Desingue. Avec d’autres habitant·es de la commune, il s’inquiète de cette annonce et se met en quête d’informations. Un conseil municipal houleux plus tard, où un élu minoritaire trop curieux est appelé à quitter les lieux par les gendarmes, l’association Non au vélodrome Arena est sur le point de naître. «Il y a eu une conférence à Annemasse à l’initiative d’élus locaux écologistes et de La France Insoumise. On s’est ensuite contactés à plusieurs militants pour créer un groupe d’une vingtaine de personnes», reprend Adrien Desingue.

Le projet, porté par le conseil départemental, est décortiqué par l’association début 2023. Consultation des appels d’offres, estimation du coût, contact avec des chercheur·ses, des juristes… Le collectif se structure et lance une campagne d’information dans la communauté de communes du Pays rochois. Tractage, réunions publiques, lobbying auprès des élu·es, préparation d’un dossier juridique : le combat se met en place quand les choses s’accélèrent d’un coup. «L’appel à projet a été lancé en juillet 2023. Ça a été annoncé fin novembre par le conseil départemental en grandes pompes à Roche expo, sur le site où l’Arena devait prendre place.»

Alors que les démarches judiciaires en sont à leurs balbutiements, un premier rassemblement a lieu à Annecy en décembre 2023, devant le conseil départemental. Avec désormais le soutien affiché des député·es et sénateur·ices du département, tous bords confondus. «On a alors compris que si les terrains étaient vendus par la ville au conseil départemental, la commune n’aurait plus aucune prise si le projet était déclaré d’intérêt général.»

«C’est assez ouf comme sentiment !»

Le 20 décembre, 500 personnes viennent crier leur opposition au projet au conseil municipal de La Roche-sur-Foron, et pour la première fois, le maire reçoit les opposant·es. Leur D-Day approche : la cession des terrains est au menu du conseil du 7 février 2024. «Il y avait déjà une minorité d’opposition qui existait avec 9 conseillers sur 33. Il en fallait donc huit de plus pour retourner le conseil. Les élus étaient mal informés également, ce qui a joué en notre faveur. On a fait des synthèses pour leur présenter le projet de la manière la plus exhaustive et synthétique.»

Ce soir-là, plusieurs centaines de personnes ont encore fait le déplacement pour scruter le vote et faire pression sur l’assemblée. «On savait qu’il y avait deux ou trois élus de la majorité qui étaient contre, ça nous motivait encore plus pour convaincre ceux qui ne s’étaient pas prononcés.» Trois heures de débats plus tard, le couperet tombe : 17 voix contre, 15 pour, une abstention. La vente des terrains est refusée, le projet mort-né. «Ça été un grand moment de stress et de joie, un moment qui nous est resté dans le cœur depuis février. C’est assez ouf comme sentiment ! », sourit Adrien Desingue. D’autant que contrairement à ce qu’ils craignaient, le projet est définitivement abandonné, et ne verra pas non plus le jour dans une autre commune de Haute-Savoie. Si le département a bien été choisi pour organiser les championnats du monde de cyclisme en 2027, les épreuves sur piste se dérouleront sur un vélodrome existant, probablement à Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines).