Si vous n’avez pas encore croisé de «Planet-score» ou d’«éco-score» en faisant vos courses, en ligne ou au supermarché, vous connaissez certainement le «Nutri-score» apposé sur certains produits de grande consommation.
Imaginée par une équipe de scientifiques français, cette mention a pour but d’orienter les choix des consommateur·rices en leur donnant des informations claires et simples sur la qualité nutritionnelle des aliments.
Avec son système d’évaluation par lettres (de A à E) et couleurs (du vert au rouge), le Nutri-score se donne aussi pour mission d’inciter les agro-industriels à faire évoluer leurs produits, notamment leur teneur en sel, en sucre et en gras.
Déployé en France depuis 2017, et désormais adopté par d’autres pays européens (Belgique, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne et Suisse), cette mention n’est aujourd’hui pas obligatoire. Selon des données officielles de 2023, plus de 1 000 entreprises de l’agroalimentaire sont engagées dans cette démarche dans l’Hexagone.
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Dans les tuyaux depuis 2009
Même s’il n’apparaît pas sur tous les produits, le Nutri-score a réussi à exister, ouvrant la voie au déploiement d’autres systèmes de notation, notamment pour évaluer le coût environnemental.
En France, l’idée d’un tel affichage environnemental est inscrite dès 2009 dans la loi «Grenelle 1», à la suite du Grenelle de l’environnement ; on la retrouve ensuite dans les lois «économie circulaire» de 2020 et «climat et résilience» de 2021. Quoi de mieux, en effet, qu’une échelle simple et claire pour savoir si ce paquet de gâteaux est bon, ou pas, pour la planète ?
Mais la mise en place de cet affichage en France, pionnière en Europe, rencontre des difficultés. Après une phase d’expérimentations dans les secteurs du textile et de l’alimentation entre 2021 et 2022, le déploiement promis en ce début d’année tarde à venir.
«Des arbitrages sur la méthode de calcul du score et sur le format d’affichage sont attendus prochainement. Ces arbitrages sont nécessaires pour le lancement de la phase volontaire encadrée prévue par la loi et la publication des textes réglementaires», nous explique-t-on du côté du ministère de la transition écologique.
Une méthode de calcul qui fait fi de l’environnement ?
La méthode sur laquelle repose le futur «score écologique» du gouvernement, et qui s’appuie sur la plateforme Agribalyse pilotée par l’Agence de la transition écologique (Ademe), fait grandement débat.
Depuis sa présentation officielle en octobre 2020, les avis critiques se sont multipliés pour dénoncer une évaluation mal adaptée aux produits alimentaires, ne permettant pas d’inciter les industriels à faire mieux.
Coordinateur d’un rapport scientifique indépendant publié en novembre 2023 sur la question de l’affichage environnemental, le sociologue et spécialiste du monde agricole Quentin Chancé nous rappelle que cette méthode choisie par le gouvernement repose sur «l’analyse du cycle de vie» (ACV).
Cette méthode, très employée pour les produits industriels, propose de calculer l’impact environnemental en analysant toutes les phases de leur existence, de leur conception à leur fin de vie.
Même si elle a été amendée ces derniers mois par le gouvernement, elle prend encore très mal en compte à la fois les pollutions causées aux écosystèmes et les services rendus par ces mêmes écosystèmes. Avec cette évaluation, un poulet d’élevage intensif pourra bénéficier d’une bien meilleure note que son équivalent en plein air, selon la logique du meilleur rendement au kilogramme.
«Cette note environnementale n’existe pas en soi. Elle est construite et témoigne de nos choix politiques. Quelle place voulons-nous vraiment accorder à la protection des écosystèmes ? La démarche ACV se focalise sur la question du rendement sans prendre en compte la réalité complexe d’une production agricole soutenable», souligne Quentin Chancé.
La voie de la cohabitation
Certains dispositifs n’ont pas attendu le score du gouvernement pour œuvrer à une plus grande transparence environnementale des produits de grande consommation.
C’est le cas de Clear Fashion pour la mode ou du Planet-score pour les produits alimentaires, deux étiquettes qui se sont affranchies de la méthodologie de l’ACV.
Pour le Planet-score, tout commence fin 2020. Un groupe d’expert·es du monde agricole, d’ONG et l’association de consommateurs UFC-Que Choisir alertent pour la première fois le gouvernement sur les biais de la méthode ACV. À l’été 2021, ils rendent public un rapport scientifique explicitant la méthode de calcul du Planet-score.
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Cette méthode prend notamment en compte «la biodiversité, les pesticides, la mise à jour des éléments climatiques selon les dernières données du GIEC», le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Elle a été depuis adoptée par plus de 300 entreprises du secteur alimentaire en France et en Europe et elle est visible depuis l’été dernier sur plus de 130 000 produits alimentaires dans l’appli mobile de l’UFC Que-Choisir.
Pour Sabine Bonnot, présidente de Planet-score, «c’est la complémentarité entre des scores experts, par secteur, et celui plus transversal du gouvernement qui permettra à terme de fournir une information fiable aux consommateurs». Une complémentarité aussi souhaitée au niveau européen et reprise dans la récente directive Green Claims de mars 2023 dont l’objectif est de lutter contre le greenwashing.
Reste à trouver la bonne articulation entre le futur système gouvernemental, qui souhaite à terme pouvoir évaluer et comparer l’ensemble des produits et services (produits alimentaires, vêtements, meubles, voyages en avion…), et les étiquettes indépendantes.
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