Aller eau de là. Cette semaine, la présidente de Vert se penche sur le cas de Brignais, une commune du Rhône qui a su faire face à la contamination de l’eau aux polluants éternels… et qui veut aller encore plus loin. Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter, mercredi 14 mai 2025.
Mathieu Vidard : Juliette, vous nous parlez d’une petite commune au sud de Lyon qui a décidé de ne pas se laisser faire face aux polluants éternels
Oui Mathieu, je vous emmène à Brignais : une ville de 12 000 habitants nichée au sud de Lyon, aux portes de la «vallée de la chimie». Là-bas, l’eau du robinet vient tout droit de la rivière du Garon et de sa nappe phréatique.
Problème : cette eau est contaminée aux PFAS – ces «polluants éternels» qui s’infiltrent partout, s’accumulent dans notre corps, dans les sols, l’air… et peuvent provoquer des cancers, des troubles hormonaux et autres maladies chroniques.
Brignais se trouve à quelques kilomètres de l’un des épicentres de cette pollution : l’usine Arkema de Pierre-Bénite. Elle produit des polymères fluorés, utilisés dans les poêles antiadhésives, les imperméables, les câbles, les joints… bref, tout ce qui glisse, colle ou isole. Chaque année, l’usine rejette 3,5 tonnes de polluants dans le Rhône. Résultat, elle fait partie du top 10 des sites français les plus émetteurs de PFAS, selon l’ONG Générations futures. Pas franchement un palmarès qui fait rêver.
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Conséquence directe : à Brignais, comme dans une quinzaine de communes alentour, la préfecture déconseille de manger les œufs des poules élevées en plein air.
Les habitants peuvent-ils boire l’eau du robinet ?
Officiellement, oui. Selon l’Agence régionale de santé, il y a désormais moins de 100 nanogrammes de PFAS par litre d’eau potable. Mais la mairie divers droite a préféré appliquer un principe de précaution.
Quand le scandale des PFAS a éclaté en 2023, la commune n’a pas tergiversé : elle s’est organisée. Coup de chance : elle avait gardé sous le coude un comité de veille sanitaire, lancé pendant le Covid. Elle a pu le réactiver et réunir autour de la table des parents d’élèves, des élus, des agriculteurs, des membres d’associations pour parler de ces dangereux polluants éternels.
Est-ce que des actions concrètes ont été mises en place depuis ?
Absolument. Notre journaliste Lucas Martin-Brodzicki s’est rendu sur place et il a rencontré Jean-Philippe Gillet, l’adjoint à la transition écologique, un ingénieur chimiste à la retraite qui connaît bien son sujet.
Déjà, les écoles primaires ont été équipées de quatre filtres à eau, installés sur les fontaines des cantines pour un coût de 12 600 euros. Ainsi, l’eau bue par les enfants contient moins de 10 nanogrammes de PFAS par litre – contre 90 ng/l pour l’eau non filtrée.
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Évidemment, équiper tous les foyers de la commune serait trop coûteux. Mais la mairie a trouvé un plan B : se raccorder à l’eau de la métropole de Lyon, nettement moins contaminée que la nappe locale. En mélangeant les sources, la concentration de PFAS est redescendue à 70 – contre un peu plus de 100 ng/l quelques mois plus tôt. Quand vous y réfléchissez, c’est zinzin : être obligé de mélanger des eaux différentes pour que les habitants ne soient pas trop contaminés par l’eau qu’ils boivent au robinet !
La mairie voit plus loin et veut un chantier de dépollution sur le captage de Tarnay, qui fournit 20% de son eau potable. Coût estimé : quatre millions d’euros, pris en charge par le syndicat mixte Rhône-Sud. Ils réfléchissent aussi à créer de nouveaux captages dans des zones moins contaminées.
Mais qui va payer pour tout ça ?
Eh bien, c’est toute la question. Les habitants ne sont pas responsables de cette pollution, mais risquent d’en supporter les coûts.
En octobre 2023, la commune a porté plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui, aux côtés de 40 autres collectivités, d’associations de pêche et de particuliers.
En parallèle, une expertise indépendante, ordonnée par la justice, est en cours pour évaluer les responsabilités, notamment celles d’Arkema et du groupe Daikin.
L’objectif serait de faire appliquer le principe du pollueur-payeur : celui qui a causé les dégâts doit sortir le chéquier. Parce qu’à l’échelle européenne, le coût total de la dépollution est monumental. Il est estimé entre 95 et… 2 000 milliards d’euros sur 20 ans. Rien que ça !
Ça m’a fait penser à cette célèbre phrase de l’ancien président du Burkina Faso – Thomas Sankara, une figure anti-impéraliste et humaniste – qui n’a jamais été autant d’actualité : «Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous.»
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