Vert au carré

Pollution de l’eau à grande échelle en France par le CVM, un gaz cancérogène : la chronique d’Anne-Claire Poirier dans la Terre au carré

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C’est polymère à boire. Cette semaine, la journaliste Anne-Claire Poirier revient sur l’enquête en trois parties publiée par Vert sur le chlorure de vinyle monomère – le CVM -, un gaz cancérogène qu’on retrouve dans les canalisations et qui contamine l’eau. Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter, mercredi 7 mai.

Mathieu Vidard : Anne-Claire Poirier, vous êtes venue nous parler de la contamination de notre eau potable à une substance chimique classée cancérogène.

Eh oui, Mathieu. Effectivement, je ne voudrais pas survendre ma chronique mais j’ai l’impression qu’on tient là les ingrédients d’un nouveau scandale sanitaire. Je vous propose qu’on prenne les éléments un par un pour, on va y voir plus clair.

Alors, le premier ingrédient, c’est cette histoire de contamination de l’eau du robinet à une substance chimique qu’on appelle le chlorure de vinyle monomère, soit le CVM. Ça ne vous dit rien mais c’est un gaz utilisé pour fabriquer un produit très connu : le plastique PVC. On en a tout autour de nous, dans les des disques vinyles, les fenêtres en PVC, et bien sûr… les canalisations d’eau.

Dans les années 60-80, on a remplacé les vieilles canalisations en plomb par des canalisations en PVC. A priori une très bonne chose ! Sauf qu’on s’est rendus compte depuis que certaines de ces canalisations relarguent du CVM directement dans l’eau et la contaminent.

Tout le monde n’est pas touché de la même façon : en gros, plus l’eau circule dans les réseaux, plus elle se charge en CVM. Donc ce sont surtout les habitations rurales, situées en fin de réseau, qui sont touchées avec des contaminations parfois très importantes, jusqu’à 1 400 fois les seuils autorisés !

Or, le risque pour les consommateurs est bien réel puisque, comme vous l’avez dit en introduction, le CVM est un gaz reconnu comme cancérogène. On estime notamment qu’une exposition chronique augmente le risque de cancer du foie. À plus brève exposition, on peut avoir des irritations des voies respiratoires, des vertiges ou des nausées.

Ok, donc on a une substance cancérogène dans notre eau potable, et ça dure depuis 50 ans… Comment ça se fait qu’on n’en ait pas entendu parler avant ?

Et bien parce qu’il manquait encore un ingrédient qu’on est seulement en train d’obtenir : c’est de connaître l’ampleur du phénomène. Ça fait une dizaine d’années que des articles de presse locale parlent ici et là de contaminations aux CVM, mais personne n’avait jamais vraiment compilé les données.

C’est seulement en début d’année qu’un chercheur de l’université d’Angers, Gaspard Lemaire, a réussi à collecter les données des Agences régionales de santé. Et c’est grâce à lui qu’on a aujourd’hui le chiffre d’au moins 5 500 communes touchées par un dépassement des taux de CVM autorisés. Donc quasiment une commune sur six, et plusieurs centaines de milliers de foyers concernés. Et encore, ce sont des chiffres très conservateurs.

Aujourd’hui dans Vert, on publie pour la 1ère fois une carte de ces communes. J’invite vraiment les auditrices et les auditeurs à aller voir cette carte, car ce n’est pas du tout impossible qu’ils y découvrent leur exposition à ce polluant.

Pourtant, s’ils résident dans une commune contaminée, ils devraient déjà être au courant, non ?

Oui, normalement la loi oblige les autorités à prévenir les habitants et à les protéger, mais c’est là le dernier ingrédient du scandale, car ce n’est bien souvent pas le cas. Dans un reportage de Marie-Aimée Copleutre que l’on va publier demain, on a l’exemple d’une petite commune de l’Orne, Vaunoise, où la contamination a été identifiée en 2014, et où les travaux pour remplacer les canalisations sont seulement en cours en ce moment. Et surtout, les riverains ne sont pas au courant de ce qui se passe et boivent l’eau du robinet depuis une décennie…

En fait, ce qu’on constate, c’est que les autorités publiques détournent les yeux à tous les niveaux. Ça va des syndicats de l’eau qui jouent la montre parce que ça coûte une fortune de remplacer les canalisations défectueuses, jusqu’à l’État qui est aux abonnés absents. Par exemple, il ne lance pas d’étude épidémiologique. Or, c’est bien connu quand on ne cherche pas, on ne trouve pas.

Cela dit, les choses ne devraient pas en rester là puisque des habitants du Loiret viennent justement de porter l’affaire en justice, pour «négligence fautive» des autorités. Et qui sait peut-être que la carte publiée aujourd’hui par Vert donnera envie à d’autres de demander des comptes.

L’histoire ne fait que commencer si je comprends bien. Et j’imagine que si on veut suivre la suite des épisodes, c’est sur Vert qu’il faut se rendre ?

Tout à fait Mathieu, comptez sur nous pour suivre ça de près !

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