À cran de sureté. Cette semaine, le rédacteur en chef de Vert revient sur les dix mesures du gouvernement pour apaiser les tensions entre les paysan·es et la police de l’environnement. Vraies bonnes idées ou écran de fumée ? Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter, mercredi 23 avril 2025.
Mathieu Vidard : Loup, vous allez nous parler de police et de biodiversité…
Je voulais parler du pape mais, contrairement à Cyril, je ne disposais pas d’une photo de moi avec François pour faire le malin. Alors, il a fallu que je lui cède la politesse et que je trouve autre chose à vous raconter. Du coup, je vais vous parler du seul sujet qui intéresse encore plus une partie de la droite française que la mort du pape : l’Office français de la biodiversité.
📻 Vert est sur France inter ! Tous les mercredis à 14h50, retrouvez une nouvelle chronique d’actualité de nos journalistes Loup Espargilière et Juliette Quef en direct dans la Terre au carré.
Non mais sérieusement, l’OFB, cette austère agence de l’État que peu de monde connaissait jusqu’à récemment, elle déchaîne encore plus les passions qu’un hidjab sur un terrain de foot !
Début 2024, en pleine colère agricole, certains syndicats ont eu la riche idée de la désigner responsable de tous les maux des paysans : résultat, on compte des dizaines d’actes de vandalisme et d’agression contre l’OFB depuis un an et demi.
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Puis, flairant le bon filon, certains hommes politiques en perte de vitesse en ont fait leur piñata préférée, espérant gratter à chaque nouveau coup quelques voix (au hasard) à l’élection de la présidence des Républicains.
Mais à qui pouvez-vous bien faire référence, Loup Espargilière ?
Ne faites pas l’ingénu Mathieu, vous l’avez reconnu : Laurent Wauquiez a trouvé le bouc émissaire parfait dans cette «coalition d’idéologues» qui «empêche les agriculteurs de travailler et de vivre dignement». Il n’est hélas pas le seul à tenir ce discours chez LR, ni dans la coalition gouvernementale.
Rappelez-vous, François Bayrou avait dénoncé l’«humiliation» subie par les agriculteurs lorsque la police de l’environnement arrive «une arme à la ceinture dans une ferme déjà mise à cran par la crise».
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Bref, ce refrain fait mouche et c’est officiellement pour calmer le jeu que les ministres de l’agriculture et de l’écologie, la LR Annie Genevard et la macroniste Agnès Pannier-Runacher, viennent de présenter dix mesures «pour un dialogue renouvelé entre les agents de l’OFB et le monde agricole».
Quelles sont les mesures à retenir ?
Comme mon collègue Esteban Grépinet l’a raconté dans un article détaillé à lire sur le site de Vert, les agents de la police de l’environnement pourraient bientôt être équipés de caméras embarquées, pour garder une trace de leurs interventions. Un guichet et une adresse mail seront créés pour signaler les contrôles qui se seraient mal passés.
Une sorte de «police de la police de l’environnement» devrait voir le jour – comme il existe l’IGPN pour la police nationale ; je rappelle que les agents de l’IGPN sont surnommés les «bœufs carotte», je vois mal comment on va trouver mieux cette fois-ci.
En vrac, les deux ministères prévoient la création de «fiches pratiques», la «formation des inspecteurs de l’environnement aux enjeux agricoles et de certains agents des chambres d’agriculture à la biodiversité», mais aussi une «large campagne de communication sur la protection de l’environnement», ou un «colloque national sur la police de l’eau et de la nature»…
Bref, il ne manque que le numéro vert et la convention citoyenne.
Le gouvernement veut aussi lancer une «réflexion de revue des normes et échelles des peines». Autrement dit, certaines sanctions pourraient être réduites en cas, par exemple, de pollutions, de destruction d’espèces protégées ou de haies.
Enfin, le point qui a mis le feu aux poudres des policiers de l’environnement, c’est celui qui introduit le port d’arme discret : les agents en intervention chez des agriculteurs seront tenus de cacher leur arme. Comme nous l’a dit Sylvain Michel, représentant syndical (CGT) à l’OFB, il s’agit d’une «menace pour la sécurité des agents», car il faut plus de temps pour dégainer en cas de besoin.
Ces mesures vont-elles faire retomber la colère ?
Pour Paul-Emilien Toucry, représentant du syndicat SNAPE-FO, «ces mesures n’auront aucune incidence sur les principaux problèmes des agriculteurs, comme : les difficultés du métier, les problèmes financiers ou la perte de sens…».
Cette panoplie de mesure, qui vise surtout à donner des gages aux syndicats agricoles, elle est d’autant plus surprenante que seuls 7,5% des contrôles exercés par l’OFB ont un rapport avec le monde agricole ; et que chaque exploitation est contrôlée, en moyenne, tenez-vous bien, une fois tous les… 120 ans.
Mais il y avait visiblement plus urgence à rassurer les syndicats agricoles qu’à agir sur les causes du mal-être ou à enrayer l’effondrement du vivant.
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