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Trains de la colère : «Il serait temps de se remettre sur les rails», la chronique de Justine Prados dans la Terre au carré

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Caténaires à vif. Cette semaine, la journaliste de Vert revient sur une mobilisation… à bord de plusieurs trains. Mardi, les usager·es des lignes Paris-Clermont et Paris-Toulouse ont exprimé leur colère face aux retards à répétition. Y aurait-il une France ferroviaire à deux vitesses ? Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter, mercredi 16 avril 2025.

Mathieu Vidard : Justine, aujourd’hui vous nous parlez des «trains de la colère» qui sont venus hier à Paris…

Oui Mathieu, vous avez sûrement entendu parler de cette mobilisation assez originale qui a eu lieu mardi. Des centaines d’élus, des syndicalistes et des citoyens sont montés dans des trains de la ligne Clermont-Ferrand-Paris et de la ligne POLT, qui relie Paris à Orléans, Limoges et Toulouse. Ils se sont rendus à Paris pour faire entendre leur frustration face à la dégradation de ces lignes, qui sont connues pour leurs retards fréquents, leurs pannes et leurs dysfonctionnements à répétition.

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Alors je ne sais pas si vous avez déjà emprunté ces lignes, mais je vous assure que rester coincée dedans plusieurs heures, en pleine canicule, sous 35 degrés, ça a de quoi vous marquer. Et d’ailleurs, si ça sent le vécu, c’est sûrement parce que c’est le cas.

Concrètement, ces deux lignes sont très défectueuses, alors même qu’elles desservent des départements parmi les plus ruraux et enclavés du pays – et les usagers dénoncent un véritable abandon de l’État dans ces territoires.

Pour Vert, notre journaliste Emma Conquet, qui vit justement dans le Lot, est montée dans le train hier matin très tôt à Cahors, pour suivre ce périple jusqu’à la gare d’Austerlitz à Paris.

Elle a récolté les témoignages de nombreux citoyens venus dénoncer une France à deux vitesses, où les habitants des zones reculées trinquent deux fois plus que les autres et peinent à se déplacer en train.

Mais alors, l’État ne fait rien ?

C’est un peu plus compliqué que ça. Vendredi dernier, le ministre des transports, Philippe Tabarot, s’est rendu à Clermont-Ferrand pour discuter de la situation, et a reconnu que le service n’était pas à la hauteur. Il a promis quelques gestes tarifaires, mais pas de quoi convaincre les usagers pour le moment.

Dans le détail, la SNCF a aussi lancé un programme de modernisation de ces deux lignes vieillissantes il y a quelques années, et annoncé des investissements de près de trois milliards d’euros d’ici à 2027. Mais le remplacement des vieilles rames a été plusieurs fois retardé, et les citoyens mobilisés jugent que ces financements devraient être doublés pour qu’ils soient vraiment efficaces.

J’imagine que ce ne sont pas les seuls problèmes…

Non et, globalement, cette situation est surtout révélatrice d’un enjeu plus grand : aujourd’hui, le train souffre d’un gros manque d’investissements en France. Et ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Autorité de régulation des transports.

Cet organisme public, qui est chargé de contrôler le bon fonctionnement économique des infrastructures de mobilités, a relevé en décembre dernier que les financements étaient insuffisants au regard des besoins de maintenance et d’investissement du réseau, et que l’offre ferroviaire avait tendance à se dégrader en France.

Sauf qu’au-delà de la modernisation essentielle des lignes de train, qui est, comme on l’a vu, un sujet dans plusieurs régions, les investissements sont nécessaires pour adapter le ferroviaire aux impacts du changement climatique.

Car le train est un allié de taille dans la lutte contre le dérèglement du climat : il transporte des passagers et des marchandises pour des émissions de CO2 modiques par rapport à d’autres moyens de transport, tout en désenclavant des territoires. À titre d’information, un trajet Clermont-Paris en avion, c’est 127 kilos de CO2 par passager, soit 45 fois plus qu’en train, où c’est seulement trois kilos.

Mais ça, c’est seulement quand il fonctionne bien, le train. Et, pour l’instant, l’adaptation reste un gros angle mort des politiques ferroviaires, alors même que le train souffre déjà des inondations, des tempêtes ou des vagues de chaleurs, et que ça ne va pas aller en s’arrangeant. Alors, avec tout ça, il serait peut-être temps de se remettre sur les rails pour éviter de foncer dans le mur.

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