Quoi qu’il en coupe. Cette semaine, la présidente de Vert revient sur la volonté du gouvernement de contourner le débat public sur les futurs projets industriels potentiellement nuisibles pour l’environnement. Réindustrialisation ou démocratie, faut-il choisir ? Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter, mercredi 9 avril 2025.
Mathieu Vidard : Juliette, aujourd’hui vous nous parlez des menaces qui pèsent sur la Commission nationale du débat public…
Oui Mathieu, vous vous souvenez ? Il y a quelque temps, j’évoquais ici les attaques en règle de la droite et de l’extrême droite contre l’Office français de la biodiversité (OFB), l’Agence de la transition écologique (Ademe) ou encore l’Agence bio. Eh bien, cette semaine, c’est au tour de la Commission nationale du débat public – ou CNDP, pour les intimes – de vaciller.
Alors là, vous allez me dire : «Juliette, déjà… la CNDP, c’est quoi ce machin ? Si on ne connaît pas, c’est que ce n’est pas si important.» Hélas, beaucoup de députés pensent comme vous. Et c’est justement le problème.
La CNDP, c’est l’instance indépendante qui veille à ce que les citoyens soient informés et consultés avant le lancement de projets qui ont un impact sur l’environnement. Un peu de transparence, un peu de démocratie… avant les bulldozers. Ou pas !
Par exemple : une mine de lithium dans l’Allier, deux réacteurs nucléaires prévus dans l’Ain, une usine de carburants de synthèse pour l’aviation dans les Vosges… tous ces projets doivent en ce moment même passer par la case «débat public».
Et c’est la CNDP qui s’en charge : elle oblige les porteurs de projet à fournir des informations claires et précises – sur les lieux, les risques, les impacts sur la biodiversité, la santé ou le climat – et à organiser des échanges ouverts avec la population.
Bref, c’est un outil de démocratie environnementale, et ça semble plutôt utile.
En effet, mais alors, qu’est-ce qui est reproché à la Commission nationale du débat public ?
On entend principalement deux arguments, brandis par le gouvernement, Les Républicains et l’extrême droite : ça coûterait trop cher et ça ralentirait les projets.
Pour ce qui est de coûter trop cher, en réalité, ce sont les industriels qui financent l’organisation des débats. On parle là de gros projets d’au moins 600 millions d’euros, parfois plusieurs milliards. Donc débourser un ou deux millions pour que la démocratie fonctionne mieux, c’est peanuts.
Ensuite, ça ralentirait les projets. Là encore, c’est un faux argument. Les débats publics sont encadrés dans un délai maximal de quatre mois. Quatre mois, pour des projets qui mettent des années à voir le jour… c’est nada.
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Mais ce que le gouvernement lui reproche vraiment, c’est autre chose : faire peur aux entreprises. Parce qu’un débat, ça peut faire remonter des critiques, révéler des oppositions locales, demander des ajustements. Et ça, dans un contexte de réindustrialisation à marche forcée, c’est vu comme un obstacle.
Donc, depuis deux ans, l’exécutif cherche à réformer discrètement la CNDP, en contournant la procédure de débat public pour les projets industriels. Autrement dit : 60% des dossiers traités par l’instance aujourd’hui.
Pour être clair, si cette réforme passe, ça voudrait dire qu’un projet de mine, de forage pétrolier ou d’industrie chimique pourrait s’installer près de chez vous sans que vous n’en soyez informé.
Et où en est ce projet de réforme ?
Il traîne depuis deux ans. Il était présent – avant de disparaître – dans la loi «industries vertes», promulguée en 2023, qui visait à accélérer la réindustrialisation du pays.
Puis, l’idée a atterri sur le bureau des premiers ministres qui se sont succédé à Matignon : Gabriel Attal, Michel Barnier – ironie du sort, c’est celui-là même qui avait créé la CNDP en 1995 –, et enfin François Bayrou. Ce dernier a bien essayé de la faire passer sous forme de décret, mais ça a été retoqué par le Conseil d’État. Encore raté.
Cette semaine, il est revenu par une nouvelle porte : celle de la loi de simplification de la vie économique, qui est discutée depuis ce 9 avril à l’Assemblée nationale. Un projet de loi fourre-tout qui multiplie les reculs sur l’environnement, et donc, attaque la CNDP.
Des macronistes à l’extrême droite, en passant par Les Républicains, chacun y est allé de son petit amendement pour réduire drastiquement le périmètre d’action du débat public, voire carrément supprimer la CNDP.
On vous l’a dit : la démocratie, c’est pénible.
Une pétition pour défendre la CNDP, lancée le 30 mars par France nature environnement et le Réseau action climat, a déjà recueilli près de 30 000 signatures.
Bon, puisque l’heure est à la simplification, Mathieu, je vous propose qu’à partir de la semaine prochaine, on taille dans la chronique de Cyril Dion. Ce sera introduction, conclusion… et c’est tout. On n’a plus le temps des circonvolutions, de la nuance, et de la poésie. Hop, hop, hop, on coupe tout !
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