Reportage

Au Mondial de l’auto, la voiture se cherche un avenir

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Voiture vers le futur. Le mod­èle d’avenir pro­posé par le Mon­di­al de l’auto, de retour cette semaine à Paris, peine à faire rêver indus­triels et con­som­ma­teurs. Un salon focal­isé sur l’électrique, où les vel­léités écologiques résis­tent mal à la ten­dance au gigan­tisme. Reportage.

« La révo­lu­tion est en marche », tente de se con­va­in­cre un Mon­di­al de l’auto de plus en plus men­acé. Chutes des ventes, dif­fi­cultés des con­struc­teurs européens face à la con­cur­rence des sociétés chi­nois­es… Le salon reflète un secteur con­trar­ié par les impérat­ifs cli­ma­tiques. Emmanuel Macron l’a rap­pelé en ouver­ture : il souhaite attein­dre l’objectif de « 100 % de véhicules élec­triques en 2035 ».

Du tout-essence au tout-électrique

« On va tomber dans une autre dépen­dance, celle des métaux stratégiques », s’inquiète Marc Mor­tureux, représen­tant la fil­ière auto­mo­bile, lors d’un débat sur la grande scène du salon. « La déci­sion est prise, main­tenant on fonce pour réus­sir cette tran­si­tion », ajoute-t-il, his­toire de ne pas trop gâch­er la fête. Des­tiné à la fois au grand pub­lic et aux pro­fes­sion­nels, le Mon­di­al a fait de la voiture élec­trique sa vedette. « Il y a un intense lob­by­ing pour pouss­er une excel­lence française », dénonce Romain, con­cep­teur de pots d’échappements pour Renault. Prix élevé et temps de recharge ; s’il s’oppose à l’électrique, c’est avant tout parce qu’il pense que c’est une « régres­sion pour l’utilisateur ». Tra­vail­lant sur des mod­èles ther­miques qui ne seront com­mer­cial­isés que dans cinq ans, l’interdiction de la vente de voitures à essence d’ici à 2035 ne lui fait pas peur : « On con­tin­uera à en ven­dre ailleurs dans le monde et je ne vois pas com­ment on va pou­voir attein­dre cet objec­tif de toute façon ».

La fin des voitures thermiques d’ici 2035 jugée peu crédible

Même per­plex­ité chez Nico­las et Jamil, étu­di­ants en mécanique, venus de Nev­ers (Nièvre) pour vis­iter le salon. « Tout miser sur l’électrique, c’est esquiver le prob­lème, on n’arrivera pas à arrêter la voiture en 2035 », anticipent-ils, en se pré­parant déjà à devoir adapter ce qu’ils appren­nent à l’école. Pour attein­dre la neu­tral­ité car­bone d’ici à 2050, le think tank The shift project pro­pose une relo­cal­i­sa­tion de la pro­duc­tion et des con­ver­sions majeures vers la fil­ière vélo, à même « d’amortir presque entière­ment la baisse de l’emploi dans la fil­ière auto­mo­bile ». Ce n’est pas la voie emprun­tée par le gou­verne­ment, ni par les indus­triels.

La tendance plus discrète des mini-voitures

Loin du véhicule sobre, ce sont cette année encore les gros mod­èles qui sont placés sous les pro­jecteurs avec musique d’ambiance, moquettes et agent·es d’entretien pour faire briller la car­rosserie. Qu’ils soient élec­triques ou à hydrogène, les SUV présen­tés vont à l’encontre des recom­man­da­tions de l’A­gence de la tran­si­tion écologique (Ademe), qui rap­pelait la semaine dernière qu’un véhicule élec­trique n’est véri­ta­ble­ment écologique qu’à con­di­tion d’être léger (Vert). Plus dis­crète, la ten­dance aux mod­èles réduits fait pour­tant son appari­tion.

Microli­no Lite, une nou­velle mini-voiture élec­trique sans per­mis qui s’ou­vre par l’a­vant © Alban Leduc

Pas moins de huit mar­ques exposent des véhicules d’une ou deux places, pour la plu­part élec­trique. « C’est sur les petits tra­jets du quo­ti­di­en que l’électrique est le plus adap­té », con­firme à Vert Aurélien Bigo, chercheur sur la tran­si­tion énergé­tique des trans­ports. Il salue le développe­ment d’une con­tre-ten­dance aux gross­es voitures, et plaide pour le déploiement de « véhicules inter­mé­di­aires », comme la vélo-voiture ou le speed ped­elec — un vélo élec­trique qui va jusqu’à 45 km/h. Seront-ils les stars de l’édi­tion 2023 du Mon­di­al ?