Reportage

Festival de greenwashing au Mondial de l’automobile 2022

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Caisse qu’on se marre ! Com­ment con­tin­uer à ven­dre du rêve alors que la voiture indi­vidu­elle — ther­mique ou élec­trique - est tou­jours plus verte­ment cri­tiquée ? Petit flo­rilège des ini­tia­tives fan­tai­sistes imag­inées par les exposant·es du Mon­di­al de l’automobile, qui a ouvert ses portes à Paris lun­di 17 octo­bre.

S’illusionner à grand renfort de greenwashing

« Voiture verte », « énergie pro­pre », ou encore « vivez le plein air »… Pour son grand retour après deux ans d’interruption, le salon de l’auto a subi un gros coup de pein­ture verte. Pour cette édi­tion placée sous le signe d’une « révo­lu­tion en marche », tout est fait pour que les visiteur·ses puis­sent imag­in­er l’avenir sans aban­don­ner la voiture indi­vidu­elle. On y martèle que le bilan car­bone de la voiture élec­trique est cinq fois inférieur à celui du véhicule ther­mique, sans rap­pel­er que les con­di­tions ne sont sou­vent pas réu­nies. Le béné­fice — réel — serait moin­dre, comme nous l’avons expliqué dans le dernier Vert du faux.

Sur le stand bioéthanol, un moteur pousse au milieu des épinards © Alban Leduc

La mythique 4L transformée en SUV électrique

Dif­fi­cile de retrou­ver les traits du célèbre pot de yaourt des années 1960 dans l’énorme mod­èle pro­posé par Renault en ver­sion élec­trique. Cou­vert de plas­tique et de plex­i­glas, le con­cept de près de 2 mètres de haut est à rebours de la sobriété prônée par l’Agence de la tran­si­tion écologique (Ademe), qui con­sid­érait la semaine dernière que pour être éco­los les véhicules élec­triques devaient être le plus léger pos­si­ble.« Le con­cept présen­té au salon est tou­jours plus impres­sion­nant, on attend le retour client », se défend-t-on sur le stand de présen­ta­tion. La ver­sion défini­tive est atten­due en 2025.

La nou­velle ver­sion de la 4L, trans­for­mée en SUV élec­trique au mon­di­al de l’au­to © Alban Leduc

Des voitures plus équipées que les avions

« Il y a désor­mais plus de ligne de codes dans une voiture que dans n’importe quel avion ». À l’heure des pénuries de semi-con­duc­teurs, le salon se vante de pro­pos­er des véhicules tou­jours plus con­nec­tés. Inter­face tac­tile pour surfer sur les réseaux, aides à la con­duite en tout genre et autres gad­gets ne cesse de s’additionner pour con­va­in­cre les consommateur·rices de renou­vel­er leurs véhicules. Dans son nou­veau mod­èle à hydrogène, Hopi­um pro­pose par exem­ple un « écran déployé sur toute la largeur du véhicule [qui] se trans­forme au gré des envies, dans un mou­ve­ment de vague ». Rien n’est trop beau pour don­ner l’illusion d’un mod­èle nature au volant. Les objets con­nec­tés émet­tent de grandes quan­tités de gaz à effet de serre lors de la pro­duc­tion. Un comble quand on sait que la voiture — et donc ses ser­vices — restent inutil­isées et à l’arrêt en moyenne 95 % du temps.

Machi­na vision, le nou­veau mod­èle à hydrogène pro­posé par le Français Hopi­um © Alban Leduc

Fini les SUV, place aux HUV

Pour la pre­mière fois en France, le pub­lic peut pré­com­man­der des véhicules à hydrogènes qui seront livrés en 2025 par les con­struc­teurs Hopi­um ou NamX. Sur le salon, si l’hydrogène est présen­té comme une « énergie pro­pre », qui « fait aujourd’hui con­sen­sus au sein de la com­mu­nauté sci­en­tifique », sa pro­duc­tion reste très éner­gi­vore et elle dépend encore large­ment des éner­gies fos­siles à tra­vers le monde (Vert). Côté sobriété, on repassera : le Mon­di­al fait la part belle à des SUV mas­tocs rebap­tisés Hydro­gen Util­i­ty Vehicule (HUV), pour faire oubli­er le triste bilan de ce type de véhicules : la mode des SUV, beau­coup plus lourds que leurs aînés, con­stitue aujour­d’hui la sec­onde cause d’aug­men­ta­tion des émis­sions de gaz à effet de serre sur la planète, a alerté l’A­gence inter­na­tionale de l’én­ergie.

Graphique réal­isé par l’Agence inter­na­tionale de l’énergie, traduit (et décoré) par Vert

Le bio-éthanol, une solution miracle du passé ?

Au milieu des gigan­tesques halls d’exposition, le salon pro­pose un « vil­lage bioethanol » agré­men­té de nom­breuses plantes vertes et de con­struc­tions en bois ; de quoi mobilis­er tous les imag­i­naires liés à la nature. Depuis de nom­breuses années, le com­bustible pro­duit à par­tir de céréales et bet­ter­aves est pour­tant large­ment con­testé. En con­cur­rence avec la pro­duc­tion ali­men­taire et pou­vant par­ticiper à la déforesta­tion, les bio­car­bu­rants sont lim­ités à 7% de la con­som­ma­tion d’énergie dans les trans­ports, depuis 2015 dans toute l’Union européenne.

Le « vil­lage bioéthanol » met en scène une sta­tion ser­vice repeinte en verte © Alban Leduc

Pour com­penser l’empreinte car­bone du salon, la mar­que Dacia a heureuse­ment trou­vé La solu­tion, en pro­posant des bornes de col­lectes pour recy­cler les bouteilles en plas­tique en planch­es de surf éco-respon­s­ables. Nous sommes sauvés !