C’est une salle comble qui a écouté pendant plusieurs heures, ce mercredi à Toulouse (Haute-Garonne), les argumentaires des avocat·es des deux parties dans le dossier de l’autoroute A69, censée rapprocher Toulouse de Castres (Tarn).
Cette audience visait à étudier la demande de «sursis à exécution» déposée par l’État afin de suspendre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 février dernier. Celui-ci avait entraîné l’arrêt du chantier de l’A69, en attendant que le fond du dossier soit examiné en appel – dans plusieurs mois. La cour administrative d’appel de Toulouse rendra sa décision sur la demande de sursis à exécution d’ici au 28 mai prochain.
Ce mercredi, le rapporteur public Frédéric Diard, magistrat chargé d’éclairer les débats et dont l’avis est souvent suivi par les juridictions administratives, a confirmé être favorable à une reprise des travaux de l’autoroute contestée – il l’avait déjà fait savoir lundi. Pour lui, l’importance des villes de Castres, de Mazamet et de Toulouse justifie «par nature qu’elles soient reliées par des infrastructures routières rapides», comme le sont d’autres villes occitanes d’importance telles Albi, Foix, Carcassonne ou Cahors – qui sont toutes reliées à Toulouse par l’autoroute.
Le rapporteur public a aussi expliqué que les conditions pour accorder le sursis à exécution «semblent réunies au regard des textes et de la jurisprudence».
Le jugement du tribunal, «une anomalie» à corriger
D’après le code de justice administrative, ces conditions sont l’existence d’«arguments sérieux» allant contre la décision rendue en première instance, ainsi que la présence de «conséquences difficilement réparables» pouvant être provoquées par la décision. De son côté, Frédéric Diard a évoqué les coûts engendrés par l’arrêt des travaux, certes «probablement surévalués» par le maître d’œuvre et futur concessionnaire Atosca, mais qui sont néanmoins «particulièrement lourds» et justifieraient donc, là aussi, le sursis à exécution.
Éric Sacher, sous-directeur des affaires juridiques au ministère de la transition écologique et représentant de l’État à l’audience, a estimé à la barre que le jugement du tribunal administratif en février constituait «une anomalie» qu’il convenait de corriger.
Du côté des opposant·es au projet, l’avocate Alice Terrasse s’est élevée contre la position du rapporteur public, en martelant qu’«il n’y a pas de projet qui “par nature” disposerait d’une raison impérative d’intérêt public majeur» – ou RIIPM, nécessaire pour autoriser ce type de chantier et justifier l’atteinte à des espèces protégées lors des travaux.
Cette RIIPM doit justement être évaluée en fonction de critères spécifiques (sécurité, intérêt économique et social, etc.) qui ne sont pas réunis sur ce dossier, avait jugé le tribunal administratif de Toulouse en février dernier. «On vous demande de commettre une erreur de droit», a fustigé l’avocate des opposant·es à l’A69, à l’intention des juges. Pour Alice Terrasse, les pro-autoroute privilégient l’équité territoriale «au détriment de l’environnement», alors qu’elle ne constitue pas une RIIPM.
«Un mépris de la justice et du justiciable»
Pour sa consœur, Julie Rover, ce sont les «conséquences irréversibles pour l’environnement» qui doivent être prises en compte dans la décision de la cour, et non les risques non démontrés pour la «santé financière» des sociétés engagées dans la construction de l’autoroute.
«Le magistrat a repris à son compte plusieurs éléments fallacieux d’Atosca, jusqu’à avancer un gain de temps de 35 minutes initialement annoncé, une donnée grotesque abandonnée depuis par les porteurs du projet, les juges du tribunal administratif ayant acté un gain de temps de 20 minutes dans leur jugement», ont notamment dénoncé les opposant·es au projet, réuni·es sous la bannière du collectif La voie est libre, à l’issue de l’audience.
«L’urgence, c’est de laisser la juridiction de fond faire son travail», a insisté Alice Terrasse. L’avocate a par ailleurs souligné que la proposition de loi de validation, présentée par les parlementaires pro-A69 et votée la semaine dernière par le Sénat, constituait «un mépris de la justice et du justiciable». Pour elle : «L’État ne croit tellement pas à ses arguments qu’il est obligé de faire une loi.»
À lire aussi
-
Arnaud Gossement, docteur en droit : «L’arrêt de l’A69 est un coup de tonnerre juridique»
Mieux vaut Tarn que jamais. Ce jeudi, le tribunal administratif de Toulouse (Haute-Garonne) a annulé l’autorisation environnementale de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres (Tarn). Nous avons posé trois questions à Arnaud Gossement, spécialisé en droit de l’environnement, sur l’importance de cette décision qui met un coup d’arrêt au chantier controversé. -
«Sans l’occupation des arbres, l’autoroute aurait peut-être vu le jour» : Thomas Brail et les «écureuils», symboles de la lutte contre l’A69
Branche de salut. Depuis 2023, les «écureuils», ces activistes opposé·es à la construction de l’autoroute A69 entre Toulouse (Haute-Garonne) et Castres (Tarn), grimpent dans les arbres pour empêcher leur abattage. Un mode d’action qui a mis un coup de projecteur sur le projet et contribué à son annulation.