Trois mois après la décision inédite du tribunal administratif de Toulouse (Haute-Garonne) suspendant le projet controversé d’autoroute censé relier Toulouse à Castres (Tarn), c’est la douche froide pour les opposant·es à l’A69.
Dans ses recommandations rendues ce lundi après-midi, le rapporteur public Frédéric Diard a plaidé pour la suspension du délibéré du 27 février dernier, qui ordonnait l’arrêt du chantier en attendant le jugement en appel. Ce magistrat est chargé d’éclairer les débats et d’émettre un avis après une étude approfondie du dossier – ses conclusions sont généralement suivies par le tribunal, même si ce n’est pas toujours le cas.

Fin mars, l’État avait fait appel du jugement du tribunal. Il avait assorti cet appel d’une demande de «sursis à exécution», une procédure accélérée visant à réclamer la suspension d’une décision – ici, l’arrêt des travaux – en attendant le jugement en appel, qui n’interviendra pas avant fin 2025 ou début 2026. La cour administrative d’appel de Toulouse doit se réunir mercredi matin pour étudier cette demande.
Le collectif La voie est libre, qui réunit les associations, syndicats et citoyen·nes opposé·es au projet, s’est dit «extrêmement surpris» par les conclusions du rapporteur public : «On ne peut pas croire que les procédures d’urgence puissent être à ce point à sens unique et puissent balayer une décision de fond si tranchée et minutieusement argumentée.»
«Nous restons confiants sur la décision des juges»
En février, le tribunal administratif de Toulouse avait annulé l’autorisation environnementale du projet – un jugement inédit pour un chantier d’une telle ampleur. Cette autoroute de 53 kilomètres de long, en cours de construction le long d’une nationale existante, promettait de désenclaver le bassin économique de Castres en raccourcissant le trajet jusqu’à Toulouse d’à peu près 15 minutes (il faut compter environ 1h10 actuellement pour relier les deux villes). Le tribunal avait considéré que cet «enclavement» n’était pas suffisamment caractérisé et que l’autoroute ne disposait pas d’un intérêt public suffisant pour justifier l’atteinte à de nombreuses espèces protégées pendant les travaux.
Pour le collectif La voie est libre, il est «impensable» que le tribunal autorise le retour des engins de chantier pour quelques mois avant le jugement en appel. «Nous restons cependant confiants sur la décision des juges du sursis, qui, au vu de la qualité du jugement en première instance, ne permettront pas le redémarrage provisoire du fiasco A69», martèlent les opposant·es. La décision de la cour administrative d’appel devrait être rendue d’ici à la fin du mois.
En parallèle, la semaine dernière, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à court-circuiter la décision du tribunal en reconnaissant la «raison impérative d’intérêt public majeur» de la liaison autoroutière, qui avait été écartée par la justice. Ce texte sera à son tour examiné par l’Assemblée nationale début juin.
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