Les conclusions étaient attendues avec impatience par les élu·es et les associations de quartier. Jeudi 9 octobre, les représentant·es de la convention citoyenne sur le projet de création d’une ligne de tramway au nord de Strasbourg (Bas-Rhin) ont présenté leur rapport. Long de 39 pages, il contient des préconisations concernant le tracé.
Pendant six sessions de travail entre avril et septembre 2025, cent citoyen·nes «représentatifs de la population de l’Eurométropole de Strasbourg» ont entendu des expert·es, des politiques et des associations afin de proposer le parcours idéal. Dans leurs conclusions, elles et ils soutiennent le projet de création d’un tramway au nord de la ville. Toutefois, les citoyen·nes proposent un itinéraire différent de celui voulu par la majorité écologiste de l’Eurométropole de Strasbourg (EMS).
La création d’une ligne reliant le centre-ville de Strasbourg aux communes de Schiltigheim et de Bischheim, au nord, est un projet qui date de plus de 20 ans. À son propos, les élu·es du secteur se sont souvent cassé·es les dents. En décembre 2024, la commission d’enquête publique sur le sujet a émis un «avis défavorable» (notre article) concernant l’extension du tram, après plusieurs semaines de réunions publiques houleuses. Un revers pour la majorité écologiste. Dans la foulée, en janvier 2025, la convention citoyenne composée de personnes tiré·es au sort a été annoncée comme une réponse à cet échec.
Concernant les «objectifs prioritaires du projet», les membres de la convention ont placé «l’équité territoriale» tout en haut de la liste. À l’inverse, «l’adaptation de la ville au dérèglement climatique» apparaît en sixième et avant-dernière place.
Des propositions moins contraignantes pour les automobilistes
«Les citoyens de la convention ont émis comme priorité absolue la connexion entre le quartier des Écrivains [un quartier prioritaire de la ville situé à cheval sur les communes de Bischheim et Schiltigheim, NDLR] et le centre-ville de Strasbourg. Même si cela a été pris en compte, il ressort de ce rapport que la question de la mobilité a primé sur celle des enjeux liés au changement climatique», analyse la maire écologiste de Strasbourg, Jeanne Barseghian.
Axe fort du projet des écologistes et principal point de clivage : la question de la place de la voiture en ville. Les membres de la convention citoyenne ont eu une approche plus mesurée que celle des élu·es. Le projet de l’EMS prévoyait de faire passer le tramway par l’avenue des Vosges, à Strasbourg, où 18 000 véhicules circulent tous les jours. Il était donc question de limiter ce trafic. Mais cette proposition n’a été soutenue que par 49% des citoyen·nes tiré·es au sort. Il fallait atteindre le seuil de 70% pour considérer que les membres de la convention citoyenne approuvaient cette option.
«La majeure partie d’entre nous pense qu’il ne faut pas contraindre les automobilistes à abandonner la voiture, mais plutôt les inciter à prendre le tramway en premier […] afin de ne pas aggraver les conflits d’usage ni désigner les automobilistes comme de mauvais élèves», indiquent les citoyen·nes dans leur rapport.
Un tracé encore en débat sur la partie strasbourgeoise
Toutefois, concernant le détail de la partie strasbourgeoise du tracé, les citoyen·nes tiré·es au sort disent avoir besoin «d’études plus approfondies» pour estimer «les conséquences sur le réseau des propositions» qu’elles et ils ont formulées. La convention citoyenne souhaite donc laisser «ouvertes les possibilités pour laisser le soin aux futures études techniques d’éclairer les décideurs et décideuses». Une chose est sûre, face au refus des citoyen·nes de soutenir un tracé via l’avenue des Vosges, il y a peu de chances qu’un·e élu·e remette cette option sur la table dans le futur.
Une proposition de tracé a reçu la validation de plus de 85% des citoyen·nes : le passage par la rue du Faubourg-de-Pierre et la connexion au maillage existant par la place Broglie ou celle de la République. «Ce type de tracé permet une bonne vitesse commerciale car il n’y a pas de virages. De plus, l’arrivée du tramway offre l’opportunité de créer une rue commerçante dynamique», justifient les membres de la convention citoyenne.
Cette option n’avait «jamais été étudiée», reconnaît Jeanne Barseghian. «Nous allons lancer des études complémentaires sur ce tracé, mais aussi sur l’ensemble des alternatives étudiées par la convention, avant les élections municipales de mars prochain», promet-elle.
Un consensus clair pour le nord du tracé
Concernant la partie du tracé qui traverse les communes de Bischheim et de Schiltigheim, la convention citoyenne a dégagé un consensus clair : depuis le quartier des Écrivains, le passage du tramway doit se faire par le site d’Heineken, dont l’usine doit cesser ses activités début 2026. Ce tracé avait déjà été défendu comme une alternative au projet des écologistes par l’ancienne maire socialiste de Strasbourg, Catherine Trautmann.
«Ce tracé permettrait également aux habitants et habitantes du quartier des Écrivains d’être reliés au centre de Schiltigheim, qui deviendrait ainsi un lieu de destination et de sociabilité, en plus du centre de Strasbourg», indiquent les conclusions de la convention citoyenne.
Le parcours voulu par les écologistes était rectiligne, afin que le tramway aille plus vite, et passait par l’avenue du Général-de-Gaulle, un axe très fréquenté par les automobilistes – qui auraient eu moins de place sur la chaussée. Cette partie du projet, sans desserte du centre-ville de Schiltigheim, avait provoqué la colère de nombre d’habitantes et habitants. La convention citoyenne semble avoir pris cela en compte.
À l’issue des six mois de travail, une large majorité de participant·es à la convention citoyenne ont salué le dispositif. Néanmoins, cette forme de démocratie participative suscite toujours de vives critiques des opposant·es politiques et des associations opposées au projet initial porté par l’EMS. Principale source de crispation : le coût du dispositif, un demi-million d’euros – la plus grande part étant consacrée aux indemnisations des participant·es lors des six sessions de travail.
En attendant les nouvelles études techniques sur la partie strasbourgeoise du tracé, le dossier est encore loin d’être clos. Nul doute que la question du tramway nord sera une thématique majeure de la campagne pour les prochaines élections municipales, les 15 et 22 mars prochains.
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