Coup de tramfalgar. Les commissaires de l’enquête publique viennent de rendre un avis «défavorable» au projet d’extension du tramway nord porté par les écologistes de l’eurométropole de Strasbourg. Un «choc» et une probable mise à mort du projet dont les travaux devaient démarrer début 2025.

Dans la capitale de Noël, un vent glacial vient de souffler sur la majorité écologiste de l’eurométropole de Strasbourg (EMS), dans le Bas-Rhin. Les commissaires viennent de rendre un avis «défavorable» au projet de tramway nord dans les conclusions du rapport d’enquête publique, transmis aux élu·es lundi 9 décembre. L’information, révélée par France 3 le lendemain midi, a été confirmée dans la foulée par l’exécutif métropolitain.

Au centre administratif de Strasbourg, la maire écologiste Jeanne Barseghian, le visage crispé et dans une ambiance très lourde, ne nie pas la violence de ce coup de bambou : «C’est une grande déception, un véritable coup dur. Nous n’avons pas réussi à convaincre la commission d’enquête».

Le projet est-il mort pour de bon ?

Ce projet d’extension du tramway, qui devait connecter Strasbourg avec deux communes du nord de l’EMS (Bischheim et Schiltigheim) pour réduire la place de la voiture sur des axes très fréquentés «n’est pas remis en cause dans le rapport», selon la présidente de l’eurométropole, Pia Imbs. Elle assure que l’EMS ne déposera «aucun recours pour contester l’avis rendu» par les commissaires.

Au moment où nous écrivons ces lignes, le rapport de 150 pages n’a pas encore été rendu public. Il doit d’abord être examiné par le tribunal administratif, puis publié par la préfecture. Impossible donc de connaître les raisons précises qui ont conduit la commission d’enquête publique à se prononcer contre le projet.

Cet avis défavorable marque sans doute la fin de cette version du projet d’extension du réseau de tram. «Il faut refaire un projet. Soyons réaliste, ce n’est pas la peine de retravailler celui-ci après l’avis défavorable», soutient auprès de Vert Danielle Dambach, maire de la commune de Schiltigheim et actrice majeure du projet.

Les travaux de cette nouvelle ligne devaient démarrer début 2025 pour une mise en service attendue fin 2027. Alain Jund, vice-président (écologiste) de l’EMS en charge des mobilités, concède que désormais, la majorité écologiste «pourra difficilement lancer les travaux avant la fin du mandat».

Pour le moment, aucun nouveau calendrier n’a été annoncé par les écologistes. C’est maintenant à la préfecture de valider ou, plus vraisemblablement, retoquer la déclaration d’utilité publique du projet.

Une surprise dans les deux camps

Danielle Dambach fustige les agissements des opposants politiques : «Ceux qui ont agi contre ce tram à des fins électoralistes pourraient être attaqués pour inaction climatique. C’est un loupé magistral, des années de perdues face à l’urgence climatique et notre capacité d’adaptation.»

L’opposition au projet a fédéré des élus de tout bord, de Jean-Philippe Vetter, conseiller municipal (Les Républicains) d’opposition à Strasbourg, à Catherine Trautmann, l’ancienne maire socialiste de la ville. Celle qui fut à l’origine de la première ligne de tram de la capitale alsacienne est elle-même stupéfaite : «C’est un véritable choc, un échec, et surtout la preuve que ce projet était plus idéologique qu’utile aux habitants».

En attendant le rapport complet, la socialiste avertit la majorité écologiste : «Quand un projet de cette envergure reçoit un avis défavorable d’une enquête publique, il doit être recommencé, il ne peut pas être modifié à la marge».

Membre de cette opposition fédérée, le conseiller municipal d’opposition (Horizons) à la mairie de Strasbourg, Pierre Jakubowicz, se désole de la situation : «Nous venons tout juste de célébrer les 30 ans de la première ligne de tramway, donc nous savons faire du tram à Strasbourg. C’est invraisemblable d’en arriver là et que ce projet ait généré tant de tensions inutiles».

L’élu fait référence aux réunions houleuses et aux débats virulents entre les deux camps lors de l’enquête publique qui s’est déroulée de début septembre à la mi-octobre. Pendant ces 40 jours, les habitant·es de l’EMS ont déposé plus de 6 700 contributions pour ce projet, une participation d’une ampleur inédite, symptomatique du clivage que représentait ce projet porté par la majorité de l’eurométropole. Un tramway nommé déchire.