Métro boulot cadeau. Dès jeudi, Montpellier rejoint la quarantaine d’agglomérations françaises à proposer la gratuité des transports en commun à ses habitant·es. Une mesure qui se veut sociale et écologique, même si son efficacité n’est pas assurée.
À partir de ce jeudi, les 500 000 résident·es de la métropole de Montpellier peuvent emprunter gratuitement et de manière illimitée les bus et les tramways. C’est la plus grande agglomération du monde à adopter un tel principe. Jusqu’à présent, 44 territoires français appliquaient la gratuité des transports, d’après le recensement de l’Observatoire des villes du transport gratuit, dont 6 de plus de 100 000 habitant·es, comme Dunkerque et Douai (Nord) ou Niort (Deux-Sèvres).
Une mesure sociale…
Cette politique est portée par le maire socialiste de la ville, Michaël Delafosse, depuis les municipales de 2020. Objectif : faire de la métropole «un territoire exemplaire de la transition écologique et solidaire», qui «incite aux changements de comportement sans pénaliser les plus fragiles». La gratuité des transports entend favoriser les mobilités partagées dans une optique de justice sociale et de redynamisation des commerces de proximité et des centres-villes — au détriment des zones périphériques accessibles en voiture.
«C’est avant tout une mesure sociale pour les plus pauvres», avance auprès de Vert, Arnaud Passalacqua, professeur d’urbanisme et co-président de l’Observatoire des villes du transport gratuit. «La plupart des villes ont des tarifications solidaires pour les plus précaires, mais on se rend compte que le non-recours [le nombre de gens qui ne réclament pas l’accès gratuit qui leur est dû, NDLR], est de l’ordre de 40%. La gratuité permet d’éviter et de simplifier ça.» Léger bémol en termes d’équité sociale : la gratuité avantage les personnes déjà desservies par le réseau de transports tandis que celles qui en sont «exclues» sont doublement pénalisées.
… mais aux effets sur l’environnement difficiles à prouver
La gratuité des transports collectifs n’est pas pour autant une solution miracle pour sortir de la dépendance à la voiture. «Les effets sur l’environnement sont incertains, le report des automobilistes vers les transports en commun étant faible, et l’effet sur les comportements inconnu», pointait le laboratoire d’idées Institut Montaigne dans une analyse. Si la fréquentation des transports augmente avec la gratuité (à Dunkerque, elle a bondi de 125% depuis 2017), on ne peut pas dire avec précision si c’est au détriment de trajets autrefois réalisés en voiture, ou bien à pied ou à vélo.
«La question du report modal est compliquée, car elle dépend de nombreux critères comme l’évolution du prix de l’essence, des trajets ou du territoire… On a plusieurs effets qui se combinent et il est impossible de dire que telle politique a permis de faire basculer tant de trajets en voiture vers des transports en commun ou du vélo par exemple, abonde Arnaud Passalacqua. Et puis on ne peut pas assigner les gens à un seul mode de déplacement comme s’ils n’étaient qu’automobilistes, ou cyclistes, ou usagers des transports en commun.»
Des transports efficaces avant d’être gratuits
D’après une consultation menée par une mission d’information sénatoriale sur le sujet en 2019, l’immense majorité (83%) des répondant·es est favorable à la gratuité des transports collectifs, mais préfère généralement une amélioration de l’offre existante, quitte à ce qu’elle soit payante (63%), plutôt que des transports gratuits (37%). «L’attractivité des transports publics passe avant tout par une meilleure efficacité de l’offre : bus plus fréquents, réguliers, voire cadencés, sur une plage horaire étendue tôt le matin et tard en soirée», avance un récent sondage de l’Union des transports publics et ferroviaires.
Consacrer la gratuité des transports publics permet aussi de faire de ce sujet une priorité des collectivités. «Symboliquement, cela devient souvent une question très visible à l’agenda et ça suscite de l’investissement, analyse Arnaud Passalacqua. C’est avant tout un choix politique qui vient interroger notre rapport aux services urbains et le modèle des mobilités collectives construit il y a 50 ans et qui a peut-être vocation à évoluer.»
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