Ces dernières semaines, la France a sué sous les effets d’une vague de chaleur longue, intense, précoce et généralisée. Le reste de l’Europe n’a pas été épargné, puisque de nombreux pays du vieux continent ont aussi subi des températures brûlantes.
Les épisodes de chaleur extrême ont un impact sanitaire majeur, avec une mortalité excédentaire par rapport au reste de l’année, ce qui correspond aux personnes décédées à cause des fortes chaleurs.

À l’issue de cette canicule brutale et généralisée en Europe, des scientifiques ont réalisé une rapide étude d’attribution (qui vise à établir la responsabilité du changement climatique dans un événement extrême) pour estimer le nombre de décès liés à la chaleur durant cette période dans plusieurs villes, ainsi que la responsabilité du changement climatique dans cet épisode. Issu·es de plusieurs institutions renommées – dont l’Imperial college London et la London school of hygiene & tropical medicine –, les scientifiques se sont penché·es sur douze villes réparties sur le vieux continent, toutes touchées par des alertes liées à la chaleur entre le 23 juin et le 2 juillet.
Au total, elles et ils ont calculé que cette vague de chaleur a pu faire jusqu’à 2 300 victimes dans ces villes européennes, dont les deux tiers (1 500) sont directement attribuables au changement climatique.
Paris, deuxième ville la plus meurtrière
Elles et ils ont étudié les cas de Paris (France), Londres (Royaume-Uni), Milan, Rome et Sassari (Italie), Madrid et Barcelone (Espagne), Francfort (Allemagne), Athènes (Grèce), Lisbonne (Portugal), Budapest (Hongrie) et Zagreb (Croatie). Un choix restreint assumé, «qui ne donne qu’un simple aperçu du nombre réel de décès liés aux chaleurs à travers l’Europe» – selon l’étude, ce dernier pourrait atteindre plusieurs dizaines de milliers.
Dans la ville de Paris, 63% des morts «en excès» liés à la chaleur au cours de cet épisode seraient attribuables au changement climatique (235 sur 373). C’est la deuxième ville la plus meurtrie de l’étude, après Milan. Dans la ville italienne, 499 personnes pourraient avoir été victimes de la chaleur, dont 317 à cause du dérèglement du climat.

Pour obtenir ces résultats, les auteur·ices ont d’abord analysé des données historiques pour comprendre quelles auraient été les températures de cet épisode de chaleur si le monde ne s’était pas déjà réchauffé de +1,3°C depuis l’ère préindustrielle (milieu du 19ème siècle). Lors de cette vague de chaleur, le dérèglement climatique, que l’on doit essentiellement à l’utilisation d’énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz), a fait grimper le mercure de 1 à 4°C selon les endroits, ont calculé les scientifiques. À partir de ces données, ces derniers ont modélisé des estimations du nombre de décès liés à la chaleur lors de la canicule, et la proportion attribuable au changement climatique. Un travail éclairant, puisque les informations de terrain officielles mettent souvent plusieurs mois à remonter aux autorités sanitaires.
Les canicules, des «tueuses silencieuses»
C’est d’autant plus important que les décès liés aux canicules sont encore trop peu traités dans le débat public : «Les vagues de chaleur ne laissent pas de traces de destruction comme les incendies ou les tempêtes. Leurs impacts sont majoritairement invisibles et silencieusement dévastateurs – un écart de 2 ou 3°C peut faire la différence entre la vie et la mort de milliers de gens», explique Ben Clarke, scientifique spécialisé dans les événements climatiques extrêmes à l’Imperial college de Londres et co-auteur de l’étude. «Cela démontre pourquoi les vagues de chaleur sont surnommées les tueuses silencieuses», abonde Malcolm Mistry, chercheur à la London school of hygiene & tropical medicine, également co-auteur du rapport.
Les résultats de l’étude «montrent que des hausses relativement faibles des températures les plus chaudes peuvent provoquer d’énormes vagues de décès», et particulièrement chez les personnes qui souffrent de pathologies préexistantes (maladies cardiaques, diabète, problèmes respiratoires, etc.), souligne le rapport. Pour cette raison, les personnes âgées de plus de 65 ans sont les plus grandes victimes, et représentent quelque 88% des morts liés à la chaleur dont le réchauffement climatique est responsable. Mais elles ne sont pas les seules à risque, préviennent les auteur·ices, puisque la chaleur peut mettre en danger des individus de toute tranche d’âge.
«Cette étude souligne un fait simple : brûler plus de pétrole, de charbon et de gaz tuera plus de personnes», martèle Friederike Otto, climatologue à l’Imperial college London, qui a participé à l’étude. Pour enrayer cette dynamique, une seule solution : limiter l’utilisation des énergies fossiles pour freiner la hausse des températures, et ainsi éviter de faire exploser le nombre de victimes du réchauffement climatique.
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