La quotidienne

Vestiges hideux

Barils de poisons abandonnés au fond de la mer, parcs d'attraction laissés en plan : dans ce numéro, nous ferons une plongée vertigineuse dans les reliques d'un passé peu reluisant.


La voiture, indispensable et coûteuse pour les pauvres, un luxe pour les fortunés

Piège auto. Alors qu’ils dépensent deux fois moins en carburant, le budget transport des ménages les plus pauvres est grevé par la voiture, indispensable en périphérie des villes.

Lundi, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a publié une étude sur le budget consacré par les Français·es aux transports. Elle s’appuie sur les données de l’enquête « Budget de famille » collectées en 2017 auprès de 17 000 ménages. 

Il ressort que 81 % des ménages possèdent une voiture, 35 % au moins deux et 10 % au moins un deux-roues. En moyenne, 11 % des revenus disponibles (salaires, pensions, allocations - nets d’impôts) des ménages, soit  3 800 € par an, sont consumés par l’achat et l’entretien des automobiles. Un poste qui représente 16 % du budget des ménages les plus modestes, et 9 % de celui des plus aisé·e·s. Pour les premiers, le carburant représente la principale source de dépense (630 € par an), quand les seconds investissent en moyenne 3 300 € par an dans l’achat d’une voiture - neuve dans 45 % des cas - et 1 375 € de carburant.

Budget consacré aux transports par niveau de revenu, issu de l'enquête « Budget de famille » 2017. Cliquez sur l'image pour l'agrandir © Insee

Les résident·e·s des centres urbains denses et bien dotés en transports, sont 30 % à se passer de véhicules. « À l’inverse, 50 % des ménages habitant en couronne et 45 % hors aires d’attraction des villes possèdent plusieurs voitures », explique l’auteur du rapport. En 2017, trois quarts des actifs se rendent au travail en voiture nous apprend encore l’Insee. Ils sont encore 60 % quand le trajet fait moins de 5 km. 

Encore très marginal, le recours au vélo pour se rendre au travail est passé de 2 % en 2015 à 2,9 % en 2020, grâce à « l’augmentation des aménagements pour les cyclistes dans les grandes villes et le souci croissant de limiter la pollution ». Porté par le développement des « coronapistes » (Vert), son usage régulier a encore progressé de 10 % en 2020 d’après l’Observatoire du cycle (Europe 1).

• Mardi, Jean Castex s'est rendu à Angers pour rencontrer les compagnons du devoir et visiter le chantier de la seconde ligne de tramway. C'est en Falcon – un avion d'affaires – que le premier ministre avait décidé de réaliser ce trajet au départ de Paris (Ouest-France). Une curieuse idée, alors qu'il est possible de rallier Angers en seulement 1h29 de train. Sur Twitter, le député angevin Matthieu Orphelin - qui devait le recevoir à Angers - avait pointé cette absurdité. Selon lui, Jean Castex a fini par se raviser et a bien pris le TGV.

Près de 300 organisations - dont Alternatiba, Attac ou Zero Waste - appellent à descendre dans la rue, le 9 mai, pour protester contre la piètre ambition de la loi « climat et résilience », dont l'examen sera définitivement clos par un vote solennel à l'Assemblée nationale le 4 mai. Comme Vert l'a abondamment raconté (ici ou ), le texte ne permettra pas à la France d'atteindre son objectif de réduire ses émissions de 40% d'ici 2030. - Alternatiba
 

27 000 barils de DDT retrouvés au large de Los Angeles

Une étude pas bidon. Au large de Los Angeles, dans les fonds de l'océan Pacifique, des scientifiques ont découvert 27 000 barils qui contiennent probablement du DDT, un puissant insecticide banni depuis près de 50 ans.

Entre le 10 et le 24 mars, des chercheur·euse·s de la Scripps institution for oceanography de l'université de San Diego (Etats-Unis) ont passé au peigne fin une aire sous-marine de 145 kilomètres. Grâce, notamment, à des véhicules autonomes amphibies, les scientifiques ont sondé et cartographié le sol de cette zone située à quelques miles des côtes du sud de la Californie. Elles et ils ont découvert plus de 100 000 débris divers, ainsi que 27 000 objets « pouvant être classifiés avec certitude » comme des barils (communiqué).

Or, il se trouve que la zone est connue pour être polluée au DDT. Il s'agit d'un puissant insecticide, largement épandu dans le monde de l'après-guerre. Il faudra le combat acharné de la biologiste Rachel Carson et son célèbre ouvrage « Printemps silencieux » (1962), démontrant les ravages du DDT sur l'ensemble du vivant, pour que les Etats-Unis l'interdisent en 1972.

Le cercle représente le site connu pour avoir été une décharge. La zone sondée est représentées par les carrés, dont la couleur indique la concentration en objets retrouvés par kilomètre carré © Scripps

Fin 2020, une enquête du LA Times avait révélé que jusqu'à 2 000 barils de boues contaminées au DDT auraient été jetés par-dessus bord, chaque mois entre 1947 et 1961 par la seule Montrose Chemical Corp. Cette entreprise fut la première productrice américaine de DDT de 1947 à 1982. De nombreuses compagnies industrielles en ont fait de même avec leurs propres rebuts jusqu'à l'interdiction de ces pratiques en 1972.

Pour les scientifiques, le contenu de ces barils ne fait guère de doute, mais l'analyse des sédiments marins devra le confirmer. Reste la difficile tâche d'évaluer l'impact de cette pollution sur le vivant. De précédents travaux avaient mis en lumière la contamination aux PCB (des perturbateurs endocriniens qui persistent longtemps dans l'environnement) et au DDT de certains mammifères marins - comme les dauphins et les lions de mer - vivant dans cette aire marine. Chez ces derniers, l'exposition à ces polluants est soupçonnée de multiplier les cas de cancers (Los Angeles Times).

Cesser de pulvériser les abeilles

Des représentant·e·s du secteur de l'apiculture dénoncent le rôle des pesticides dans la mort de leurs colonies d'abeilles et réclament un meilleur encadrement de ces pratiques.

Les abeilles sont essentielles pour permettre aux plantes de se féconder mutuellement, et donc faire se reproduire le vivant. Sans elles et les autres insectes pollinisateurs, il n'y aurait, par exemple, pas de fruits. Chaque hiver, entre 5 et 10% des colonies meurent naturellement. Mais depuis les années 1980, les colonies s'effondrent, perdant jusqu'à un tiers de leur effectif en une seule année. Dans ces cas-là, les apiculteur·rice·s ne sont pas indemnisé·e·s.

Auteur·e·s d'une tribune publiée mardi dans le Monde, les représentant·e·s de cette profession pointent du doigt « l’agriculture chimique » et son « utilisation de substances toujours plus toxiques ». Dans leur viseur : les pesticides néonicotinoïdes dits « tueurs d'abeilles ». Interdits un temps, ils ont récemment été réautorisés par le gouvernement au motif de lutter contre la jaunisse de la betterave à sucre (Vert). Les signataires en veulent également à la FNSEA, premier syndicat d'agriculture « conventionnelle », qui se bat pour limiter l'encadrement des pesticides qui nuisent à l'apiculture (Le Monde).

Pour améliorer le sort de leurs butineuses, les auteur·e·s réclament que soient appliquées les recommandations de l'Anses, référence dans la surveillance des populations d'abeilles à l'échelle européenne. Celle-ci préconise notamment « d’élargir à toutes les catégories de pesticides l’interdiction de traitement sur cultures en fleurs, et de limiter l’autorisation des épandages de pesticides sur ces cultures exclusivement à partir du coucher du soleil […] et dans les trois heures suivantes ».

Autre recommandation, déjà pratiquée dans certaines exploitations de Vendée : faire bénéficier les apiculteur·rice·s des gains économiques liés à la pollinisation des cultures environnantes. Enfin, les auteur·e·s réclament que le gouvernement mette enfin en place son « plan pollinisateurs », qui doit renforcer le cadre réglementaire relatif à la protection des abeilles.

La terre (souillée) vue du ciel

L'atterre vue du ciel. Ancien parc d'attraction, mine abandonnée, bassins industriels désertés ; aux Etats-Unis, de la Californie à l'Ohio, le photographe américain Travis Fox a survolé des dizaines de lieux transformés par les humains, puis laissés en plan. Des vestiges qui racontent la gourmandise pour les terres naturelles et la destruction de l'environnement pour des motifs économiques. Une fascinante série de clichés à retrouver sur le site du Guardian (textes en anglais).

A Fallsburg (Etat de New York), un ancien complexe de parcs de vacances très prisé des familles juives de New York jusqu'aux années 1970 a été progressivement abandonné. L'augmentation des revenus et le faible coût des trajets ont poussé les vacanciers plus loin à travers le pays. © Travis Fox

+ Tristan Saramon a contribué à ce numéro