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Notre course en avant nous a mené dans le mur climatique : comment parviendrons-nous à désamorcer la bombe qui fait tac tic ?


Le bilan climatique d'Emmanuel Macron : le sacre des petits gestes

Il y a de quoi se biler. Le Réseau action climat, qui représente une trentaine d'associations, vient de publier une analyse de l'action présidentielle en matière de climat ; si quelques mesures ont marqué les esprits, le compte n'y est pas (du tout).

Un style : cause toujours

« Make our planet great again » ! Ces mots plein d'entrain sont ceux d'Emmanuel Macron, alors qu'il venait de prendre l’Élysée. États généraux de l'alimentation, assises de la mobilité... Anne Bringault se souvient d'un président qui multipliait, dans les premiers mois, les concertations avec les associations. « La société civile a construit de nombreuses propositions, mais les projets de loi [qui ont suivi - Ndlr] n'étaient pas du tout en cohérence avec ces mesures », déplore la Coordinatrice des programmes au Réseau action climat.

Puis, face à la crise des Gilets jaunes, mouvement né de l'augmentation de la taxe sur les carburants, le président s'est tourné vers la consultation directe des citoyen·nes : en 2019, il a mis sur pied la Convention citoyenne pour le climat. Les 150 Français·es tiré·es au sort avaient un mandat : trouver comment réduire de 40% les émissions nationales d'ici 2030 par rapport à leur niveau de 1990, le tout « dans un esprit de justice sociale ». Là encore, « malgré son engagement répété de les transmettre « sans filtre » au Parlement, les 149 propositions de la Convention ont été largement détricotées, décalées, voire carrément supprimées », tance Anne Bringault.

Le Président a également créé le Conseil de défense écologique – réunion restreinte des ministres en lien avec la transition écologique. Hélas, celui-ci ne s'est plus réuni depuis l'été 2020. Le Haut-Conseil pour le climat (HCC), comité d'expert·es également installé par Emmanuel Macron, rend des avis extrêmement documentés depuis trois ans, qui sont généralement peu suivis d'effets.

Emmanuel Macron en 2017 lors de l’événement Tech for Planet © Philippe Wojazer / AFP

Climat : le compte n'y est pas du tout

Si les confinements successifs ont entraîné une baisse notable des émissions de CO2 en 2020, le bilan du quinquennat est peu flatteur. Entre 2018 et 2019, les émissions françaises n'ont baissé que de 0,9%, alors que le rythme promis par la Stratégie nationale bas-carbone, qui fixe les objectifs climatiques de la France jusqu'en 2050, était de -1,5% par an. Se sachant hors des clous, le gouvernement avait choisi de modifier ses objectifs de baisse, pour reporter l'essentiel de l'effort à après 2024. Ce qui n'a pas échappé au Haut-Conseil pour le climat, qui écrivait, en juin dernier : « En raison du retard accumulé par la France, le rythme actuel de réduction annuelle devra pratiquement doubler, pour atteindre au moins 3,0 % dès 2021 (-13 Mt éqCO2) et 3,3 % en moyenne sur la période du troisième budget carbone (2024-2028) ».

Résultat : dans le cadre de l'« Affaire du siècle », le gouvernement a été condamné par la justice à rattraper 15 millions de tonnes de CO2 émises en trop par rapport à la SNBC (Vert). Autre procès : plusieurs ONG se sont jointes à l'action intentée contre l'exécutif par la commune côtière de Grande-Synthe, qui s'estime mise en danger par la montée des eaux née du réchauffement. En juillet dernier, le Conseil d'Etat a enjoint au Gouvernement « de prendre des mesures supplémentaires d’ici le 31 mars 2022 pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % ».

Ce mercredi, le Réseau action climat publie un bilan détaillé, secteur par secteur, de l'action d'Emmanuel Macron. Nous vous détaillons les principaux enseignements dans la version (très) enrichie de cet article à retrouver sur vert.eco

· Les 8 000 établissements scolaires de la région Auvergne-Rhône-Alpes dépassent les seuils de pollution aux particules fines PM2,5 et au dioxyde d’azote (NO2) recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), selon une nouvelle étude de l’association Respire publiée mardi. Ces seuils ont été abaissés en septembre 2021, conduisant à des dépassements quasi-systématiques. L'association Airparif avait ainsi noté que « L’ensemble des Franciliens [étaient] exposés à des niveaux de pollution en ozone et en particules fines PM2,5 qui dépassent ces nouveaux seuils ».

· Une union intersyndicale appelle à la grève ce mercredi pour dire « stop au saccage d’EDF et du service public » et s’opposer aux mesures mises en place par le gouvernement afin de contenir la hausse des tarifs de l’électricité. Celle-ci est due à la mise à l’arrêt de quatre réacteurs nucléaires dans un contexte déjà tendu pour les marchés de l’énergie (Vert). Les syndicats accusent l’Etat de vouloir brader l’électricité, issue du nucléaire, au profit de ses concurrents. - Le Monde

·Après deux ans de restrictions liées à la pandémie de Covid qui ont fortement perturbé la mobilisation des citoyen·nes, le mouvement pour le climat renouera-t-il avec les grandes marches de 2019 ? C’est ce qu’espèrent les 6 000 signataires d’une pétition initiée par une poignée de lycéen·es et d’étudiant·es. Dans une tribune publiée ce jour dans Vert, elles et ils invitent la jeunesse - mais pas que - à se joindre à l’appel de Greta Thunberg et de son mouvement Fridays for future pour une grève mondiale le vendredi 25 mars.  

L'usine de stockage de Shell émet plus de CO2 qu'elle n'en capture

I hear Shell in my oreillette. Baptisée « Quest », l'usine à hydrogène de Shell située dans l'Alberta, au Canada, émet beaucoup de CO2. Le H2 qui en sort est produit à partir d'énergies fossiles, très émettrices de gaz à effet de serre. Pour faire accepter au grand public l'idée que cette production est écologique, le géant a promis d'aspirer le dioxyde de carbone (CO2) qui sort de son usine et de le stocker avant que celui-ci ne s'échappe dans l'atmosphère et ne vienne aggraver le réchauffement. Hélas ! Malgré cette rutilante unité de capture et stockage de CO2 (CSC), les esprits chagrins de Global Witness ont découvert que « Quest » émettait davantage de CO2 qu'elle n'en stocke ! Comme elle le raconte dans une nouvelle étude, l'ONG a calculé qu'entre 2015 et 2019, l'usine a stocké 4,8 tonnes de gaz à effet de serre. Soit moins que les 7,7 tonnes émises dans le même temps. « Seules 48% des émissions de carbone de la centrale sont capturées, très loin du taux de 90% promis par l'industrie fossile », raille Global Witness. Un projet à enterrer ?

Vincent Liegey : « Une majorité de personnes aspire à rompre le système et à aller vers des modes de vie plus conviviaux »

Vincent Liegey est ingénieur et chercheur spécialiste de la décroissance. Vert, il raconte comment les idées de la décroissance, porteuses d’alternatives concrètes et joyeuses, sont entravées par un système médiatique miné par les intérêts financiers. Mais aussi les nombreuses raisons d’espérer les voir émerger dans toutes les sphères de la société.  

Quelle est votre définition de la décroissance ?

La décroissance est à la fois une matrice de réflexion dense et un mouvement international foisonnant de chercheurs. Au départ, le terme de « décroissance » est un slogan provocateur qui a été choisi à dessein pour s’attaquer à la religion de la croissance. L’idée principale est qu’une croissance infinie dans un monde fini n’est ni possible ni souhaitable. On avait besoin d’une notion qui ouvre un débat de société radical pour s’émanciper de cette religion et construire de nouveaux modèles basés sur la convivialité, les low techs, l’écoféminisme, les communs, la relocalisation ouverte et un nouveau rapport au temps.

L’imaginaire dominant s’attache à vouloir toujours plus. Il prône une vision de la société engagée sur une ligne droite. Or, c’est toxique d’un point de vue culturel. Il existe un découplage réel entre la croissance économique, d’un côté et les indicateurs de bien-être, de l’autre. On est très loin d’être épanouis : notre société est malade de son stress, d’un rapport néfaste au travail, d’une fuite en avant techniciste, du patriarcat. Or, le terme de « croissance » se protège de toute forme de débat.

Vincent Liegey © Artur Stocker

Si vous étiez candidat à l’élection présidentielle, quelles seraient les principales mesures de votre programme ?

L’urgence est de ralentir pour se poser les bonnes questions. La décroissance s’appuie sur le pilier de la démocratie, directe et délibérative. Il y a une nécessité de transformation face aux peurs présentes, telles que les périls environnementaux et la raréfaction des ressources, et un besoin de construction à travers le débat. Plusieurs expérimentations comme la Convention citoyenne pour le climat ont fait vivre des délibérations citoyennes pour revenir aux besoins fondamentaux et se détourner de la publicité qui attise des besoins secondaires.

L’une des mesures phares consiste à accorder des dotations inconditionnelles d’autonomie. De la naissance à la mort, chacune et chacun pourrait percevoir une somme d’argent à hauteur de ce que l’on considère comme étant des besoins fondamentaux pour recréer de la sérénité. Ensuite, on peut définir des limites à travers le revenu maximum acceptable. Il faut aussi repenser la propriété et les communs. Autre urgence : réguler – voire interdire – la publicité, avoir une réflexion sur la place des médias et l’usage du numérique et des réseaux sociaux qui sont devenus toxiques en nous enfermant dans nos bulles de vérité.

Un entretien à lire en entier sur vert.eco

Le glacier qui nous pend au nez

Glaçant. Thwaites, ça ne vous dit rien ? C’est pourtant le plus gros glacier de l’Antarctique. Et sa fonte menace d'atteindre un point de non-retour d’ici cinq ans, qui pourrait entraîner une élévation du niveau de la mer jusqu’à trois mètres. Un scénario catastrophe que détaille la journaliste Paloma Moritz dans un décryptage vidéo limpide du média Blast.

© Blast

+ Juliette Quef ont contribué à ce numéro