L'estivale

On les garde ou on les jets ?

🕶️ C'est presque la rentrée ! Vous tenez dans vos mains la dernière édition estivale de cet été ; dès lundi, la quotidienne reprend son rythme de croisière. Nous espérons que ce format vous aura plu.

🗞️ Quels récits mobilisateurs pour répondre à l'urgence environnementale ? Nous tenterons de répondre à cette question à l’occasion d’une table ronde animée par Vert dans le cadre du forum mondial 3 Zéro (zéro exclusion, zéro carbone, zéro pauvreté) qui se tiendra les 5 et 6 septembre au Palais Brongniart (Paris 2ème). Ateliers, fresque de la biodiversité, tables-rondes et village des solutions, le programme, riche, de ces deux journées du forum organisé par l’association Convergences est à retrouver ici.


Faudra-t-il faire atterrir les rutilants coucous de nos milliardaires pour ne pas dire bye-bye à la Terre ?


Les jets privés sont-ils aussi polluants qu’on le dit ?

Zone de turbulences. Traqués sur les réseaux sociaux, remis en cause par des politicien·nes, critiqués par le grand public… les jets privés sont au cœur de tous les débats depuis plusieurs semaines. Sont-ils aussi polluants qu’on le laisse penser ? Extrait de notre décryptage du vrai du faux sur ce moyen de transport de plus en plus controversé.

En une heure de vol, un jet privé émet jusqu’à deux tonnes de CO2, selon une étude publiée en mai 2021 par Transport & environment, une fédération européenne d’une cinquantaine d’ONG qui œuvrent dans le secteur des mobilités durables. Deux tonnes de CO2, c’est aussi la limite de ce que devrait émettre un·e Français·es en une année entière d’ici 2050 (contre dix tonnes aujourd’hui) pour respecter l’Accord de Paris, et ainsi limiter le réchauffement climatique bien en dessous de +2°C.

Selon ce même rapport, l’usage d’un jet privé est entre 5 et 14 fois plus polluant qu’un vol réalisé sur une ligne commerciale. Il est également 50 fois plus polluant qu’un trajet en train - des centaines de fois plus qu'en TGV. Une statistique d’autant plus parlante que la plupart des vols réalisés en jet ont des alternatives moins carbonées. En 2019, un vol sur dix au départ d’un aéroport français était effectué par jet privé. La moitié de ces derniers réalisait un trajet inférieur à 500 kilomètres, une distance pour laquelle une alternative en train est extrêmement probable.

© Vert

Récemment, de nombreuses voix se sont élevées pour déplorer la polémique autour des jets privés, arguant que leur impact environnemental serait trop insignifiant pour que l’on s’y attarde autant. Selon la GAMA (General aviation manufacturers’ association – la fédération des constructeurs d’avions), l’aviation privée représenterait 0,04 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde, soit 2 % des 2 % d’émissions imputables à l’aviation. Or, en raison de certains facteurs, comme les traînées de condensations, l’aviation contribue à environ 5 % du réchauffement climatique.

« L’usage individuel, privé, du jet privé est une toute petite partie du jet, qui est lui-même une toute petite partie de l’usage de l’avion, qui représente une toute petite partie des émissions de CO2. Cela ne va pas refroidir la planète », a cinglé le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, sur France Inter, interrogé au sujet de l’idée de réguler ou de bannir les jets privés. Une réaction qui relève du whataboutism (ou « aquoibonisme »), un discours classique de l’inaction climatique (notre article à ce sujet) qui consiste à remettre la faute sur un autre secteur, un autre pays, ou une autre frange de la population, pour éviter de faire de véritables efforts.

Ce discours ne fait que retarder l’action climatique. « Tous les secteurs de la société doivent s’aligner sur des trajectoires de forte réduction des émissions », rappelle Aurélien Bigo, chercheur spécialisé dans la transition énergétique des transports. « Si l’on n’agit pas sur un secteur sous prétexte que c’est inutile ou trop difficile, cela veut dire qu’il faudra faire plus d’efforts ailleurs, et on ne peut pas se le permettre ». 

Notre vrai du faux sur les jets privés, où nous abordons la question de la justice sociale et de la régulation des supercoucous, est à lire en intégralité sur vert.eco (et à partager autour de vous). 

. Vendredi, les négociations pour établir un traité international sur la haute mer à l’ONU ont échoué une nouvelle fois, butant sur la question de l'équité Nord-Sud. Destiné à protéger la biodiversité dans les eaux internationales, le texte va connaître un sixième « round » de négociations à une date encore inconnue. « Un retard supplémentaire signifie la destruction des océans, et met en péril les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire de milliards de personnes dans le monde », regrette Greenpeace France. - Actu environnement

· Vendredi également, Total a annoncé céder sa participation de 49 % dans la société Terneftegaz à son partenaire russe Novatek. Deux jours auparavant, Le Monde révélait que cette société fournissait du condensat de gaz à une raffinerie russe qui le transformait en kérosène, alimentant des avions russes bombardant l’Ukraine. Des informations démenties par le pétrolier français qui a précisé que les démarches pour la cession de sa participation sont antérieures aux publications du quotidien. - Libération (AFP)

· Samedi, la première ministre Elisabeth Borne a annoncé la mise en place d’un fonds vert de 1,5 milliard d’euros afin d’aider les collectivités à accélérer leur transition écologique. La rénovation énergétique des bâtiments, la lutte contre l’artificialisation des sols et la renaturation des villes sont particulièrement ciblées. D’après Le Monde, l’enveloppe figurera dans le projet de loi de finances (PLF) 2023, présenté en septembre. - Le Parisien

· Mardi, Météo-France a indiqué que l’été 2022 a été le deuxième été le plus chaud jamais enregistré après 2003. Avec une température moyenne de 22,67°C, les trois mois qui viennent de s’écouler ont connu des températures supérieures de 2,3 degrés et un déficit de précipitations de 25% par rapport à la moyenne des années 1991 à 2020. - Francetv info

· Le Pakistan est dévasté par les inondations « les pires de l’histoire du pays », s’est ému le premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif, mardi. Depuis le début de la mousson au mois de juin, plus de 1 130 personnes sont mortes, un million de logements ont été détruits ou gravement endommagés, 80 000 hectares de terres agricoles sont détruits et un tiers du pays est désormais sous les eaux. Les intempéries, cumulées à la fonte des glaciers, se sont déversées sur des sols desséchés par la canicule. « Nous sommes habitués chaque année à la mousson, mais n'avons jamais rien vu de tel », a expliqué à l'AFP Sherry Rehman, la ministre du changement climatique, qui parle d'un « film dystopique ». Plus de trois millions de personnes ont dû quitter leur domicile, d’après la Croix Rouge. Et le bilan est provisoire. Les autorités pakistanaises, qui considèrent que l'intensité de ces intempéries est liée au changement climatique, estiment que la situation est pire qu’en 2010, alors que 2000 personnes étaient mortes et un cinquième du pays avait été submergé. - La Croix

Des images édifiantes des inondations au Pakistan tournées au drone par le Guardian.

« La crise climatique fait que certaines activités doivent disparaître. Par exemple, le jet privé pour aller faire la fête, cela ne doit pas exister. »

- Yamina Saheb, analyste des politiques énergétiques

Fini la bamboche. Après un été des plus chauds qui a fait prendre conscience de la situation climatique catastrophique au plus grand nombre, Yamina Saheb, une des autrices du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), est venue enfoncer le clou sur BFMTV mardi 23 août. Face à une journaliste interloquée, cette analyste des politiques énergétiques a rappelé que « nous sommes face à une crise, peut-être la dernière crise que l’humanité va vivre (…) La Terre survivra, mais peut-être pas nous, donc se retrouver à discuter du pourcentage [des émissions de CO2, ndlr] que représentent les plaisirs de petits enfants gâtés, je suis désolée, on est très loin de la question ». Relancée pour savoir si elle voudrait « carrément » interdire les jets privés « et basta », Yamina Saheb a poursuivi : « Toutes les activités qui poussent la planète à devenir encore plus folle et encouragent le dérèglement climatique devraient être arrêtées ». Des propos qui ont fortement fait réagir une éditorialiste politique de la chaîne qui s’est dite « mal à l’aise » face à l’« annonce d’un monde dans lequel nos normes, nos modes de vies […] seraient dictés par le Giec qui produirait en annexe de son rapport une liste des activités autorisées » (liste qui, est-il besoin de le rappeler, n’existe que dans l’esprit de ladite éditorialiste).

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Hamster Gram. On a compté deux fois plus d’abris souterrains pour le grand hamster d’Alsace en 2022 qu’en 2021, selon les comptages printaniers de l’Office français de la biodiversité, relayés par France 3. 488 terriers avaient été recensés en 2021, 745 en 2019, 709 en 2018 et 505 en 2017. « Les effectifs restent encore fragiles et en deçà du seuil de viabilité », prévient cependant la préfecture de la région Grand Est qui rappelle que l’objectif est d’atteindre 1 500 terriers sur une zone de 600 hectares. L'association Alsace Nature insiste de son côté sur l’« ampleur du travail qu’il reste à mener » pour que l’espèce survive. Le rongeur est une espèce protégée, classée en danger critique d'extinction à l’échelle mondiale par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). En Alsace, seule région en France où on trouve l’animal dans la nature, il a longtemps été considéré comme un nuisible et tué, puis il a été victime de l’uniformisation des cultures de maïs, de l’urbanisation et des hivers pluvieux plus fréquents, comme le détaille un reportage du Monde. Depuis une dizaine d’années, des hamsters sont lâchés chaque année au printemps dans le cadre d’une politique de réintroduction de l’espèce.

· The show must gorgone. Coraux emblématiques de la Méditerranée, les gorgones subissent depuis mi-août une mortalité « inquiétante » en France, alerte le Parc national des Calanques. « A des profondeurs de 12 à 30 mètres, les nécroses touchent de nombreuses colonies avec, pour certaines, la disparition totale des tissus vivants », détaille le parc qui souligne l’intensité du phénomène. Pourpres ou jaunes, ces gorgones font partie du coralligène, un habitat naturel précieux pour 15 à 20 % des espèces. - La Provence

· Boute-en-train. En réponse à celles et ceux qui trouvent que le train est trop cher, la SNCF n’a pas prévu de baisse des prix, mais a annoncé - sans rire - que ses client·es pourront payer en plusieurs fois à partir de l’été prochain. Dommage, quand on apprend justement que l’expérimentation du ticket à neuf euros par mois mis en place outre-Rhin (notre article) a permis d’économiser 1,8 million de tonnes de CO2 depuis le mois de juin. - Ouest France

· En eaux troubles. Trois eurodéputé·es français·es ont écrit une lettre à la Commission européenne pour exprimer leur colère après que des entreprises britanniques ont déversé des eaux usées non traitées dans la Manche et la mer du Nord. « Depuis le Brexit, le Royaume-Uni s’est exonéré de ses exigences environnementales », se plaignent les élu·es du groupe Renew. Alors que de fortes pluies ont arrosé l’île, les entreprises ont été autorisées à déverser leurs eaux sales dans la mer ou les fleuves. Plusieurs dizaines de plages ont été interdites à la baignade au Royaume-Uni mais, selon Libération, la pollution n’a pas été constatée sur les rivages français. - Public Sénat

· Garder la tête froide. Pour limiter la facture énergétique, les classes des lycées publics bretons ne seront pas chauffées à plus de 19°C cet hiver. Dans les faits, il s’agissait déjà de la température recommandée « mais maintenant, elle sera exigée », a tranché Loïg Chesnais-Girard, président divers gauche de la région. D’après la collectivité, plus de la moitié des dépenses de fonctionnement des 115 établissements sont consacrées au chauffage, alors que la baisse d’un degré de la température permet de réduire la consommation de 7%. - 20 Minutes

· Ca va bon train. 23 millions de personnes ont voyagé en train cet été sur les grandes lignes, d’après la SNCF, soit 10% de plus qu’en 2019. La fréquentation des TER a, elle, augmenté de 15 %. Au point que de nombreux trajets affichaient « complet ». « Il n’y a jamais eu autant de gens dans les trains », s’est réjoui Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, dans les colonnes du Parisien.

· Eau courante. Un projet de renaturation du Rhône, lancé en 2007 pour réduire la pollution du fleuve et restaurer des écosystèmes, aurait renforcé la résilience des écosystèmes en cet été de sécheresse. La restauration de bras du fleuve, les lônes, a permis que ceux-ci restent alimentés en eau et deviennent des refuges pour de nombreuses espèces. Au mois d’août, le débit moyen du fleuve était compris entre 250 et 350 mètres cubes par seconde au sud de Lyon, contre un débit moyen de 650 m3/s habituellement à cette période de l’année. - Le Monde

Objectif : deux tonnes

Eco-gonzo. « Super Green me » est un podcast sous forme de journal de bord, inspiré du documentaire « Super Size me » dans lequel Morgan Spurlock s’impose de ne manger que des hamburgers pour observer les effets de la malbouffe. Ici, pendant six mois, notre narrateur - qui n’avait même pas de poubelle de tri il y a trois ans -, s’immerge dans la vie d’un citoyen écologiste. Lucas Scaltritti s’interroge sur tous les aspects qui devraient changer dans nos vies pour que nous passions de plus de dix tonnes d’équivalent CO2 émises par an, à deux tonnes en 2050, pour respecter l'Accord de Paris. Entre discussions familiales et réflexions politiques, cette série instructive dépasse la logique des petits gestes sans être donneuse de leçons.

© Super Green Me

+ Loup Espargilière, Justine Prados et Juliette Quef ont contribué à ce numéro