«Plus ou moins de SUV à Paris ?» questionnent en grosses lettres rouges et bleues des affiches placardées dans les rues de la capitale depuis plusieurs semaines. Ce dimanche, une votation municipale est organisée sur la création de tarifs différenciés sur le stationnement des plus gros véhicules. L’objectif : «limiter leur présence dans la ville et les nuisances qu’ils génèrent», détaille la Ville de Paris. Concrètement, se garer dans les rues de Paris pourrait coûter jusqu’à 18 euros de l’heure pour les véhicules concernés.
Ce tarif spécial ne serait pas appliqué aux professionnel·les (taxis, artisan·es, etc) ou aux Parisien·nes garé·es dans leur zone de stationnement résidentiel (leur quartier). De quoi agacer l’association 40 millions d’automobilistes, qui accuse «les escrolos de la mairie de Paris» d’une mesure électoraliste : «Ce qu’on met en place ne touche pas directement les Parisiens. C’est considérer que le mec qui gare sa voiture en bas de chez lui ne pollue pas, puisqu’on ne le fait pas payer», s’irrite Pierre Chasserey. «Nous n’exemptons pas les Parisiens s’ils utilisent leur véhicule pour se déplacer dans la ville, on préserve juste leur droit à se garer dans les rues adjacentes à chez eux», défend David Belliard, qui reconnaît dans ce choix un compromis entre les différentes sensibilités politiques de la Ville.
Si la campagne de la mairie cible les «SUV» (pour «véhicules utilitaires sportifs»), ce terme essentiellement marketing ne correspond pas à une véritable catégorie de véhicules. Ce scrutin ciblera les modèles thermiques et hybrides de plus de 1,6 tonne, et les voitures électriques de 2 tonnes et plus. «Le problème avec cette question, c’est qu’il n’y a pas de prise en compte objective de tous les éléments polluants, comme le niveau d’émissions ou l’ancienneté du véhicule», fustige Pierre Chasserey.
Pour l’instant, le stationnement des voitures électriques est gratuit à Paris. Rendre le stationnement des modèles électriques les plus encombrants bien plus cher que les tarifs «classiques» est un choix assumé de la part de la mairie. «L’électrique a évidemment des avantages, mais ce n’est pas la solution à tout. Ce n’est pas parce qu’un gros véhicule est électrique qu’il est moins encombrant ou dangereux pour les piétons ou les cyclistes», juge David Belliard, adjoint à la maire de Paris chargé des transports.
Interroger la place de la voiture dans l’espace public
Si les recettes de stationnement correspondent «grosso modo à 300 millions d’euros» pour la Ville de Paris, il est difficile de chiffrer l’impact financier d’une hausse des tarifs pour les gros véhicules. «Cette taxation rapporterait peut-être un peu d’argent, mais j’espère surtout que ce serait très vite annulé par le fait que les gens utiliseront moins ce type de véhicule», explique David Belliard.
«Un Ranger Rover utilise environ dix mètres carrés d’espace public, une Twingo, cinq, et une place moyenne de stationnement à Paris en fait neuf. Il y a avant tout la question de la place accordée aux grosses voitures dans la ville et dans la société», développe l’élu. La circulation automobile a été divisée par deux depuis le début des années 2000 ; une dynamique que la mairie de Paris entend continuer à promouvoir, au grand dam de 40 millions d’automobilistes.
«Notre proposition, c’est qu’on foute la paix aux gens ! Être sans cesse dans la lutte anti-voitures, car on a l’impression que la planète va s’effondrer demain, ça ne sert à rien et ce n’est pas vrai», s’exaspère le porte-parole. Rappelons que les SUV, représentent la moitié des ventes de véhicules neufs en France et dans le monde, consomment 20% de carburant en plus qu’une voiture moyenne, de quoi en faire la deuxième cause de l’augmentation des émissions mondiales de CO2, d’après l’Agence internationale de l’énergie. En trente ans, le poids des véhicules neufs vendus en France s’est alourdi de 300kg, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe).
Il y a quelques semaines, un sondage OpinionWay réalisé pour l’association Respire révélait que 61% des Parisien·nes interrogé·es étaient favorables à la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes et polluantes. Un résultat qui atteint 70% si cette hausse est soumise à des conditions, à savoir l’utilisation des recettes dans l’amélioration des mobilités, l’exclusion du stationnement résidentiel ou encore des exceptions pour les ménages les plus modestes. Des signaux «encourageants» pour David Belliard, qui refuse toutefois de crier victoire trop vite.
Si la hausse des tarifs est validée dans les urnes ce dimanche 4 février, l’objectif de la Ville est de la faire entrer en application le plus rapidement possible.