Ça dégaze. Storengy, filiale d’Engie qui stocke du gaz en France, rejette volontairement du méthane dans l’atmosphère pour gagner du temps lors d’opérations de maintenance, alors que celui-ci pourrait être récupéré. Une aberration écologique et économique.
Jusqu’à 2 500 000 de mètres cubes de gaz sont relâchés dans l’atmosphère chaque année lors des « mises à l’évent » réalisées par Storengy, révèle une enquête de RMC. Une vidéo tournée sur l’un des dix sites de Storengy montre l’un de ces immenses panaches de gaz propulsés dans l’atmosphère dans un bruit assourdissant. L’enquête repose aussi sur les témoignages de plusieurs salarié·es et ancien·nes salarié·es.
Ces « mises à l’évent » sont pratiquées régulièrement pour des raisons de sécurité, afin d’empêcher des explosions. Parfois, elles sont aussi simplement réalisées pour gagner du temps lors d’opérations de maintenance, alors que le gaz pourrait être récupéré. Storengy est donc guidé par des raisons économiques. « C’est des milliers et des milliers de mètres cubes qui partent aux petits oiseaux. La consommation d’un village en hiver est gaspillée en un seul torchage [qui consiste à faire brûler le gaz libéré, NDLR], témoigne un ancien salarié. J’étais intervenu auprès de la direction, mais on nous répondait « non, on gagne du temps et le temps c’est de l’argent» ».
Ce gaz, c’est du méthane (CH4). Celui-ci a une capacité de réchauffement jusqu’à 80 fois plus puissante que le dioxyde de carbone (CO2) dans les vingt premières années passées dans l’atmosphère. Un arrêté impose pourtant aux entreprises de prendre toutes leurs dispositions pour limiter ce type de purges. Mais en l’absence de sanctions, la pratique perdure chez tous les industriels du gaz. « On n’est pas du tout dans l’accidentel », confirme Thomas Lauvaux, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, qui a récemment participé à une étude sur le sujet.
Publiée début février, celle-ci a répertorié 1 800 fuites de méthane survenues à travers le monde entre 2019 et 2020, provoquées pour la plupart d’entre elles par l’industrie du pétrole et du gaz (Vert). Ces fuites relâchent environ huit millions de tonnes de méthane par an, soit l’équivalent « de l’influence totale de toutes les émissions de l’Australie ou des Pays-Bas depuis 2005, ou au retrait des routes de 20 millions de véhicules pendant un an », avaient noté les scientifiques. Des pratiques d’autant plus difficilement tolérables à l’heure où les prix du gaz s’envolent et où le gouvernement demande aux Français·es de faire des économies d’énergie.
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