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Au menu du «Plan eau», les petits gestes et la technologie plutôt qu’une transformation de l’agriculture

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Quoi qu’il en goutte. Alors que la sécher­esse hiver­nale laisse déjà présager un nou­v­el été très sec, et quelques jours après la man­i­fes­ta­tion con­tre une méga-bas­sine à Sainte-Soline, Emmanuel Macron a annon­cé jeu­di un «Plan eau» cen­sé réduire la pres­sion sur cette ressource en raré­fac­tion. Economies, agri­cul­ture et désac­cords, voici un résumé des mesures dévoilées en trois points-clés.

Economies

La pri­or­ité avant l’été, c’est la so-bri-é-té pour préserv­er cette «ressource stratégique pour toute la nation». À moyen terme, les prélève­ments d’eau doivent être réduits de 10% d’ici 2030, a annon­cé le chef de l’État, alors qu’en 2019, un objec­tif de baisse de 25% en 15 ans avait déjà été actée lors des Assis­es de l’eau. La ressource en eau disponible pour­rait dimin­uer jusqu’à 40% d’ici à 2050, a rap­pelé l’Elysée.

Les citoyen·nes et les admin­is­tra­tions sont incité·es à réduire leur con­som­ma­tion — comme pour l’énergie cet hiv­er (Vert) — et à installer des récupéra­teurs d’eau financés par des crédits d’impôts dans cer­taines zones, a annon­cé ce ven­dre­di le min­istre de la Tran­si­tion écologique Christophe Béchu. Autre objec­tif : réu­tilis­er dix fois plus d’eaux de pluie et d’eaux usées en 2030 (Vert).

Les moyens des agences de l’eau vont aug­menter et la tar­i­fi­ca­tion pro­gres­sive sera général­isée : si l’eau util­isée «pour boire, nous laver et pra­ti­quer les usages domes­tiques» ne sera pas plus chère, on paiera davan­tage les mètres cubes sup­plé­men­taires des­tinés aux «usages de con­fort», selon l’expression du min­istre.

À par­tir de 2024, 180 mil­lions d’eu­ros seront util­isés chaque année pour réduire les fuites d’eau du réseau, qui gaspillent 20% de l’eau potable en cir­cu­la­tion. 50 mil­lions d’euros par an seront fléchés vers la préser­va­tion des zones humides afin d’améliorer le stock­age.

Agriculture

Alors que ce secteur représente 60% de la con­som­ma­tion d’eau en France, les agriculteur·rices qui s’installeront en bio ou dans une démarche agro-écologique «seront favorisés» promet le plan. 100 mil­lions seront dédiés à l’accompagnement des «pra­tiques vertueuses». Des aides sub­ven­tion­neront des diag­nos­tics eau et sols, ou l’installation de sys­tèmes d’irrigation plus économes, comme le goutte à goutte. Mais Emmanuel Macron n’a pas par­lé de réduire les prélève­ments d’eau : «on doit faire plus d’irrigation avec la même quan­tité d’eau, cela veut dire inno­va­tion, partage, meilleure organ­i­sa­tion». Autrement dit, pas de sobriété pour l’agriculture ; les sur­faces agri­coles irriguées, qui représen­tent 7% du total aujourd’hui, devraient aug­menter.

Côté énergie, indus­trie ou tourisme, peu de pré­ci­sions. Un pro­gramme d’investissement pour adapter les cen­trales nucléaires au change­ment cli­ma­tique et les faire fonc­tion­ner en cir­cuit fer­mé a été évo­qué. «Nous allons deman­der à chaque secteur un plan de sobriété d’ici à l’été», a bal­ayé le chef de l’Etat. Les 50 sites indus­triels qui ont la plus grande marge de manœu­vre pour économiser l’eau seront reçus par le gou­verne­ment. «Nous voulons con­tin­uer de réin­dus­tri­alis­er le pays […] mais ces secteurs indus­triels doivent être de plus en plus décar­bonés et sobres en util­i­sa­tion de notre eau», a déclaré Emmanuel Macron.

Désaccords

La Con­fédéra­tion paysanne (syn­di­cat agri­cole minori­taire) n’a enten­du dans le dis­cours du prési­dent que «des élé­ments de lan­gage» et des propo­si­tions qui «ne chang­eront pas grand-chose». Si France nature envi­ron­nement salue «plusieurs bonnes nou­velle», la fédéra­tion remar­que qu’il s’agit «pour l’essentiel des mesures déjà annon­cées en 2019 à la suite des Assis­es de l’eau» et réclame que soit revu «en pro­fondeur le mod­èle agri­cole». «Le chef de l’E­tat n’a pas du tout fait men­tion du sys­tème d’élevage français […] par­ti­c­ulière­ment gour­mand en eau», a regret­té Sandy Oli­var Cal­vo, chargée de cam­pagne «agri­cul­ture» pour Green­peace France.

«Aucune remise en cause des méga-bassines et de leur util­ité ! Elles sont pour­tant des exem­ples typ­iques de mal­adap­ta­tion (asséch­er les ressources hydro­graphiques) et de cap­ta­tion de l’eau par une minorité d’ex­ploita­tions agri­coles inten­sives», a tancé l’ONG Oxfam alors que le prési­dent a évo­qué de «nou­velles retenues qui devront être inscrites dans des pro­jets de ter­ri­toire con­certés».