Analyse

Les climatosceptiques gagnent du terrain sur Twitter

  • Par

Alors que le dérèglement climatique s’intensifie, une étude du CNRS montre que le réseau social héberge des comptes climato-sceptiques de plus en plus nombreux.

L’année 2022 a été la plus chaude jamais enregistrée en France par les services météorologiques depuis 1900. Elle a aussi été celle où les climato-sceptiques se sont déchaînés sur les réseaux sociaux. Après avoir passé au peigne fin les échanges Twitter sur le changement climatique entre 2021 et 2022, quatre scientifiques français du CNRS, David Chavalarias, Paul Bouchaud, Victor Chomel et Maziyar Panahi, ont diagnostiqué une inflation au niveau mondial des discours remettant en cause le consensus scientifique sur le climat à partir de juillet 2022. Ils détaillent leurs résultats dans une étude parue le 13 février intitulée « Les nouveaux fronts du dénialisme et du climato-scepticisme ». Cette dernière a été menée dans le cadre du projet de recherche Climatoscope, qui a permis d’analyser 400 millions de tweets sur le changement climatique depuis 2016.

Premier constat : les climato-sceptiques ont pris la relève des antivax complotistes sur les réseaux sociaux. Une fois le plus dur de la pandémie passée, les contempteurs d’un fantasmé « Big Pharma » ont été remplacés par des internautes dézinguant à qui mieux mieux le « lobby politique » du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et notamment ses travaux sur l’influence directe de l’activité humaine dans l’intensification du dérèglement climatique. D’après le rapport, la bascule se serait faite à partir de l’invasion de l’Ukraine en février 2022 et se serait par la suite intensifiée à partir des périodes électorales (avril-juin 2022) puis des multiples événements météorologiques extrêmes de l’été dernier. Cette diffusion de messages climato-sceptiques sur Twitter aurait par la suite connu un nouveau coup d’accélérateur à partir de la COP27, au moment même où Elon Musk, nouveau patron de la plateforme, décidait de réduire les services de modération et de rétablir plusieurs comptes bannis.

La communauté dénialiste produit ou relaie 3,5 fois plus de messages toxiques que la communauté GIEC  © CNRS

D’après les quatre auteurs, ce réseau est en France composé de 10 000 comptes actifs et s’appuie sur un noyau dur d’environ 2 000 personnes, dont les opinions politiques penchent significativement vers l’extrême droite. Certains comptes évoluent ainsi dans la sphère de Reconquête !, le parti d’Eric Zemmour. D’autres n’hésitent pas à relayer les propos de François Asselineau ou de Florian Philippot. L’étude relève en revanche moins de croisement entre les climato-sceptiques de Twitter et les partis politiques traditionnels que sont LFI, EELV, le PS, LR ou le RN.

Au centre de cet éco-système anti-climat se trouve le compte d’un certain «@Elpis_R» qui se présente en anglais (ça fait plus chic) comme «Climate science research» (chercheur en science du climat). Fort de ses 17 000 abonné·es, cet ancien antivax notoire remet aujourd’hui systématiquement en cause et de manière violente les conclusions du GIEC. Il utilise pour ce faire une rhétorique baptisée par les auteurs de l’étude comme celle des «5D» :

  • Discrédit : «Si vous n’aimez pas ce que vos critiques disent, insultez-les.»
  • Déformation : «Si vous n’aimez pas les faits, déformez-les.»
  • Distraction : «Si vous êtes accusé de quelque chose, accusez quelqu’un d’autre de la même chose.»
  • Dissuasion : «Si vous n’aimez pas ce que quelqu’un d’autre prépare, essayez de lui faire peur.»
  • Division : «Si vos adversaires sont trop forts, divisez-les.»
  • Doute (qu’il a inventé) : favoriser le doute, notamment fertile au climatosceptisme.

Pour le moment, ces comptes climato-sceptiques ne font pas le poids face aux groupes étudiés sur Twitter (le Giec, les militants pro-climat, les médias, le gouvernement et les technosolutionnistes), mais il pourrait progresser rapidement. «Même si la taille de cette communauté est moindre que celle qui soutient le consensus scientifique sur le climat, un processus est enclenché, prévient David Chavalarias dans Le Monde. Si l’on n’en prend pas conscience, il peut mener à une polarisation de la société sur des enjeux qui relèvent de la science, comme aux Etats-Unis, où les républicains sont majoritairement climatosceptiques.» À l’heure actuelle, 26 % des comptes français évoquant le changement climatique sont climato-sceptiques.

«Merci pour tout le travail que vous réalisez, vous êtes d'utilité publique et devriez être prescrits par les médecins». Comme Florent, plus de 11 000 personnes ont soutenu Vert en 2024. Grâce à elles et eux, nous avons pu offrir des centaines d'articles de qualité en accès libre pour tout le monde ! Et tout ça, en restant 100% indépendants et sans publicités.

Permettez au plus grand nombre de comprendre les crises qui nous secouent et de savoir comment agir, et participez au projet médiatique le plus chaud de l'époque en faisant un don à Vert 💚