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Le rachat de Twitter questionne le futur de la lutte contre la désinformation climatique

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Liberté de désinformer. Le rachat du réseau social Twitter par le milliardaire libertarien Elon Musk est-il de bon augure pour l’action climatique ? La question se pose, alors qu’une étude parue jeudi 21 avril accuse différents réseaux sociaux de ne pas endiguer suffisamment la propagation de fausses informations sur le climat.

Facebook, TikTok, YouTube, Pinterest et surtout Twitter ne remédient pas assez à la diffusion d’idées climatosceptiques ou fausses sur le climat. Ces plateformes manquent également de transparence sur les mesures prises pour endiguer ce fléau, signalent Les Amis de la Terre, Greenpeace et Avaaz, co-signataires d’une analyse sur le sujet.

Si les ONG écologistes américaines suivent ce sujet de près depuis plusieurs années (elles ont créé une coalition baptisée Climate disinformation coalition), leur nouvelle étude intervient au moment où le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) cible pour la première fois la désinformation comme menace majeure dans la lutte contre la crise climatique.

Leur analyse a retenu 27 critères de suivi (définition claire de la désinformation climatique, interdiction de la désinformation dans le contenu recommandé, suspension des comptes qui la propagent, consultation de spécialistes du climat pour examiner le contenu signalé…). Il apparaît que Pinterest et Youtube ont pris les mesures les plus importantes (avec une note de 14 sur 27). Facebook, TikTok et Twitter sont en revanche « à la traîne dans leurs efforts » – avec respectivement 9, 7 et… 5 points : ces réseaux ne fournissent pas de définition de la désinformation climatique, ni de détails sur les mesures qu’ils prennent contre les récidivistes.

Le classement du rapport In the dark : how social media companies’ climate disinformation problem is hidden from the public © Climate disinformation coalition

« Les plateformes – en particulier Facebook et Twitter – ont permis aux propagandistes des temps modernes de saboter les efforts des scientifiques et des experts pour sauver la planète. Cela doit s’arrêter », s’est indigné Charlie Cray, de Greenpeace Etats-Unis.

Si Twitter a profité du « jour de la Terre », le 22 avril, pour annoncer que les publicités trompeuses sur le changement climatique seraient désormais interdites (AFP), le rachat du réseau par Elon Musk interroge : l’homme le plus riche du monde, amateur de provocations aux affinités à peine masquées avec Donald Trump, a promis une modération des contenus moins stricte et plus transparente.

« J’espère que mes pires contempteurs resteront sur Twitter, car c’est ça, la liberté d’expression. »

Certains analystes américains jugent que son arrivée pourrait contribuer à réduire le flux de discours haineux et de fausses informations sur Twitter, notamment si Elon Musk tient sa promesse de réduire le nombre de bots (robots) sur la plateforme.

Michael Khoo, co-président de la Climate disinformation coalition, a rappelé que les « garde-fous solides contre la désinformation » sont essentiels pour élaborer une politique climatique saine. Il espère implicitement que la loi du marché aura raison de la désinformation : « en fin de compte, les sociétés de médias sociaux sont des entreprises et les annonceurs ont clairement montré qu’ils ne veulent pas dépenser de l’argent sur une plateforme toxique ».

Comme le soulignait l’économiste Julia Cagé, interrogée mercredi par France Inter, ce rachat est un acte clairement politique de la part d’Elon Musk : « ce réseau social n’est pas une grande entreprise comme une autre. Il y a entre 200 et 300 millions d’utilisateurs réguliers. [Elon Musk] a une force de frappe gigantesque, mondiale. Il a une influence dans le débat politique et médiatique. Il a une influence dans la propagation des fake news. »

En réalité, ce rachat rappelle à quel point les politiques climatiques font aussi l’objet de luttes d’influence au sein d’une profonde bataille culturelle. Au niveau européen, on ose penser que le Digital services act (DSA – destiné à encadrer les réseaux sociaux sur leur manière de gérer les contenus jugés illicites et haineux), qui vient de faire l’objet d’un accord entre les États membres de l’Union européenne et le Parlement samedi 23 avril, sera un élément dissuasif. « Qu’il s’agisse de voitures ou de plateformes numériques, toute entreprise opérant en Europe doit se conformer à nos règles », a rappelé le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton. L’avenir dira si cette nouvelle législation aura les moyens de sanctionner efficacement les dérives du réseau, notamment en matière de désinformation climatique.

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