Analyse

Et si on taxait les ultra-privilégiés pour mettre fin aux inégalités climatiques ?

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Une riche idée ? Le Laboratoire sur les inégalités mondiales, institut de recherche rattaché à l’École d’économie de Paris et à l’Université de Berkeley (Californie), vient de publier un rapport qui lie injustices financière et climatique au niveau mondial.

À l’échelle mondiale, les 10 % les plus riches sont responsables de plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre, rappelle ce vaste rapport, notamment coordonné par l’économiste Lucas Chancel. Plus alarmant encore, les 1 % les plus aisés émettent plus de carbone que la moitié la plus pauvre de la planète. Et ce sont les citoyens des pays les plus vulnérables qui paient le plus lourd tribut au dérèglement climatique. Beaucoup de régions pauvres du monde ont dû faire face à une chute des rendements agricoles de l’ordre de 30% entre 1961 et 2015. Par ailleurs, 780 millions de personnes sont exposées à un risque combiné d’inondations et de pauvreté, en particulier dans les pays en développement.

Le rapport montre que permettre aux plus pauvres d’accéder à un meilleur niveau de vie ne va pas pour autant faire exploser les émissions carbone mondiales. Il suffit juste que les riches acceptent de moins consommer. De fait, si l’ensemble de la population mondiale pouvait toucher un minimum de 5,5$ par jour (ce qui améliorerait le sort de trois milliards de personnes supplémentaires), le niveau des émissions globales bondirait certes de 18 %. Or, ce chiffre correspond environ au tiers des émissions produites par les 10 % les plus riches. Conclusion : « si les principaux émetteurs acceptaient de faire leur part en termes d’atténuation du changement climatique », il serait possible de réduire la pauvreté dans le monde tout en respectant l’Accord de Paris, affirment les chercheurs.

Synthèse de centaines d’articles sur le sujet, l’étude démontre que la mise en place de politiques publiques plus équitables permettrait d’atténuer les effets du changement climatique, de s’y adapter et de financer les pertes et dommages déjà subis par les pays vulnérables. Pour ce faire, les auteur·rices recommandent de mettre à contribution les ultra-riches avec la mise en place d’une taxe de 1,5% sur le patrimoine de celles et ceux touchant plus de 100 millions de dollars par an (65 000 individus, soit 0,001 % de la population mondiale). Symboliquement renommée « 1,5% pour 1.5°C », cette taxe modeste permettrait d’obtenir près de 293 milliards de dollars par an.

La contribution des plus fortunés permettrait de financer l’adaptation des pays vulnérables aux événements météorologiques extrêmes. À l’heure actuelle, les pays les plus nantis concentrent 75% des capacités financières disponibles pour se préparer à ces catastrophes contre seulement 2% pour les pays les plus pauvres. En 2020, les pays riches n’ont prêté que 29 milliards de dollars pour l’adaptation aux pays en développement alors que le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) recommande des aides financières de l’ordre de 200 milliards annuels.

Pour limiter les inégalités entre citoyens d’un même pays (qui ont explosé ces dernières décennies), les chercheurs estiment que beaucoup d’États, y compris les plus aisés, devraient moderniser leur système fiscal national afin de faire mettre en place un impôt progressif sur le revenu ainsi qu’un impôt sur la fortune. Il s’agit, selon eux, des « solutions les plus faciles à mettre en œuvre » pour faire advenir une véritable justice climatique. À bon entendeur.