Mieux vaut tard que jamais. Le ministère de la transition écologique a choisi le jour du dixième anniversaire de l’Accord de Paris sur le climat, le 12 décembre, pour présenter son projet de nouvelle Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Elle est censée tracer la voie vers l’atteinte de la neutralité carbone à horizon 2050, soit l’équilibre entre le CO2 émis et celui qui est absorbé par les puits de carbone.
Cette SNBC, troisième du nom, décline les baisses d’émissions visées, secteur par secteur, en intégrant les «nouveaux» objectifs climatiques européens – déjà rehaussés il y a quatre ans pour certains : 55% de baisse d’émissions dès 2030 et 90% en 2040 par rapport à 1990.

Après des années de travaux, dont une année de concertation publique, la SNBC doit être adoptée début 2026 à l’issue d’ultimes consultations auprès du Haut Conseil pour le climat, du Conseil national de la transition écologique ou de l’Autorité environnementale, notamment.
Sur le papier, les objectifs sont particulièrement ambitieux. Pour atteindre l’objectif 2030, les émissions doivent ainsi baisser de 5% en moyenne chaque année entre 2024 et 2030, alors qu’elles n’ont fléchi que de 1,8% en 2024 et de 0,8% en 2025, selon les dernières estimations.
Le document prévoit que les voitures électriques atteignent 15% du parc roulant en 2030, contre 2,9% aujourd’hui. La baisse des émissions pour l’industrie est fixée à 68% d’ici à 2030 et 97% d’ici à 2050 (par rapport à 2023). Même chose pour le bâtiment qui doit atteindre -60% en 2030 et -97% en 2050 (toujours par rapport à 2023).

Problème, les importants moyens et financements supplémentaires à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs ne sont pas évoqués pour l’instant. «Derrière toutes les trajectoires, il y a un modèle économique», assure-t-on du côté du ministère de la transition écologique, comparant même le document à un «business plan de la transition écologique». Si politiques supplémentaires il y a, «elles ont vocation à être détaillées dans les prochaines semaines et les prochains mois par les ministres», élude le ministère.
Pari productiviste
Dans un élan productiviste, le gouvernement a décidé de faire une croix sur plusieurs leviers cruciaux de baisse des émissions tels que la sobriété. «On a obtenu des Français qu’ils baissent leur consommation d’énergie de 10% à l’hiver 2023. Aller plus loin, ce serait un effort significatif et sur lequel on n’a pas de levier», a défendu un conseiller de Monique Barbut, la ministre de la transition écologique.
Appliqué au logement, cela se traduit par «une réorientation de nos politiques publiques en faveur de l’installation de pompes à chaleur, qui devient le principal levier de décarbonation du logement, beaucoup plus rentable à court terme que l’isolation», explique-t-on au ministère.
Autre «oubli» : aucun objectif de réduction de la consommation de viande n’est indiqué dans la SNBC, bien que l’élevage constitue à lui seul près de 12% des émissions françaises. Réponse du ministère : «La limite de l’action de l’État, c’est la liberté des Français. Et le choix de ce qu’ils mangent, c’est leur liberté.» En réalité, la baisse de la consommation de viande est un sujet politiquement très sensible dont la Stratégie nationale pour l’alimentation et le climat (Snanc) a déjà fait les frais.
«Une transition qui ne sera pas la révolution»
Les conseiller·es de Monique Barbut se sont contorsionné·es pour vanter un «engagement politique clair contre le backlash écologique», tout en concédant que, dans un «contexte politique qui peut s’enflammer», mieux vaut «une transition qui ne sera pas à marche forcée, qui ne sera pas un grand soir, qui ne sera pas la révolution».

Dans des clins d’œil aux réactionnaires, elles et ils ont promis que la SNBC ne serait «pas une transition de centre-ville où on mange du soja et on fait du vélo». Au contraire, les conseiller·es ont multiplié les gages assurant d’«une transition qui ne se base pas sur le fait qu’on vous demande de changer en profondeur» car, «désormais, nous avons des technologies qui nous permettent d’accélérer la baisse d’émissions, sans que cela se traduise pour les Français par des efforts significatifs sur le changement de mode de vie». Une approche technosolutionniste contredite par l’ensemble de la littérature scientifique.