Décryptage

Rillette va-t-elle être euthanasiée ? Une manifestation samedi pour sauver le sanglier domestiqué 

Laie sur le feu. Samedi, l’association des commerçant·es de Chaource (Aube) organise une marche en soutien au sanglier Rillette et à sa propriétaire Élodie Cappé. Adopté dans l’illégalité, l’animal risque d’être retiré à sa maîtresse, voire d’être tué, car le centre animalier qui devait l'accueillir s'est désisté.
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«C’est simple, il y a un sanglier attaché à sa maîtresse et une maîtresse attachée à son sanglier», résume à Vert Gloria Jourdain, amie d’Élodie Cappé, la propriétaire de Rillette. Celle-ci a recueilli le marcassin qu’elle a trouvé dans ses poubelles, à Chaource (Aube), le 1er avril 2023. Au cours des mois suivants, elle a essayé de déclarer l’adoption de la laie (la femelle du sanglier) auprès de la préfecture, mais sa demande a été rejetée à trois reprises.

L’association des commerçant·es de Chaource organise une marche blanche ce samedi 11 janvier dans la ville, pour demander de laisser Rillette auprès de sa maîtresse. Celle-ci devrait réunir nombre de sympathisant·es : la pétition qui réclame d’épargner le sanglier a recueilli plus de 176 000 signatures.

L’animal est en situation illégale. La procureure de Troyes (Aube) a exigé qu’il soit transféré dans le centre de dressage Animal contact. Le parquet a demandé à l’Office français de la biodiversité (OFB) de veiller à ce que cette mesure soit respectée au risque, sinon, de devoir l’euthanasier. Mais le week-end dernier, Muriel Bec, à la tête d’Animal contact, s’est désisté en raison de la trop grande polémique autour du départ de Rillette.

Élodie Cappé et sa laie nommée Rillette. © DR

La structure d’accueil, dédiée à la préparation des animaux pour les tournages de films ou de publicités, est controversée selon la fondation 30 millions d’amis. La justice administrative a demandé en juin 2023 au centre de dressage d’arrêter ses activités d’immersion du public auprès d’animaux sauvages. «Rillette ne serait soi-disant pas bien chez moi mais, à des fins lucratives, elle ne dérangerait personne», proteste Élodie Cappé, qui refuse de la céder à Animal contact.

Muriel Bec s’insurge de ces accusations auprès de Vert : «Je n’ai pas besoin de Rillette pour faire des films, j’ai déjà quatre sangliers pour cela, je l’accueillais seulement dans un but de sauvetage». Elle précise qu’elle avait pensé «pouvoir garder Rillette le temps que Madame Cappé passe son certificat de capacité pour la reprendre ensuite». Elle a finalement retiré sa proposition d’héberger la laie après avoir été mise en cause par les sympathisant·es de la maîtresse et les associations de protection animale.

«J’ai voulu être trop honnête»

«Au départ, on ne voulait pas la garder, mais personne n’en voulait dans les structures d’accueil, le sanglier est classé comme nuisible», raconte Élodie Cappé. Alors, cette propriétaire d’une ferme équestre l’a fait vacciner, lui a aménagé un parc de 1 000 mètres carrés, un abri et une clôture adaptée. Elle s’est liée d’amitié avec l’animal. «Quand Rillette entend le véhicule de sa maîtresse arriver, elle fait le tour de l’enclos pour venir l’accueillir et lui faire la fête», décrit son amie Gloria Jourdain.

«Avoir des sangliers, c’est une situation qui a toujours existé ici, moi j’ai voulu être trop honnête», regrette Élodie Cappé. Elle assure que «plus de 70 sangliers» seraient détenus comme Rillette en France et ce, en toute légalité. Un chiffre que l’OFB dit ne pas pouvoir confirmer.

«Je pense que les tribunaux sont assez engorgés comme ça, il n’y a pas besoin de monopoliser les gens et les institutions pour cette affaire», déplore la maîtresse de Rillette. Pourtant, dans un communiqué publié en décembre dernier, la procureure est formelle : «seuls les animaux ayant une origine connue et licite peuvent prétendre à une autorisation de détention».

Toto le sanglier avait déjà défrayé la chronique

Élodie Cappé, elle, accueille la marche blanche avec soulagement : «Ça fait du bien d’avoir du soutien», confie-t-elle. À celles et ceux qui affirmeraient que la bataille pour garder Rillette serait clivante, Gloria rappelle qu’en plus du soutien d’associations de la cause animale«la plupart des gens qui nous soutiennent sont des chasseurs». Les sympathisant·es sont même allé·es jusqu’à composer une chanson pour défendre l’animal.

Rillette n’est pas le premier sanglier au cœur d’une controverse. L’été dernier, Toto avait défrayé la chronique pour les mêmes raisons, lui aussi menacé d’euthanasie. Il avait finalement été confié au parc animalier de Charleville-Mézières (Ardennes).

«Toto, ce n’est pas parce qu’il est dans un parc qu’il est heureux», s’exclame Élodie Cappé. Le maire de Charleville-Mézières a proposé d’ouvrir une place dans le parc pour Rillette, mais sa propriétaire refuse. «Le but de la démarche, c’est qu’on la garde à la maison», explique-t-elle.

«À la limite du domestique et du sauvage»

Malgré ces précédents, l’OFB assure à Vert que «si les adoptions de Woody, Mathilda et Toto ont été médiatisées de façon récurrente, elles restent des histoires à la marge de l’ensemble de la faune». Quant à la probabilité de trouver un petit sanglier isolé de sa famille, là encore, il s’agit d’exceptions, selon l’OFB, «car les marcassins ont un comportement social de groupe».

Pour Roméo Bondon, co-auteur du livre Sangliers, géographies d’un animal politique, l’histoire de Rillette montre que cette espèce a une place particulière dans nos représentations. Le sanglier «est à la limite du domestique et du sauvage, explique-t-il à Vert. Il brouille les catégories, parce qu’il entretient de nombreuses interactions avec l’humain, en se nourrissant dans les cultures ou les poubelles. Mais il reste complètement autonomeC’est rare qu’il y ait une telle manifestation de sympathie pour cet animal dans les médias. Il est plus souvent perçu comme problématique.»

Reste à savoir si la justice sera convaincue par cette manifestation de sympathie. Une audience prévue lundi fixera le sort de Rillette, au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, dans le département voisin de la Marne.


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