Vert au carré

Détention d’animaux sauvages : les mésaventures de «Rillette», la chronique de Juliette Quef dans la Terre au carré

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Ça va trop groin ! Cette semaine, la présidente de Vert revient sur l’histoire de Rillette, une femelle sanglier recueillie par une éleveuse de chevaux dans l’Aube. Une affaire qui interroge notre relation aux animaux sauvages. Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter le 8 janvier 2025.

Mathieu Vidard : Juliette, vous nous racontez une histoire à dormir dehors, celle de Rillette. Mais qui donc est Rillette ?

C’est une histoire qui sent bon la campagne française… et une polémique qui déchaîne les passions. Même le très sérieux journal britannique The Guardian s’en est saisie. On va parler d’une célébrité au groin proéminent : j’ai nommé Rillette !

Rillette, c’est une laie – une femelle sanglier – de 100 kilos, recueillie par Élodie Cappé, qui élève des chevaux dans l’Aube. Alors, pour celles et ceux qui se demandent pourquoi un sanglier porte le doux nom d’une spécialité charcutière, sachez qu’Élodie a de l’humour… et pas mal de courage.

Tout commence en avril 2023. Une petite boule de poils perdue, encore bébé, fouille les poubelles près des écuries d’Élodie. Celle-ci signale l’animal aux autorités locales, construit un enclos digne d’une résidence secondaire, et voilà que Rillette devient… un membre de la famille.

📻 Vert est sur France inter ! Tous les mercredis à 14h50, retrouvez une nouvelle chronique d’actualité de nos journalistes Loup Espargilière et Juliette Quef en direct dans la Terre au carré.

Bon, jusque-là, tout va bien ?

Oui, mais voilà… l’administration française ne l’entend pas de cette oreille. Car un sanglier, même apprivoisé, reste un animal sauvage et la législation interdit sa détention sans autorisation.

Malgré les efforts d’Élodie pour offrir à Rillette un environnement sécurisé, les autorités estiment que le sanglier présente un risque de propagation de maladies comme la peste porcine et la tuberculose bovine.

En septembre 2024, l’Office français de la biodiversité a donc demandé à Élodie de placer Rillette dans une structure adaptée, sinon «l’euthanasie pouvait être envisagée». Ce qui n’a pas manqué de choquer une partie de l’opinion.

Et Rillette a reçu une foule de soutiens…

Plusieurs pétitions ont rassemblé 400 000 signatures à travers le monde. L’actrice Brigitte Bardot a pris la plume pour demander la grâce de Rillette. De son côté, la fondation 30 millions d’amis a apporté son soutien et précise auprès de France 3 qu’elle «n’encourage pas la détention d’animaux non-domestiques, mais que le bon sens et l’empathie doivent l’emporter sur l’aveuglement administratif et judiciaire».

Et, tenez-vous bien : le youtubeur Monsieur Seby a même composé une chanson en l’honneur de Rillette. Voilà, on dit merci internet !

Mais pendant que les hashtags #SaveRillette font vibrer la toile, les autorités restent fermes. Il y a quelques jours, la procureure de la République de Troyes (Aube) a proposé son transfert auprès d’une compagnie de dressage d’animaux pour le cinéma. Ce qu’Elodie Cappé refuse catégoriquement.

Mais alors, quels sont les scénarios pour Rillette ?

Aujourd’hui, la situation reste tendue. Une audience est prévue au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne), le 13 janvier prochain. Pour la procureure, la détention de l’animal sauvage est un délit qui pourrait être puni d’une peine maximale de trois ans de prison et 150 000 euros d’amende.

Le maire (ex-Les Républicains) de Charleville-Mézières (Ardennes), Boris Ravignon, a aussi proposé d’accueillir la laie comme il l’avait fait pour le sanglier Toto l’an passé. Une marche silencieuse aura lieu à Chaource, dans l’Aube, ce samedi 11 janvier.

L’histoire de Rillette, au fond, lance un pavé dans la mare aux cochons. D’un côté, elle suscite un fort attachement. De l’autre, si ce genre de situations se généralisaient, cela ferait courir des risques sanitaires et abolirait encore plus les frontières entre nous et la vie sauvage.

Par ailleurs, la vie des sangliers dans la «nature» est déjà bien soumise aux humains. Les associations nous rappellent que, lors des chasses, des bébés marcassins sont souvent arrachés à leur mère et que les refuges sont saturés. Alors, pour sauver un maximum de Rillette, on pourrait commencer par laisser les forêts et leurs habitants en paix !


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