Décryptage

Rénover son logement : comment éviter les arnaques ?

Tabarnaque ! C’est un geste très efficace pour le climat et le porte-monnaie, mais qui peut s’avérer risqué à cause de professionnels malhonnêtes : voici nos conseils pour réaliser la rénovation thermique de votre logement sans crainte.
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Lorsqu’on en est pro­prié­taire, rénover son loge­ment per­met d’alléger à la fois ses fac­tures d’énergie et son bilan car­bone. Mais sans coup de pouce financier, l’investissement ini­tial peut s’avérer dis­suasif. C’est pourquoi l’État a mis en place de (très) nom­breuses aides, notam­ment pour les bud­gets mod­estes. Les deux prin­ci­pales sont MaPrimeRénov’ (ver­sée par l’Agence nationale de l’habitat) et les Cer­ti­fi­cats d’économie d’énergie (financés par les grands four­nisseurs d’énergie), qui représen­tent respec­tive­ment 4 et 2,5 mil­liards d’euros de bud­get en 2024.

Prob­lème : ces aides, accordées essen­tielle­ment sur devis, ont attiré énor­mé­ment d’entreprises mal­hon­nêtes. Leur mode opéra­toire est le suiv­ant : «En général, elles com­men­cent par gon­fler les devis pour génér­er fraud­uleuse­ment le plus d’aides pos­si­bles», explique Nico­las Desquin­abo, éval­u­a­teur indépen­dant de pro­grammes de réno­va­tion énergé­tique. Il n’est pas rare que le mon­tant des sub­ven­tions ain­si obtenues excède le coût réel des travaux, ce qui per­met aux arti­sans d’offrir des presta­tions ultra-com­péti­tives tout en empochant au pas­sage une par­tie du butin. À ce stade, l’arnaque pénalise surtout l’État, qui voit ses pro­grammes de finance­ments large­ment détournés.

Mais une fois le devis accep­té, «pour max­imiser leurs marges, ces entre­pris­es recourent à du per­son­nel non qual­i­fié et instal­lent des équipements moins per­for­mants que prévu, voire pas con­formes du tout», ajoute l’expert. Cette fois-ci, les client·es courent le risque de se retrou­ver avec du matériel non seule­ment inef­fi­cace, mais aus­si dan­gereux (risques élec­triques et/ou incendies).

«Les niveaux de fraudes sont colos­saux», assure Danyel Dubreuil, coor­di­na­teur de l’initiative Rénovons ! qui estime que 30 à 50% des chantiers sont prob­lé­ma­tiques, allant «de l’arnaque pure à la mal­façon plus ou moins dan­gereuse». Heureuse­ment, il existe des gestes bar­rières effi­caces pour les tenir à dis­tance.

1. Démarché·e ? Fuyez !

On peut par­fois démas­quer un arti­san mal­hon­nête dès le pre­mier con­tact. Flo­rence Lievyn, prési­dente du Groupe­ment des pro­fes­sion­nels des cer­ti­fi­cats d’économie d’énergie, rap­pelle que le démar­chage télé­phonique est inter­dit dans le secteur de la réno­va­tion énergé­tique depuis 2020 et que «les arti­sans sérieux n’ont pas le temps de s’adonner au porte-à-porte». De manière générale, «si la per­son­ne est insis­tante, c’est sus­pect», prévient-elle.

2. Offres à 1€ : atten­tion l’arnaque

Les belles promess­es doivent vous alert­er. Les offres de travaux à 1€, qui ont pul­lulé ces dernières années, sont main­tenant inter­dites. Désor­mais, les aides ne doivent pas dépass­er 90% du coût des travaux, même en les cumu­lant. «Il n’existe qu’une excep­tion à cette règle», pré­cise Flo­rence Lievyn : «la réno­va­tion glob­ale de pas­soires énergé­tiques détenues par des ménages très mod­estes qui, elle, peut être prise en charge à 100 %».

3. Passez les devis à la loupe

Les aides étant pro­por­tion­nées à la super­fi­cie du loge­ment (ou des combles à isol­er), au coût total des travaux, voire aux économies d’énergies générées, les entre­pris­es malveil­lantes truquent volon­tiers les devis. La super­fi­cie de la mai­son y est gon­flée, de même que le coût des matéri­aux. Les per­for­mances énergé­tiques du loge­ment avant et après travaux sont volon­taire­ment mod­i­fiées pour simuler une économie d’énergie max­i­male.

Pour ten­ter de lim­iter les fraudes sur les plus gross­es opéra­tions, l’État impose désor­mais la réal­i­sa­tion d’audits énergé­tiques avant et après les travaux, ain­si que le con­trôle a pos­te­ri­ori par un expert du Comité français d’ac­crédi­ta­tion (Cofrac). «Des pro­fes­sions qui sont, elles aus­si, infil­trées par les éco-délin­quants», juge Léana Msi­ka de l’association Doré­mi, qui estime que «les con­nivences» ne sont pas rares, faute de con­trôles suff­isants par l’État.

4. Réalisez un con­trôle d’identité

Tou­jours pour lim­iter la fraude, l’État a con­di­tion­né l’octroi de ses aides à la déten­tion, par l’artisan, du label RGE (recon­nu garant de l’environnement). Pour véri­fi­er que celui-ci en est bien déten­teur, recherchez son nom (ou celui de son entre­prise) sur les annu­aires de référence tenus par les organ­ismes de qual­i­fi­ca­tion Qual­i­bat, Qual­if­elec ou QualitEnR.

5. Rap­prochez-vous de France Rénov’

Au moin­dre doute, il est indis­pens­able de se rap­procher du réseau France Rénov’. Ses con­seillers vous aideront à véri­fi­er le sérieux d’une entre­prise ou d’un devis. Son site inter­net dis­pense des con­seils et pro­pose un annu­aire per­me­t­tant de trou­ver des arti­sans com­pé­tents, ain­si que de s’assurer qu’ils sont bien déten­teurs du label RGE.

6. Déclarez les arnaques

En dépit du nom­bre élevé de fraudes à la réno­va­tion, au moins 80% ne sont pas sig­nalées par les vic­times, par honte ou peur de devoir rem­bours­er les aides, estime Nico­las Desquin­abo. Pour­tant, déclar­er les sit­u­a­tions litigieuses sur le site inter­net Sig­nal­Con­so per­met à l’État de mieux iden­ti­fi­er les fraudeurs. En out­re, une fois votre sit­u­a­tion ren­seignée, vous pour­rez béné­fici­er de con­seils sur les démarch­es à entre­pren­dre pour obtenir répa­ra­tion.

Pho­to d’illustration : Le secteur du bâti­ment représente env­i­ron 25% des émis­sions de CO2 et 47% de la con­som­ma­tion d’én­ergie finale du pays. © Pex­els