Hisser pavillon. Vivre dans une maison individuelle, voilà le rêve d’une grande majorité de Français·es. Mais, de l’artificialisation des sols aux passoires thermiques, cet idéal est semé d’embûches. On fait le point dans ce nouvel épisode du Vert du faux.
Vouloir vivre dans une maison, ce ne serait pas écolo ? Vous avez peut-être entendu parler des efforts auxquels la France s’est engagée pour lutter contre l’artificialisation des sols. Ce phénomène désigne le fait de transformer des espaces naturels, agricoles ou forestiers pour en faire des lieux d’habitation ou d’activités économiques.
«Chaque année, 24 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers ont été consommés en moyenne en France, sur la décennie 2011-2021, soit près de cinq terrains de football par heure. Tous les territoires sont concernés : 61% de la consommation d’espaces est constatée dans les territoires sans tension immobilière», précise le Portail de l’artificialisation des sols sur son site.
Savoir rester ZAN
Pour inverser cette urbanisation galopante, un dispositif légal, appelé ZAN (pour «zéro artificialisation nette»), a récemment été adopté. Ce texte, qui émane de la loi Climat et résilience de 2021, prévoit de limiter progressivement la conversion des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Il s’agit de moins «bétonner» pour conserver les habitats naturels essentiels au maintien de la biodiversité, éviter l’imperméabilisation des sols pour réduire le risque d’inondation et maintenir le stockage de carbone afin de lutter contre le réchauffement climatique.
Un premier objectif du ZAN prévoit une réduction par deux de la consommation de terres d’ici à 2030. En France, ce sont les collectivités qui sont chargées de le mettre en œuvre, en intégrant les objectifs de réduction de l’artificialisation, qui varient d’un territoire à l’autre, dans leurs documents de planification et d’urbanisme.
À la lumière de ces précisions, quel est le «problème» avec la maison ?
Le rêve de la maison individuelle
De façon évidente, la construction d’une maison individuelle contribue au phénomène de l’artificialisation des sols. Elle va consommer de l’espace pour accueillir un nombre limité de personnes. En France, 66% des logements sont des maisons, une proportion parmi les plus élevées au sein de l’Union européenne. Selon les données de l’Insee, une maison aurait en moyenne une surface d’une centaine de m2 et comprendrait le plus souvent un parking et un jardin.
Des caractéristiques proches de la maison idéale des Français·es. En analysant les différents critères utilisés lors des recherches immobilières de ses millions d’utilisateur·ices, le site Se Loger a révélé début décembre que «la maison arrivait en tête dans 64% des requêtes avec une surface minimum de 80m2. […] les Français qui ont sélectionné des critères avancés ont majoritairement renseigné les filtres “jardin” (16,3%), “terrasse” (14,8%) et “piscine” (9%).»
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La densité joyeuse ?
Pour éviter de grignoter des terres, il faudrait donc plutôt densifier l’habitat et lutter contre l’étalement urbain et péri-urbain. «Notre travail dans les années à venir pour faire face aux effets du changement climatique va être de rendre la densité désirable, confiait à Vert Franck Boutté, ingénieur et grand prix de l’urbanisme 2022, à l’occasion de l’étape nantaise du Climat Libé Tour en novembre dernier. Il faut notamment travailler sur les espaces communs et les accès aux extérieurs pour créer d’autres façons d’habiter les espaces, ensemble, et de pouvoir faire face aux épisodes caniculaires.»
Sachant que cette densité recherchée pour lutter contre le grignotage des terres – qui se calcule en divisant le nombre total de logements construits par la superficie d’un territoire donné –, peut se matérialiser de façons très différentes. Entre une tour, des unités individuelles ou un mix entre petits et moyens modules d’habitation, les options sont multiples et ne fourniront pas la même qualité de vie au quotidien.
L’option rénovation
Si faire construire une maison rime avec artificialisation, qu’en est-il alors de s’installer dans une maison qui existe déjà ? C’est ici la question des différentes performances de l’habitat qui se pose. Selon les données de l’Observatoire national de la rénovation énergétique, sur les 30 millions de résidences principales en France, plus de cinq millions auraient des performances énergétiques médiocres ; ces «passoires thermiques» sont plus fréquentes dans les maisons individuelles que dans les logements collectifs.
Les travaux de rénovation, indispensables pour alléger les factures et les émissions de gaz à effet de serre, peuvent s’avérer extrêmement coûteux. Des associations, à l’image du Réseau éco habitat, accompagnent aujourd’hui les particulier·es aux revenus modestes. Le dispositif Ma prime rénov’ permet également de bénéficier de subventions.
On l’aura compris, s’il est bien possible de concilier désir de vivre en maison individuelle et impératifs écologiques, cet ajustement se fait en tenant compte de (très) nombreuses contraintes, de la lutte contre l’artificialisation à la performance énergétique.
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