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Réduction des pesticides : le gouvernement laisse un rapport accablant au placard

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Échec éclate. Alors que l’u­til­i­sa­tion de pes­ti­cides ne cesse d’aug­menter en France, le gou­verne­ment a préféré ignor­er un rap­port d’in­spec­tion qui pro­po­sait des pistes d’amélio­ra­tions.

Depuis 2008 et le pre­mier plan de réduc­tion des pro­duits phy­tosan­i­taires, dit Eco­phy­to, les straté­gies mis­es en place par les gou­verne­ments suc­ces­sifs sont un échec cuisant. L’ob­jec­tif ini­tial ‒ divis­er par deux la con­som­ma­tion de ces pro­duits entre 2008 et 2018 ‒ a été reporté à 2025, avec un objec­tif inter­mé­di­aire de ‑25 % en 2020. Or, les chiffres tout juste révélés par le min­istère de la tran­si­tion écologique con­fir­ment qu’au cours de la décen­nie 2010 « la quan­tité totale de sub­stances actives ven­dues en France a aug­men­té de 9 % alors que la sur­face agri­cole util­isée restait sta­ble ».

Quan­tité de sub­stances actives ven­dues chaque année en France, en tonnes. « Les chiffres pro­vi­soires de 2019 affichent une baisse notable en par­tie reliée à la forte hausse de 2018, elle-même en lien avec un achat par antic­i­pa­tion pour se pré­mu­nir d’une hausse de la taxe sur les pro­duits phy­tosan­i­taires », note le doc­u­ment. Source : MAA, traite­ment SDES 2020.

Régulière­ment mis en cause sur la piètre effi­cac­ité des plans mis en place (Eco­phy­to I, Eco­phy­to II et Eco­phy­to II+), le gou­verne­ment a com­mandé, en juil­let 2020, un rap­port d’in­spec­tion sur l’efficience des fonds publics dédiés à la réduc­tion de l’usage des pes­ti­cides. Remis en mars 2021 au min­istre de l’a­gri­cul­ture, ce doc­u­ment n’a jamais été ren­du pub­lic. Pis, ses propo­si­tions sem­blent avoir été immé­di­ate­ment remisées au plac­ard.

L’as­so­ci­a­tion France nature envi­ron­nement est par­v­enue à se pro­cur­er le rap­port, après une demande auprès de la Com­mis­sion d’accès aux doc­u­ments admin­is­trat­ifs (Cada). Rap­pelant les dan­gers que font peser les pro­duits phy­tosan­i­taires sur la san­té humaine et sur la bio­di­ver­sité, celui-ci pointe le manque de volon­té de l’État pour dimin­uer l’usage des pes­ti­cides. Bien que con­fort­able­ment dotée ‒ 643 mil­lions d’eu­ros de bud­get annuel ‒, cette poli­tique publique se lim­ite en effet à « des out­ils de com­mu­ni­ca­tion, d’animation et de pro­mo­tion des bonnes pra­tiques agri­coles ». Dit autrement, elle mise sur le « regard par-dessus la haie » (ou le bouche-à-oreille) pour que les bonnes idées se dif­fusent au sein de la pro­fes­sion. En vain. Du reste, elle ne peut pas « à elle seule con­tre­bal­ancer cer­taines ori­en­ta­tions des poli­tiques agri­coles nationales et européennes », écrivent les auteur·rices.

Pour accélér­er la sor­ties des pes­ti­cides, le rap­port ébauche trois pistes : un sou­tien accru aux fil­ières qui s’en­ga­gent dans l’a­gri­cul­ture biologique (scé­nario 1), l’u­til­i­sa­tion des sig­naux de marchés ‒ taxation/bonus ‒ pour ori­en­ter les pra­tiques agri­coles (scé­nario 2) ou un dur­cisse­ment sen­si­ble de la régle­men­ta­tion (scé­nario 3). « Par souci de cohérence et d’efficacité, le nou­veau plan devrait débuter avec la nou­velle poli­tique agri­cole com­mune (PAC) en 2023 », pré­conisent les auteur·rices. Un chantier qu’il faudrait lancer dès le début du prochain quin­quen­nat, donc.