Portrait

Qui est Élisabeth Borne, première ministre en charge de la planification écologique ?

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La nouvelle première ministre est une technicienne spécialisée dans les transports et l’aménagement du territoire. Habituée à l’appareil d’État comme au monde de l’entreprise, elle connaît ses dossiers. De quoi mener à bien le chantier de la planification écologique ?

Borne again. Emmanuel Macron avait promis de nommer à Matignon une femme, de gauche et écologiste, afin de tout changer. Si la première case est cochée, la nouvelle première ministre est, à tous points de vue, dans la continuité du premier quinquennat.

Formée à l’école Polytechnique et à celle des Ponts et chaussée, Élisabeth Borne a passé ses trente premières années de carrière aux côtés d’élu·es socialistes. Entre 1987 et 2017, elle travaille comme conseillère auprès de Lionel Jospin, Jack Lang, Bertrand Delanoë et Ségolène Royal. Passée par le ministère de l’Équipement, par celui de l’Éducation ou encore de l’Écologie, elle fut aussi préfète de la région Poitou-Charentes et de la Vienne. Elle a également occupé des postes de direction à la SNCF, chez Eiffage ou à la RATP.

Pendant le premier mandat d’Emmanuel Macron, elle a connu trois ministères. En 2017, la ministre chargée des transports s’occupe de la transformation de la SNCF en société à capitaux publics – un chantier très contesté qui ouvre le rail à la concurrence et supprime le statut des cheminots pour les nouveaux arrivants. Lors de son court passage au ministère de la Transition écologique et solidaire (2019-2020), elle n’y fait que du suivi de dossier. Si elle annonce la mise à l’arrêt de la centrale nucléaire de Fessenheim (Alsace) ou encore l’abandon du projet EuropaCity (un mégacomplexe de loisirs et de commerces envisagé dans le Triangle de Gonesse, au nord de Paris), elle porte aussi – sans y parvenir – le recul de la date de sortie du glyphosate à la fin du quinquennat. Elle termine les travaux du projet de loi énergie-climat, qui recule de dix ans la réduction programmée, à 50 %, de la part du nucléaire dans la production électrique. Elle parvient à faire voter une maigre loi « antigaspillage ».

En 2020, elle porte un plan de 60 millions d’euros pour inciter les Français·es à choisir le vélo pour les déplacements du quotidien. En tant que ministre du Travail, elle mène la brutale réforme de l’assurance-chômage qui fera baisser les allocations de 1,15 million de personnes la première année.

Si les associations reconnaissent qu’Élisabeth Borne saisit les enjeux écologiques, elles s’interrogent aussi sur sa véritable marge de manœuvre. Pour Arnaud Schwartz, président de la fédération France nature environnement, « c’est une personne organisée, qui connait ses dossiers environnement et climat, et qui ne fera pas trop d’ombre au président de la République » (France Bleu). « C’est une ministre ouverte au dialogue avec les ONG. Elle va au fond des sujets, mais elle a obtenu peu d’avancées mémorables dans le domaine de la lutte contre le changement climatique, selon Anne Bringault du Réseau action climat, qui rassemble plus de trente associations. En tant que première ministre, elle doit maintenant mettre tous les ministres sur cette voie ». Sur son site, le Réseau liste les actions prioritaires à mener : la cheffe du gouvernement devrait notamment « changer de méthode, d’organisation et de dispositifs afin de ne plus dévier des trajectoires fixées ».

Pour Léo Cohen, ancien conseiller politique au ministère de l’Écologie, « cette nomination, sur le papier, est l’un des meilleurs scénarios pour l’écologie : elle a de fortes convictions, c’est une « bête de travail » qui maîtrise les dossiers et connait les blocages qui entravent les politiques climatiques – ce qui peut l’aider à les dépasser. C’est aussi une femme de dialogue qui goutte peu les effets de manche, mais a l’obsession des résultats ».

Le député européen Benoit Biteau, ancien vice-président de la région Poitou-Charentes, qui a beaucoup travaillé avec elle lorsqu’elle était préfète, est moins enthousiaste : « C’est l’archétype du « en même temps » et du greenwashing : elle est favorable aux bassines [retenues artificielles d’eau pour l’agriculture, NDLR], à la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, et à l’écoute de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), etc. Je ne fonde aucun espoir sur cette nomination ».

Reste à savoir si elle pourra donner corps à la « planification écologique » appelée de ses vœux par le président et organiser une nouvelle architecture gouvernementale pour adapter nos institutions à la transition. « Au-delà du signal lié à sa nomination, ce sont ces enjeux très concrets qui permettront de donner le ton et de voir si elle peut impulser un tournant écologique. Personnellement, c’est là que je l’attends », estime Léo Cohen.

À son arrivée au ministère « de l’impossible » en 2019, Élisabeth Borne souhaitait « porter une écologie positive » tout en gérant la « complexité » de la transition écologique. En même temps.

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