Développement du rab. Annoncé par Emmanuel Macron après la COP27 sur le climat, le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial se tient à Paris jeudi 22 et vendredi 23 juin. Avec pour ambition la redéfinition des relations Nord-Sud.
Faire de Paris un nouveau Bretton Woods: tel est le cap affiché par l’Elysée à l’ouverture, ce jeudi au Palais Brongniart, du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial. Lancé par le président français Emmanuel Macron à l’issue d’une COP27 sur le climat au bilan mitigé, ce raout doit rebattre les cartes de la solidarité internationale et amorcer la réforme des institutions financières, bâties au sortir de la seconde Guerre mondiale, pour créer un «choc d’investissement». Des enjeux de taille alors que le Sud, qui est le moins responsable du changement climatique, subit des crises multiples ‑alimentaire, sanitaire, sociale, climatique- et croule sous la dette. Ses besoins pour faire face aux changements climatiques s’élèveraient à plus 2000 milliards de dollars par an, selon un rapport publié pendant la COP27.
La Première ministre de la Barbade Mia Mottley, étroitement associée au processus, et le président du Brésil Lula seront là pour porter la voix du Sud, aux côtés d’une quinzaine de dirigeants africains. «Les réponses de la communauté internationale sont actuellement fragmentées, partielles et insuffisantes. Ensemble, nous devons construire un système financier international plus réactif, plus équitable et plus inclusif pour lutter contre les inégalités, financer la transition climatique et nous rapprocher de la réalisation des Objectifs de développement durable», détaille Mia Mottley.
«Il s’agit de reconstituer une confiance brisée entre le nord et le sud car les promesses financières n’ont pas été honorées ou trop tardivement», explique Fanny Petitbon de l’ONG Care France lors d’une rencontre avec la presse. Par exemple, l’engagement des pays du Nord à mobiliser 100 milliards de dollars par an pour financer l’atténuation et l’adaptation du Sud au bouleversement climatique, pourrait être tenu en 2023 alors qu’il était prévu pour 2020. Pis, plus de 70% de de cette somme est accordée sous forme de prêts, ce qui alourdit encore la dette du Sud. «Avec le remboursement de la dette et les flux financiers illicites qui vont dans les paradis fiscaux, ce sont les pays du Sud qui financent les pays du Nord», lance Lison Rehbinder du CCFD-Terre Solidaire. Le sommet pourrait déboucher sur une pause du remboursement de la dette en cas de catastrophe climatique future. «Il faut des annulations d’ampleur pour financer leurs services publics et la lutte contre le changement climatique», avance-t-elle encore alors que 54 pays sont en situation de crise de la dette en raison de l’inflation et de la crise de l’énergie, selon le programme des Nations unies pour le développement.
A l’ordre du jour également: l’inclusion du secteur privé dans le financement de la solidarité internationale. «Les grands gagnants de la mondialisation doivent contribuer à la solidarité internationale», avance Najat Vallaud-Belkacem, directrice de l’ONG ONE qui milite pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières au niveau mondial. Mais les pays du Sud dénoncent aussi l’évasion fiscale. «Les pays riches continuent à utiliser les mêmes mécanismes qui nous ont fait perdre 30 ans, déplore Harjeet Singh, chef de la stratégie politique de Climate Action Network, le Réseau action climat international. Ils utilisent le système et les crises pour faire toujours plus de profit. Il faut une transformation complète.» En sus de l’annulation de la dette des pays du Sud, la société civile demande que soient trouvés des financements pour abonder le fonds Pertes et dommages, créé lors de la COP27, et qui vise à compenser les dégâts irréparables déjà subis en raison de la crise climatique. Ce pourrait être le cas d’une taxe sur le trafic maritime mondial qui devrait être évoquée pendant ce sommet, avant une autre rencontre sur le sujet prévue au mois de juillet.
«Il faut avancer sur la taxation des énergies fossiles, de l’aviation et du transport maritime, des personnes les plus riches», résume Fanny Petitbon. «Les pays riches ont mobilisé 28 000 milliards de dollars en 2020 dans leur réponse à la crise du covid. Notre demande n’est pas hors de proportion», martèle Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France qui défend une taxation des personnes les plus riches à l’échelle mondiale, qui pourrait rapporter jusqu’à 1700 milliards de dollars par an.
La transformation des banques multilatérales de développement, créées en 1944, dans un contexte colonial, est également demandée par les pays du Sud. L’ONG ONE souhaite par exemple que celles-ci améliorent leurs capacités de prêts afin de tripler les financements à ces Etats.
Si une quarantaine de chef·fes d’Etats sont attendu·es ce jeudi, seuls le chancelier allemand et le président français représenteront des pays riches. Un échec pour les associations qui y voient un manque d’ambition du sommet. «On craint d’avoir une opération de communication plutôt que des avancées concrètes», regrette Louis-Nicolas Jandeaux, chargé de campagne chez Oxfam France. La société civile salue tout de même «un début» mais s’interroge sur l’articulation de ce cadre avec le système onusien des COP sur le climat, dont la prochaine se tiendra en décembre aux Émirats Arabes Unis.
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