L’éco-anxiété grimpe et la société assiste en spectateur démuni aux effets du péril climatique. Or la crise écologique actuelle est avant tout une crise culturelle : elle remet en cause nos modes de vie, elle bouscule les fondements de notre civilisation humaniste. La technologie qui devait nous sauver nous enfonce souvent dans le dérèglement des cycles naturels.
L’Académie du Climat à Paris, où nous proposons un cycle régulier de Rencontres de l’Écologie culturelle à partir de février 2023, préfigure ce que nous souhaitons initier et polliniser partout en France. Des «Maisons de l’écologie culturelle» peuvent naître au sein des écoles et universités, des lycées, des bâtiments publics, des bibliothèques, des tiers-lieux, des pavillons des transitions, des centres d’art ou d’architecture. La première hors de Paris sera inaugurée à l’automne 2023 à Sciences Po Rennes, au sein du Campus des Transitions de Caen.
Nous pensons qu’une véritable ambition écologique doit rassembler et faire culture commune. C’est sa mission. C’est pourquoi il nous apparaît essentiel de créer de nouvelles formes d’action et d’activisme pour l’écologie, au-delà de la seule radicalité.
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Certain·es s’emparent du côté artistique de la culture, pour réveiller nos consciences. Happenings pour le climat, événements, expositions, actions dans les musées. La sensibilité a son rôle à jouer et danser pour conter la misère du monde change d’un activisme tristounet. Les médias renchérissent : «les jeunes» se mobilisent pour le climat, mais ce n’est qu’une frange de jeunes.
Pour aller plus loin, pour que l’écologie ne soit pas une niche générationnelle, il faut penser la culture au niveau plus global de la société, s’inspirer des artistes et des artisan·es au-delà du dispositif artistique lui-même. Car l’heure est venue de développer une culture écologique accessible à toutes et tous.
Nous proposons de créer des Maisons de l’Écologie culturelle. Elles prendront le relais des Maisons de la Culture que Malraux a créées en son temps. Chacun·e doit avoir accès à une connaissance pleine et entière du vivant, à sa diversité, à ses potentialités et à ses limites. Être outillé·e pour créer, à partir de cette connaissance, une société vivant en coopération, dans le soin porté à son territoire. Ces Maisons accueilleront des citoyen·nes de tous âges et de toutes conditions. Elles permettront de fédérer autour d’un programme commun d’éducation populaire et d’actions partagées autour de l’écologie. Nous y développerons une « pensée pratique » à travers une multitude de formats (ateliers, conférences, laboratoires, spectacles, performances) puisant dans nos intelligences manuelles, intuitives, analogiques, analytiques. Une empathie enfin retrouvée envers les autres et la nature.
Les artistes et les artisan·es peuvent être une source d’inspiration pour le programme éducatif de ces Maisons. Elles et ils promeuvent le décloisonnement, la force des liens, le dialogue entre l’esprit humain, le corps, les ressources et les matières. La création d’idées aussi, qui est intimement liée à l’éveil des possibles. Les «artistes» du quotidien, ça pourrait être nous ! En s’appuyant sur ces savoirs, dressons collectivement un inventaire des valeurs et des besoins, pour nous reconnecter avec nos territoires, dégager la couche d’arbitraire de notre économie, et rétablir les chaînons intergénérationnels de transmission.
Auteurs : Patrick Scheyder, pianiste, auteur et concepteur de spectacles. Nicolas Escach, géographe et directeur du Campus des Transitions (Sciences Po Rennes – Caen). Pierre Gilbert, prospectiviste, auteur.
Cosignataires : Rémi Cardon, Sénateur. Serge Orru, président de l’Académie du Climat. Lucas Véran, adjoint au maire de Neuilly-sur-Seine.
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