Cette semaine le rédacteur en chef de Vert revient sur les dégâts causés par le cyclone Chido à Mayotte. Est-ce vraiment la faute du changement climatique ? Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter mercredi 18 décembre 2024.
Mathieu Vidard : Loup, le changement climatique est-il le responsable des morts et des destructions du cyclone Chido à Mayotte ?
Alors que le 101ème département français tente de panser ses plaies et que ses habitant·es vivent dans une situation d’urgence absolue, il est temps d’essayer de comprendre ce qu’il s’est vraiment passé. Chido, cyclone de catégorie 4 (sur 5), est le plus puissant à avoir frappé cet archipel de l’océan Indien depuis 90 ans. Or, on le sait maintenant, le changement climatique rend les tempêtes tropicales plus puissantes, parce qu’elles se nourrissent de la chaleur contenue dans l’océan. Et il se trouve que l’océan Indien est justement en surchauffe ces jours-ci, avec des eaux de surface qui atteignent les 30 degrés.
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Des scientifiques ont déjà tenté de déterminer si cet événement était lié – ou pas – au changement climatique. C’est ce qu’on appelle les sciences de l’attribution. Une première étude publiée lundi par des chercheur·ses de l’université Paris-Saclay a estimé qu’il était très difficile d’établir un lien avec le changement climatique, car il y a eu très peu d’événements comparables par le passé : il est très rare qu’un cyclone touche Mayotte sans être passé auparavant par Madagascar, ce qui a généralement pour effet de l’affaiblir.
Mais une nouvelle étude, publiée ce mardi par le Grantham Institute de l’Imperial college de Londres donne un autre son de cloche. Selon ces scientifiques : «le changement climatique d’origine humaine a intensifié les vents destructeurs du cyclone tropical Chido, le faisant passer de la catégorie 3 à la catégorie 4 lorsqu’il a frappé Mayotte. Ils disent aussi : «Le réchauffement a multiplié par 50 la probabilité de voir des eaux aussi chaudes, qui ont fourni du carburant à Chido»
Alors, c’est 100% la faute du changement climatique ?
On le sait maintenant, la crise climatique agit comme un révélateur des inégalités. Mayotte, département de loin le plus pauvre de France, cumule les vulnérabilités : les trois quarts de la population vivent sous le seuil de pauvreté, des dizaines de milliers de personnes logent dans des habitats précaires, voire des bidonvilles, l’accès à l’eau est de plus en plus compliqué, les infrastructures sont défaillantes…
L’archipel connaît une forte immigration en provenance des Comores, de Madagascar ou de la région des Grands lacs en Afrique. Résultat : beaucoup vivent en situation irrégulière, dont de nombreuses femmes accompagnées de jeunes enfants, ou des mineurs isolés. «Une population particulièrement fragile et méfiante, qui a peur de s’adresser aux pouvoirs publics», comme l’a expliqué la géographe Magali Reghezza-Zitt à ma collègue Justine Prados, dans un article à lire sur Vert. Et qui a payé un très lourd tribut à Chido.
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Pour le dire simplement : si un tel cyclone avait frappé un département plus résilient – par exemple, le Finistère -, les conséquences auraient été bien moins désastreuses.
Le bilan est encore impossible à établir, mais avec des centaines à des milliers de victimes potentielles, il pourrait s’agir de la catastrophe la plus meurtrière en France depuis l’éruption du volcan montagne Pelée qui avait fait 30 000 morts en Martinique en 1902.
Comme l’a expliqué la docteure Friederike Otto, de l’Imperial college London : «À Mayotte, les victimes de la pauvreté sont devenues les victimes du changement climatique».
Qui est responsable ?
Plus une société est solide, plus elle est résiliente face aux événements extrêmes liés au changement climatique : c’est l’un des messages-clef du dernier rapport du Giec.
En traitant Mayotte comme un territoire de seconde zone, on la rend vulnérable. Comment voir autre chose que de l’indifférence, du mépris, sinon pire, lorsque lundi, le premier ministre a choisi de prendre un jet privé pour se rendre au conseil municipal de Pau, plutôt qu’à une réunion de crise sur Mayotte, ce qui a surpris jusqu’à la présidente de l’Assemblée nationale ?
Comble de l’ironie, selon nos calculs, François Bayrou a ainsi relargué quatre tonnes de CO2, l’équivalent de cinq mois d’émissions de gaz à effet de serre d’un·e Français·e moyen·ne !
Et que dire du ministre démissionnaire de l’intérieur, Bruno Retailleau, qui n’a pas eu un mot au sujet de la nécessaire adaptation du territoire à ce climat en plein bouleversement, et qui s’est empressé – déjà – d’expliquer que Mayotte était le «symbole» de la «dérive nationale sur l’immigration» ?
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Une société solidaire est une société forte face au changement climatique. Bonne fin d’année à toutes et tous.