Ce qui se tram. Dans la capitale alsacienne, le projet d’extension du tramway vient de prendre un coup d’arrêt. La présidente de Vert revient sur une histoire qui reflète les défis de la transition écologique. Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique diffusée sur France inter le 11 décembre 2024.
Mathieu Vidard : Juliette, il paraît que ça gronde à Strasbourg, il y a une tempête sur le marché de Noël ?
Eh bien non, pas du tout, Mathieu ! Ce qui agite Strasbourg en ce moment, c’est une affaire de tramway. Son extension prévue vers le nord vient de prendre un sérieux coup d’arrêt.
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Hier, on a appris que la commission d’enquête publique avait rendu un avis défavorable sur ce projet phare porté par les écologistes de l’eurométropole, qui devait démarrer début 2025. Et ça, c’est du jamais-vu !
Tout le monde est sous le choc. Comme elle l’a raconté à Vert, dans un article qui vient de paraître sur notre site, la maire écologiste de la commune de Schiltigheim (Bas-Rhin) Danielle Dambach, déplore «des années de perdues face à l’urgence climatique» et fustige «ceux qui ont agi contre ce tram à des fins électoralistes». De leur côté, les opposant·es voient «la preuve que ce projet était plus idéologique qu’utile aux habitants».
📻 Vert est sur France inter ! Tous les mercredis à 14h50, retrouvez une nouvelle chronique d’actualité de nos journalistes Loup Espargilière et Juliette Quef en direct dans la Terre au carré.
Sur le papier, tout avait l’air de rouler : une nouvelle ligne de tram de 4,8 kilomètres pour relier Strasbourg à Schiltigheim et Bischheim, deux communes en plein essor. Objectif : mieux connecter les habitant·es du nord, réduire la place de la voiture et même piétonniser des axes emblématiques, comme l’avenue des Vosges. Dans cette rue, on parlait de faire baisser la circulation de 18 000 voitures par jour à… 500 !
Moins de trafic automobile donc, une meilleure qualité de l’air, et 12 000 tonnes d’équivalent CO2 en moins par an. Plutôt séduisant, non ?
Mais alors, pourquoi ça a coincé ?
Disons que tout le monde n’a pas sauté dans le wagon. Avec un coût de 268 millions d’euros pour moins de cinq kilomètres de rails, certain·es ont jugé la facture un peu salée.
Mais c’est surtout le tracé qui a été au cœur de vifs débats : on redoutait un report des voitures vers les petites rues, une suppression de places de stationnement, et – bien que cela ne soit pas démontré -, un coup dur pour les commerçant·es.
Résultat : l’enquête publique a recueilli plus de 6 000 contributions négatives. C’est dire si le projet divise.
Cela met en lumière une fracture entre différentes visions de la ville. D’un côté, les écologistes au pouvoir depuis 2020, porté·es par la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian et la présidente de l’eurométropole Pia Imbs, prônent une transformation profonde pour répondre aux défis climatiques avec ce premier «tram du climat».

De l’autre, une opposition hétéroclite qui a rassemblé socialistes, républicains et macronistes, accuse les écologistes de «brutaliser» les automobilistes et de ne pas assez écouter les habitant·es. Horizons a même parlé d’un «tram zadiste»conçu uniquement pour «bouter la voiture hors de l’avenue des Vosges». Mais le plus surprenant reste l’antagonisme de Catherine Trautmann. L’ancienne maire de Strasbourg a dénoncé un projet «contre-performant», alors même qu’elle avait lancé la première ligne de tram il y a 30 ans, à l’issue d’une bataille homérique.
Le rapport complet de la commission d’enquête n’est pas encore sorti, mais selon un élu d’opposition, joint par BFM, le projet aurait été retoqué notamment en raison d’un tracé mal choisi et de piétonisations jugées excessives.
Et maintenant, que va-t-il se passer ?
L’aventure n’est pas terminée, mais elle s’annonce beaucoup plus compliquée. Les écologistes viennent de prendre un sérieux revers et pourraient le payer au prix fort aux prochaines élections municipales, en 2026.
Pour autant, ce n’est pas la fin de l’histoire. L’eurométropole promet de revoir sa copie. Un nouveau projet sera présenté, après les prochaines municipales. En attendant, il faudra repenser le tracé, commander de nouvelles études, et – surtout – convaincre les habitant·es que ce tram est une bonne idée.
Au fond, cette histoire reflète bien les défis de la transition écologique. Il faut de la préparation, du dialogue, et une bonne dose de persévérance pour éviter de trébucher. Dans les années 1990, souvenez-vous, la toute première ligne de tram à Strasbourg avait, elle aussi, son lot de détracteur·ices. Aujourd’hui, c’est un modèle en Europe. Alors peut-être que d’ici quelques années on saluera ce tram du climat. Pour l’instant, il reste pas mal de chemin à parcourir.