Il est 13 heures pétantes ce vendredi, quand un véhicule utilitaire s’arrête au milieu de la foule de touristes qui arpentent le parvis du Sacré-Cœur, dans le 18ème arrondissement de la capitale. En quelques secondes, plusieurs dizaines de personnes s’activent à la chaîne pour décharger tout le matériel qu’il contient : des cartons, des parpaings, des bancs, des bannières colorées siglées du symbole du mouvement de désobéissance civile Extinction rebellion.
Une grande banderole rouge est déployée pendant quelques minutes. On peut y lire : «Assemblée générale de l’énergie». Quelques volées de marche plus bas, autour d’une grande fontaine, les activistes aménagent une agora citoyenne. Cette «contre-assemblée générale» s’organise en référence à l’AG annuelle de TotalEnergies qui se tient ce même jour à La Défense (Hauts-de-Seine), à quelques kilomètres de là.

Pour l’occasion, Extinction rebellion a décidé de mettre sur pied cet événement et d’appeler d’autres collectifs (les Scientifiques en rébellion, les Soulèvements de la Terre Île-de-France, GreenFaith, ou encore des travailleur·ses de la raffinerie TotalEnergies de Grandpuits dans le Seine-et-Marne) à venir occuper cet espace. «On est venus pour réfléchir ensemble aux problèmes posés par Total, et à ce qu’on peut proposer comme alternatives pour sortir des fossiles», détaille Sima, d’Extinction rebellion.
«Faire du lien et penser ensemble la transition»
Assailli de touristes, le lieu n’a d’ailleurs pas été choisi au hasard puisqu’il permet d’échanger avec le public. «L’idée c’est vraiment de faire du lien, de causer avec les gens et de faire passer le message que ça peut être cool de penser ensemble la transition écologique et sociale», ajoute Sima.
«On sait que c’est difficile de sortir du pétrole, et c’est pour ça qu’on a besoin d’une réflexion démocratique citoyenne pour en discuter. C’est aux citoyens de se réapproprier ce débat énergétique dans ce pays», développe Irénée Frérot, physicien et membre de Scientifiques en rébellion.

Cette joyeuse installation a rapidement été mise à mal par l’arrivée des forces de l’ordre, moins de quinze minutes après celle des militant·es. «On ne va pas se laisser faire ! Nous luttons depuis plusieurs années contre les pratiques néocolonialistes, écocides et antidémocratiques de TotalEnergies, et on va reprendre le pouvoir sur l’énergie et notre avenir», martèle une activiste d’Extinction rebellion au mégaphone, juste avant d’être embarquée par la police.
Une nasse au milieu des touristes
Les installations sont rapidement démantelées par les forces de l’ordre et une cinquantaine de personnes se retrouvent nassé·es (c’est-à-dire encerclé·es sans pouvoir sortir) sous les yeux tantôt curieux, tantôt compatissants des passant·es.
«Je comprends pas pourquoi on ne laisse pas les gens faire ce qu’ils veulent, ils ne faisaient rien de mal, soupire Nadjib, de passage à Paris avec sa femme. Pour le pays de la liberté d’expression, c’est quand même bien dommage.» «Je pense que ces actions sont très puissantes et importantes, et elles ne devraient pas être réprimées de cette façon», commente à son tour Megan, une touriste venue de New York (États-Unis).

Venue en soutien aux militant·es, la députée la France insoumise Manon Aubry s’est insurgée contre une répression «démesurée» au vu de la nature de la mobilisation : «Parce que Total fait son assemblée générale aujourd’hui, ça veut dire qu’on ne peut pas en parler n’importe où dans le pays ?», a questionné l’élue.
La nasse a finalement été levée au bout de deux heures, et seules deux personnes, considérées par la police comme organisateur·ices de l’action, ont été embarquées et placées en garde-à-vue.
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