Vacarme sur les berges de la Seine en plein milieu de semaine : environ 300 personnes défilent en brandissant des pancartes pour inciter au vote, entre deux DJs juchés sur des vélo-cargos. Tracts en mains et paillettes aux joues, certain·es abordent les curieux·ses en marge de la manifestation. Objectif : informer les jeunes sur le vote et les enjeux des législatives à venir, et inciter une population historiquement abstentionniste à s’exprimer dans les urnes.

En 2017, 69% des moins de 35 ans n’avaient pas fait le déplacement jusqu’au bureau de vote pour choisir leurs représentant·es à l’Assemblée. Ce chiffre désole Marie Cohuet, porte-parole d’Alternatiba Paris, qui teste un « nouveau prototype » de mobilisation pour mieux informer sur le vote. « On a voulu organiser un évènement festif et utiliser la musique comme “appât” pour aller chercher ceux qui ne s’intéressent pas forcément à la politique le reste du temps », explique-t-elle. « Sur les réseaux sociaux et dans la rue, nous voulons rappeler les dates, provoquer les petits déclics qui font que les gens vont reconsidérer le fait d’aller voter ».
Une animation s’organise autour d’un hémicycle en pierre sur le parcours du cortège : c’est l’occasion pour les organisations citoyennes de rappeler qu’un contrepouvoir peut exister, même sans majorité d’opposition à l’Assemblée (notre article sur ce que peuvent les député·es pour l’écologie), et que chaque élu·e compte. « Dès 15 députés, on peut créer un groupe parlementaire et déjà avoir du temps de parole. 58 députés ensemble peuvent demander le vote d’une motion de censure, 158 ont le pouvoir de demander la tenue d’un référendum, et 289, c’est la majorité absolue, qui nous permet de décider de notre avenir ».

Parmi les participant·es, quelques jeunes militant·es fraîchement débarqué·es après la présidentielle. C’est l’appel à l’engagement diffusé par certain·es activistes pour le climat qui a motivé Constance à s’investir. Pour Aymeric, c’est la violence des réactions des actionnaires de BNP Paribas face à une action de contestation durant l’assemblée générale. S’ils ont toujours voté, tous deux disent vouloir s’investir « pour rester optimiste, convaincre les personnes désabusées et montrer qu’il nous reste des leviers d’actions pour le futur ». L’organisation insiste sur son caractère apartisan, mais au sein du cortège, c’est le rassemblement de la gauche, sous la bannière de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes), qui recueille les faveurs de la majorité des manifestant·es, jeunes et moins jeunes.

En plus de remettre la politique au sein de la vie quotidienne, « il y a un enjeu énorme à élire des députés conscients des enjeux sociaux et environnementaux », complète Marie Cohuet. « Les lois peuvent vraiment changer les choses, fixer de grandes orientations politiques : si celles et ceux qui les votent sont déjà sensibles à l’urgence sociale et écologique dans laquelle nous sommes, il sera plus facile d’instaurer un dialogue constructif. »
En fin de cortège, alors que les manifestant·es ont traversé l’Île de la Cité pour accéder à l’autre côté des berges, la police prie les fêtard·es de bien vouloir se disperser avant d’avoir pu gagner l’Assemblée nationale, but ultime de la marche. La foule scande une dernière fois le leitmotiv de la soirée : « Dimanche ? On vote ! ». Pour Julie, militante d’Alternatiba Paris depuis quatre ans, la mission est réussie, et le combat doit continuer : « Quand elles et ils votent, les jeunes choisissent le changement, mais beaucoup n’y vont pas parce qu’elles et ils ont l’impression que c’est perdu d’avance. Il nous faut raconter une autre histoire autour du vote ».