Reportage

« Objectif 289 », une marche festive pour inciter les jeunes à voter

À l’initiative des organisations Alternatiba Paris et Le Mouvement, une « teuf » nomade a parcouru les quais de la capitale mercredi 8 juin au soir pour inviter les plus jeunes, qui s’abstiennent plus que leurs aîné·es, à voter aux élections législatives du 12 et 19 juin.
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Vacarme sur les berges de la Seine en plein milieu de semaine : env­i­ron 300 per­son­nes défi­lent en bran­dis­sant des pan­car­tes pour inciter au vote, entre deux DJs juchés sur des vélo-car­gos. Tracts en mains et pail­lettes aux joues, certain·es abor­dent les curieux·ses en marge de la man­i­fes­ta­tion. Objec­tif : informer les jeunes sur le vote et les enjeux des lég­isla­tives à venir, et inciter une pop­u­la­tion his­torique­ment absten­tion­niste à s’exprimer dans les urnes.

Teïs­sir Ghrab, porte parole de l’organisation citoyenne Le Mou­ve­ment, rap­pelle aux participant.es les enjeux d’un vote mas­sif des jeunes aux prochaines élec­tions lég­isla­tives. © Anna Sardin / Vert

En 2017, 69% des moins de 35 ans n’avaient pas fait le déplace­ment jusqu’au bureau de vote pour choisir leurs représentant·es à l’Assemblée. Ce chiffre désole Marie Cohuet, porte-parole d’Alternatiba Paris, qui teste un « nou­veau pro­to­type » de mobil­i­sa­tion pour mieux informer sur le vote. « On a voulu organ­is­er un évène­ment fes­tif et utilis­er la musique comme “appât” pour aller chercher ceux qui ne s’intéressent pas for­cé­ment à la poli­tique le reste du temps », explique-t-elle. « Sur les réseaux soci­aux et dans la rue, nous voulons rap­pel­er les dates, provo­quer les petits déclics qui font que les gens vont recon­sid­ér­er le fait d’aller vot­er ».

Une ani­ma­tion s’organise autour d’un hémi­cy­cle en pierre sur le par­cours du cortège : c’est l’occasion pour les organ­i­sa­tions citoyennes de rap­pel­er qu’un con­tre­pou­voir peut exis­ter, même sans majorité d’opposition à l’Assemblée (notre arti­cle sur ce que peu­vent les député·es pour l’écologie), et que chaque élu·e compte. « Dès 15 députés, on peut créer un groupe par­lemen­taire et déjà avoir du temps de parole. 58 députés ensem­ble peu­vent deman­der le vote d’une motion de cen­sure, 158 ont le pou­voir de deman­der la tenue d’un référen­dum, et 289, c’est la majorité absolue, qui nous per­met de décider de notre avenir ».

Marie Cohuet, porte-parole pour Alter­nat­i­ba Paris, fait de la péd­a­gogie sur les enjeux des lég­isla­tives. © Anna Sardin / Vert

Par­mi les participant·es, quelques jeunes militant·es fraîche­ment débarqué·es après la prési­den­tielle. C’est l’appel à l’engagement dif­fusé par certain·es activistes pour le cli­mat qui a motivé Con­stance à s’investir. Pour Aymer­ic, c’est la vio­lence des réac­tions des action­naires de BNP Paribas face à une action de con­tes­ta­tion durant l’assemblée générale. S’ils ont tou­jours voté, tous deux dis­ent vouloir s’investir « pour rester opti­miste, con­va­in­cre les per­son­nes dés­abusées et mon­tr­er qu’il nous reste des leviers d’actions pour le futur ». L’organisation insiste sur son car­ac­tère aparti­san, mais au sein du cortège, c’est le rassem­ble­ment de la gauche, sous la ban­nière de la Nou­velle union pop­u­laire, écologique et sociale (Nupes), qui recueille les faveurs de la majorité des manifestant·es, jeunes et moins jeunes.

Env­i­ron 300 manifestant·es ont par­ticipé à l’événe­ment. © Anna Sardin / Vert

En plus de remet­tre la poli­tique au sein de la vie quo­ti­di­enne, « il y a un enjeu énorme à élire des députés con­scients des enjeux soci­aux et envi­ron­nemen­taux », com­plète Marie Cohuet. « Les lois peu­vent vrai­ment chang­er les choses, fix­er de grandes ori­en­ta­tions poli­tiques : si celles et ceux qui les votent sont déjà sen­si­bles à l’urgence sociale et écologique dans laque­lle nous sommes, il sera plus facile d’instaurer un dia­logue con­struc­tif. »

En fin de cortège, alors que les manifestant·es ont tra­ver­sé l’Île de la Cité pour accéder à l’autre côté des berges, la police prie les fêtard·es de bien vouloir se dis­pers­er avant d’avoir pu gag­n­er l’Assemblée nationale, but ultime de la marche. La foule scan­de une dernière fois le leit­mo­tiv de la soirée : « Dimanche ? On vote ! ». Pour Julie, mil­i­tante d’Alternatiba Paris depuis qua­tre ans, la mis­sion est réussie, et le com­bat doit con­tin­uer : « Quand elles et ils votent, les jeunes choi­sis­sent le change­ment, mais beau­coup n’y vont pas parce qu’elles et ils ont l’impression que c’est per­du d’avance. Il nous faut racon­ter une autre his­toire autour du vote ».