Quatre jours après la nomination d’Elisabeth Borne à Matignon (son portrait ici), la composition du nouveau gouvernement a été dévoilée ce vendredi. Dans l’entre-deux-tours, Emmanuel Macron avait promis que la première ministre serait chargée de la « planification écologique » — un gage donné aux électeur·rices de Jean-Luc Mélenchon, dont c’était l’une des propositions phares. Voici les principales figures du nouvel exécutif dont la politique « sera écologique ou ne sera pas ».
Amélie de Montchalin, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
Amélie de Montchalin, 36 ans, est issue d’un milieu de hauts cadres du privé. Diplômée de HEC et de la Kennedy School de Harvard, elle a travaillé chez BNP Paribas en tant qu’« économiste junior » et chez Axa comme « directrice de la prospective et du suivi des politiques publiques ». D’abord proche de l’UMP – elle a notamment accompagné la campagne des législatives de Valérie Pécresse en 2007 –, elle est élue députée de l’Essonne sous l’étiquette La République en Marche (LREM) dix ans plus tard. En 2019, elle entre au gouvernement comme secrétaire d’État chargée des affaires européennes, puis elle prend le ministère de la Transformation de la fonction publique au sein du gouvernement de Jean Castex.
Libérale convaincue, la nouvelle ministre de l’écologie a soutenu la suppression de l’Impôt sur la fortune (ISF), poussé à « l’efficacité » dans l’administration et défendu les traités de libre-échange, comme le très controversé CETA avec le Canada, à l’impact néfaste sur le climat puisqu’il multiplie les échanges internationaux et aligne certaines normes, notamment agricoles, par le bas. En 2019, Amélie de Montchalin avait déclaré : « Si l’écologie ça veut dire le nationalisme, le protectionnisme, le repli sur soi, je ne suis pas sûre qu’on soit d’accord » (France inter). Elle est candidate à sa réélection dans la 6ème circonscription de l’Essonne. On ne lui connaît aucun engagement écologique en particulier.
Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique
Celle qui se présente comme « citoyenne engagée » et « féministe » est un pur produit des grandes écoles Françaises (HEC, Sciences Po Paris, ENA). Haute fonctionnaire, elle a travaillé pour l’Inspection des finances, puis pour l’Assistance publique — Hôpitaux de Paris, avant de rejoindre la Caisse des dépôts et consignations (CDC). En 2011, elle bascule dans le privé — pour l’équipementier Faurecia interior systems, fournisseur de Land Rover, General Motors ou Volvo. Elle cumule différents mandats (pour Ashoka France, la fondation Grameen Crédit agricole et l’Observatoire de l’immatériel) avant d’être nommée secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire en octobre 2018. Elle y pilotera la « reconquête industrielle » de la France dans un contexte marqué par la pandémie.
En juillet 2020, elle devient ministre déléguée chargée de l’Industrie, « l’un des rares endroits au 21ème siècle où l’on trouve encore de la magie » dira-t-elle plus tard, provoquant quelques quolibets. Rebelote en janvier 2022, quand elle conseille à une retraitée témoignant de sa difficulté à boucler les fins de mois qu’il suffit de changer son chauffage.
Pour celle que l’on n’attendait guère à ce poste, l’« écologie nécessite une approche renouvelée de l’action de l’État » avec un « souci d’efficacité » qui préfère « une écologie des solutions » à « une écologie des interdits ».
En 2021, l’association Anticor lui a remis une Casserole d’or « pour avoir exercé des pressions sur plusieurs élus d’opposition afin de les dissuader de saisir le Conseil constitutionnel sur le projet de loi d’accélération et simplification de l’action publique (loi ASAP) » votée en 2021, qui a facilité l’implantation de sites industriels en raccourcissant les délais prévus pour recueillir l’aval de l’Autorité environnementale.
Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Un temps maire de son village de Marchenoir (Loir-et-Cher), président de communauté de communes, conseiller régional du Centre-Val de Loire, député (Modem) ; Marc Fesneau aura connu tous les échelons avant d’être nommé ministre de l’agriculture, ce vendredi. Un poste où il était déjà pressenti en 2018, peu après son accession au Palais Bourbon, avant de se voir finalement confier les relations avec Parlement.
Fils d’exploitant, il a travaillé dans la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher en 1996, où il s’est occupé des politiques de développement local et des fonds européens. Chasseur, notamment à l’arc, il est dans le viseur des associations de défense des animaux, et méprise « les végans et les antispécistes, ceux qui comparent les élevages de poulets à des camps de concentration SS [et vont] emmerder les chasseurs, les pêcheurs à la ligne ou les éleveurs » (Challenges).
Il s’attellera au lourd dossier du renouvellement des générations alors que les exploitations sont désertées par la jeunesse, à la traduction française de la Politique agricole commune, ainsi qu’à la gestion de la ressource en eau, au moment où le pays se prépare à une dure sécheresse.
Christophe Béchu, ministre délégué aux collectivités territoriales
A 52 ans, le maire d’Angers et président d’Angers Loire Métropole est nommé ministre délégué chargé des collectivités territoriales auprès de Gérald Darmanin (intérieur) et d’Amélie de Montchalin (planification écologique). Christophe Béchu est secrétaire général d’Horizons, le parti créé en octobre 2021 par l’ancien premier ministre Edouard Philippe.
Membre de l’UMP, puis des Républicains, il soutient d’abord Alain Juppé lors des primaires LR en 2016, puis il fait faux bond à la candidature de François Fillon, pour rejoindre Emmanuel Macron. Figure locale de la droite, il est successivement conseiller général du Maine-et-Loire, député européen, sénateur, puis président de l’agence de financement des infrastructures de transport de France. À plusieurs reprises, il affiche publiquement son soutien à la politique présidentielle, en co-signant tribunes et appels à la réélection. Un zèle qui en fait une personnalité pressentie depuis plusieurs années pour intégrer le gouvernement.
L’homme politique, qui a « fait du Macron avant l’heure » (Le Figaro), a aussi créé de vives polémiques en 2016, après avoir interdit une campagne d’affichage nationale de prévention des risques liés au VIH pour « trouble à l’ordre public ». Sa majorité municipale a longtemps compté des membres de Sens commun, un mouvement politique qui défend des valeurs ultraconservatrices, notamment opposé au mariage pour tous.
Justine Bénin, secrétaire d’État chargée de la mer
Députée de Guadeloupe, Justine Bénin a été nommée secrétaire d’État chargée de la mer en remplacement de la ministre Annick Girardin. Ancienne conseillère à l’emploi, elle a été élue à l’Assemblée en 2017 sous une étiquette « divers gauche » avant d’être rattachée au groupe Modem. Elle siège à la délégation aux Outre-mer du palais Bourbon. En 2019, elle a été rapporteure de la commission d’enquête sur la pollution au chlordécone, ce pesticide ultra-toxique utilisé dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique. Son rapport pointait la responsabilité de l’État français et plaidait pour la mise en place de réparations pour les habitant·es. L’observatoire « Politique et animaux », une initiative de L214, a accordé la note de 8/20 à Justine Bénin sur le sujet « mer et pisciculture » au regard des textes votés par la députée pendant le précédent quinquennat.
Emmanuel Macron avait promis que deux ministres, placé·es sous l’autorité de Matignon, seraient respectivement chargé·es de la « planification énergétique » et de la « planification écologique territoriale » ; une notion qui a disparu des intitulés des postes d’Agnès Pannier-Runacher et d’Amélie de Montchalin. La création d’un secrétariat général à la planification auprès de la première ministre a toutefois été annoncé dans la soirée ; il sera dirigé par Antoine Pellion, ex-directeur général d’En marche, jusqu’alors à la tête du pôle environnement de Matignon.
En outre, aucun maroquin n’a été attribué à la biodiversité — une omission peut-être réparée lors d’un éventuel remaniement à la suite des législatives de juin prochain ?
Si le président réélu avait jugé que rien ne serait plus comme avant, ce nouveau gouvernement ressemble à s’y méprendre au précédent. Qu’en sera-t-il de sa politique ?