«Ça ne tient plus.» Le monde associatif français, frappé de plein fouet par une hausse des coûts de fonctionnement et par des réductions de subventions, dans un contexte budgétaire incertain, est au bord de la rupture. Samedi, le groupement d’associations Mouvement associatif – qui revendique 700 000 organisations membres – appelle à une mobilisation massive. Organisations écologistes, de défense des droits des femmes ou encore d’accès au sport… Des rassemblements sont prévus à Paris et partout en France afin d’interpeller les pouvoirs publics.
Les Amis de la Terre affichent leur soutien : «La situation est très inquiétante», confie Marion Cubizolles, chargée de communication. «Pour l’instant, notre budget 2025 n’est pas à l’équilibre. Le responsable financier nous a prévenus : si nous ne trouvons pas de nouvelles ressources rapidement, avec des dépenses constantes, cela ne sera pas tenable», raconte-t-elle.
En 2017, l’association comptait 16 salarié·es et percevait 240 000 euros de subventions publiques. Aujourd’hui, elle ne reçoit plus que 55 000 euros. «Nos financements provenaient à un tiers des dons, et à un tiers des fonds publics. Mais les subventions ont drastiquement diminué : celles de l’Ademe [l’Agence de la transition écologique, NDLR], du ministère de la transition écologique et, la semaine dernière encore, une nouvelle coupe.»
«La situation est extrêmement tendue»
Autre difficulté : le refus d’accepter des financements d’entreprises dont l’origine des fonds est opaque. «Il y a énormément de concurrence sur les financements publics, c’est devenu très compliqué, explique Marion Cubizolles. Pour l’instant, on ne parle pas encore de licenciements, mais la masse salariale est notre principale dépense. On est clairement inquiets pour la suite.»
Du côté des associations de protection sociale, même constat. La directrice de l’association de lutte contre l’exclusion Les enfants du canal, Samira El Alaoui, témoigne d’une situation «très stressante» depuis plusieurs mois : «Nous n’avons plus de trésorerie» et «aucune visibilité» sur le versement du solde des subventions attribuées par l’État. Leur montant a été maintenu mais, avec «la hausse des salaires et des loyers», elles restent insuffisantes pour assurer le fonctionnement de la structure basée en région parisienne – qui emploie 70 personnes et gère des centres d’hébergement. Impossible, par exemple, de réaliser les travaux de rénovation nécessaires pour réattribuer certains appartements. Et, en l’absence de rentrée d’argent d’ici à la mi-octobre, l’association sera en cessation de paiement.
«La situation est extrêmement tendue, les difficultés financières ne sont plus absorbables, ça ne tient plus», résume la présidente du Mouvement associatif, Claire Thoury. Les quelque 1,5 million d’associations en activité en France subissent une «crise inflationniste» qui gonfle leurs charges. Elles sont aussi victimes de la «crise budgétaire» des pouvoirs publics, lesquels limitent leur soutien.
Une ministre «pleinement mobilisée»
Côté gouvernement, l’ancienne ministre chargée de la vie associative Marie Barsacq avait assuré cette année être «pleinement mobilisée» pour continuer à «préserver les moyens» des associations. Mais, en pleine crise politique, l’incertitude demeure sur le contenu du prochain budget. Pour les collectivités, en l’absence de marge de manœuvre financière, elles réduisent les subventions qu’elles octroient, parfois drastiquement.
Cela amène les associations à diminuer ou supprimer certaines activités. À Dijon (Côte-d’Or), Solidarité Dignité Accompagnements Travail a mis fin cette année à plusieurs dispositifs d’insertion sociale, dont celui dédié à une quarantaine de jeunes en situation de rupture. «On le vit mal, ce n’est pas normal, les besoins sont là», souligne Brice Morey, directeur de cette structure qui dépend à 90% de fonds publics.
Cette baisse de moyens a aussi créé un délai d’attente pour les nouveaux demandeurs, au risque de voir leurs difficultés s’amplifier avant leur prise en charge. Ces «choix politiques» de réduction de subventions vont «peser», d’abord sur les «personnes accompagnées», puis «à long terme sur la société», avertit Brice Morey.
Ces baisses de budget entraînent également des suppressions d’emploi dans les associations de toute taille. La compagnie de théâtre Les singuliers associés prévoit de supprimer un équivalent temps plein sur cinq pour assurer sa survie. Aides réduites et baisse des ventes de spectacles ont mis ses comptes dans le rouge. «C’est angoissant, on vit au jour le jour», témoigne Philippe Demoulin, co-fondateur de la structure basée à Limoges (Haute-Vienne). Il s’interroge : «On sent toutefois que ce n’est que le début» des difficultés, «si on survit à 2025, qu’en sera-t-il de 2026 ?»
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