Reportage

«Ni ici, ni ailleurs !» : des milliers de manifestants rassemblés à Bordeaux contre un projet pétrolier

Et puits quoi encore. Dimanche, des manifestants de France et d’Europe ont défilé dans les rues de Bordeaux pour protester contre la création de huit nouveaux puits de pétrole dans la forêt de la Teste-de-Buch. Vert y était.
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«Notre man­i­fes­ta­tion envoie un mes­sage très fort», se réjouit Nathalie Hervé, mem­bre du col­lec­tif fraîche­ment créé Stop pét­role Bassin d’Arcachon. Bras­sards, pan­car­tes col­orées et gouttes de pét­role sur le vis­age ; entre 1 200 per­son­nes — selon la pré­fec­ture — et 3 000 — selon les organ­i­sa­tions — se sont retrouvé·es en début d’après-midi, ce dimanche, sur la place de la Vic­toire, au cœur de Bor­deaux pour s’opposer à la créa­tion de huit nou­veaux puits de pét­role non-loin de là.

Au milieu des dra­peaux de nom­breuses asso­ci­a­tions, comme Green­peace France ou Extinc­tion Rebel­lion, de nom­breux jeunes activistes inter­na­tionaux pren­nent la parole au pied de l’obélisque. «Cette lutte peut devenir très sym­bol­ique, con­fie à Vert Camille Éti­enne. Des jeunes de toute l’Europe sont venus et cela attire une atten­tion inter­na­tionale pour dire cette phrase : ni ici, ni ailleurs ! On ne peut pas autoris­er de nou­veaux puits de pét­role, peu importe le pays.»

L’activiste Camille Eti­enne a pris la parole ce dimanche, avant que le cortège ne s’élance. © Alexan­dre Car­ré / Vert

Le cli­ma­to­logue Christophe Cas­sou, qui s’exprimait «en tant que sci­en­tifique, mais aus­si en tant que citoyen», rap­pelle que les actions d’aujourd’hui déter­mi­nent les niveaux de risques de demain. «Les émis­sions cumulées des infra­struc­tures exis­tantes nous font déjà dépass­er les seuils de l’Accord de Paris, explique-t-il. S’il faut fer­mer les infra­struc­tures exis­tantes, il faut aus­si bien sûr ne pas en ouvrir de nou­velles».

Dans le viseur des protes­tataires, qui se met­tent en bran­le dans les rues de Bor­deaux : le groupe cana­di­en Ver­mil­ion Ener­gy. Le pre­mier pro­duc­teur d’hydrocarbure dans l’Hexagone souhaite for­er huit nou­veaux puits de pét­role dans la forêt de la Teste-de-Buch, dans le bassin d’Arcachon. «Cette même forêt qui a vu 14 000 hectares [5 800 en réal­ité, selon l’Office nation­al des forêts] de sa sur­face dévastée par les flammes en 2022», rap­pelle l’eurodéputée écol­o­giste Marie Tou­s­saint.

Pour se défendre, la société qui exploite déjà 50 puits dans le bassin d’Arcachon plaide que son pét­role sera «Made in France». Un argu­ment qui ne passe pas du tout : «Je ne savais pas que le pét­role français avait moins d’impact que les autres, rit (jaune) Camille Éti­enne. Une demi tonne de CO2, peu importe où elle est pro­duite, a des effets partout à tra­vers le monde».

«Rien n’empêche» de continuer à extraire du pétrole

Au milieu des chants et des tam­bours, un nom revient sou­vent : celui du préfet de Gironde, Éti­enne Guy­ot. En Novem­bre, la com­mis­saire-enquêtrice mis­sion­née par le tri­bunal admin­is­tratif de Bor­deaux, Car­ole Ancla, a ren­du un avis favor­able au pro­jet. Depuis, la déci­sion finale d’autoriser — ou non — les nou­veaux puits est entre les mains du Préfet. «Si Mon­sieur Guy­ot donne son accord, ça sera l’illustration de la duplic­ité du gou­verne­ment sur la ques­tion cli­ma­tique et envi­ron­nemen­tale», dénonce l’eurodéputée Marie Tou­s­saint, qui défile en com­pag­nie de Pierre Hur­mic, maire écol­o­giste de Bor­deaux.

Ironie du sort, au même moment, le nou­veau min­istre de l’Énergie, Roland Les­cure, don­nait son feu vert au pro­jet d’extraction girondin sur France 3. Le min­istre a rap­pelé qu’en 2017, la France avait voté une loi prévoy­ant la fin de l’exploitation des hydro­car­bu­res sur le sol français d’i­ci à 2040, mais, «que rien n’empêch[ait] de con­tin­uer à en extraire d’ici là». De quoi don­ner de l’eau au moulin du cortège bor­de­lais, qui crie à l’incohérence entre les paroles et les actes d’Emmanuel Macron.

Gre­ta Thun­berg était pro­tégée par une véri­ta­ble cara­pace de man­i­fes­tants © Alexan­dre Car­ré /Vert

Longue­ment atten­due, Gre­ta Thun­berg appa­raît enfin au milieu de la foule, à mi-par­cours. Entourée d’une véri­ta­ble cara­pace de manifestant·es, la célèbre mil­i­tante sué­doise refuse de com­mu­ni­quer avec la presse, ou avec les poli­tiques. Elle se con­tente de chanter et de danser avant de fuir la presse (en courant) à la fin de la man­i­fes­ta­tion.

Le cortège ter­mine sa course devant les miroirs d’eaux, place de la Bourse, après avoir longé la Garonne. «Huit puits de pét­role, noooooon !», chante le jeune rappeur César, autour duquel se rassem­ble la foule, avant de se dis­pers­er. Nathalie Hervé proclame fière­ment : «Les poli­tiques voulaient faire pass­er cette autori­sa­tion sous les radars, mais ils sont très sur­pris de l’ampleur que ça prend». La balle est désor­mais dans le camp du gou­verne­ment.

Pho­to d’il­lus­tra­tion : Le cortège, qui s’est élancé dans les rues de Bor­deaux, ce dimanche. © Alexan­dre Carré/Vert