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Moins de renouvelable, plus de nucléaire : la proposition de loi sur l’énergie examinée ce lundi à l’Assemblée

Lucky Nuke. Les député·es examinent à partir d'aujourd'hui une proposition de loi énergétique concoctée par la droite. Le risque d’assister à d’importants reculs sur les énergies renouvelables et la sobriété est «évident», préviennent les expert·es.
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Alors que la France est en plein ressac écologique, les énergies renouvelables – et la transition énergétique en général – pourraient bientôt faire partie des victimes. Une séquence à hauts risques s’ouvre ce lundi à l’Assemblée nationale, où les député·es se pencheront en séance publique sur la proposition de loi «Gremillet», qui fixe le cap énergétique du pays à horizon 2035.

Cela faisait trois ans – depuis qu’il a perdu la majorité absolue à l’Assemblée – que le camp présidentiel redoutait ce moment, tant le risque est grand de voir la droite et l’extrême droite s’emparer du gouvernail énergétique. Pourtant, l’adoption d’une nouvelle feuille de route énergétique est indispensable, ne serait-ce que pour permettre la relance du nucléaire annoncée par Emmanuel Macron en février 2022.

Le gouvernement dans l’impasse

Début 2024, le gouvernement avait préféré caviarder son propre projet de loi plutôt que de perdre la face au parlement, violant au passage la loi qui prévoit que les élu·es contrôlent le cap énergétique du pays. En réponse, le Rassemblement national a promis de censurer le gouvernement si celui-ci décidait de légiférer par décret.

À l’intérieur du réacteur de Flamanville (Manche), en avril 2024. © Lou Benoist/AFP

Las de ces manœuvres dilatoires, des parlementaires ont fait leurs propres propositions de loi afin de combler la carence gouvernementale. À la faveur des équilibres politiques au Sénat et à l’Assemblée, c’est logiquement celle concoctée par la droite qui s’apprête aujourd’hui à faire office de feuille de route énergétique.

Problème : «S’il est légitime que les parlementaires se saisissent des enjeux énergétiques, on assiste aujourd’hui à des partis pris idéologiques très déconnectés de la réalité et des impératifs écologiques», s’inquiète Hélène Gassin, présidente de l’association Négawatt, qui défend une transition énergétique basée sur la sobriété.

Nouveaux réacteurs

La proposition de loi déposée par le sénateur Les Républicains Daniel Gremillet prévoit une relance massive de la filière nucléaire avec l’obligation de maintenir la part de l’atome à plus de 60% de la production électrique en 2030, et à plus de 50% en 2050. Ce alors même que la consommation électrique devrait fortement augmenter pour répondre à la nécessaire électrification des usages (passage des voitures thermiques à électriques, des chauffages fossiles aux pompes à chaleur, etc.).

Pour cela, le texte prévoit le prolongement d’un maximum de réacteurs existants, la construction de six nouveaux «engagée d’ici 2026», et des huit suivants «d’ici 2030». Une quinzaine de réacteurs miniaturisés (small modular reactor ou SMR en anglais) est également prévue pour produire de la chaleur ou de l’électricité à destination des grands consommateurs industriels. Pourtant, aucune de ces technologies n’a encore atteint le stade industriel. Résultat : «On n’y croit absolument pas», tranche Nicolas Goldberg, expert en énergie au cabinet Colombus Consulting.

Haro sur les renouvelables

Dans le même temps, le texte rabote l’ambition sur l’énergie photovoltaïque par rapport aux projets gouvernementaux, prévoyant d’atteindre 50 gigawatts installés en 2030 (contre 54 à 60 visés dans le projet gouvernemental). L’éolien terrestre, à peine mentionné, n’est pas doté d’objectifs.

Surtout, «il y a un risque évident d’assister à de nouveaux reculs en séance publique», prévient Nicolas Goldberg. Droite et extrême droite pourraient s’entendre pour graver dans la loi leur opposition commune aux énergies renouvelables, et à l’éolien en particulier. «Sans compter que le Rassemblement national devrait continuer de répandre ses contre-vérités sur les énergies renouvelables et de faire planer la menace d’une censure pour peser dans les débats», anticipe Nicolas Goldberg.

Pourtant, «ralentir sur les énergies renouvelables est tout simplement incompatible avec les objectifs de décarbonation», prévient Yves Marignac, porte-parole de Négawatt. Excédentaire aujourd’hui, la production d’électricité décarbonée pourrait rapidement venir à manquer avec l’électrification des usages. Or, les nouvelles centrales nucléaires entreront en service, au mieux, d’ici à 2038.