ONU bilé. Près de 200 pays avaient jusqu’à lundi pour rendre leur nouvelle feuille de route climatique aux Nations unies. Mais la quasi-totalité a raté le rendez-vous, ce qui laisse craindre une forme d’attentisme dans la lutte contre le changement climatique, après le retour au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis.
Seuls dix pays ont soumis leur stratégie actualisée de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035, avant la date limite de lundi. D’après l’Accord de Paris – traité international qui engage ses signataires à maintenir le réchauffement climatique à +2°C en 2100 par rapport au 19ème siècle, voire à +1,5°C si possible –, les États sont censés renouveler régulièrement leur feuille de route climatique, et les réviser à la hausse.
Au total, les pays qui ont bel et bien soumis leurs textes avant lundi représentent 16% des émissions mondiales. Si le Royaume-Uni, la Suisse ou le Brésil – qui accueillera la 30ème conférence mondiale (COP30) sur le climat en novembre prochain – ont déposé leur plan, nombreux sont ceux qui manquent à l’appel. À commencer par plusieurs poids lourds en matière d’émissions de CO2 : la Chine, l’Inde ou l’Union européenne (chargée de présenter une position commune pour l’ensemble des pays membres), par exemple.
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Quant à la stratégie déposée par les États-Unis sous l’administration Biden, elle restera probablement lettre morte, compte tenu de la réélection de Donald Trump, qui a annoncé un nouveau retrait de son pays de l’Accord de Paris (notre article).
Ce retrait est «clairement un revers» pour la diplomatie climatique et peut expliquer l’attentisme des autres pays, a estimé Ebony Holland, du groupe de réflexion International institute for environment and development (IIED). «Il y a clairement de grands changements géopolitiques en cours qui s’avèrent compliqués pour la coopération internationale, surtout sur de gros sujets comme le changement climatique», a-t-elle observé.
Vers un réchauffement de +2,6°C à +2,8°C
Dans le jargon onusien, les plans nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont appelés «contributions déterminées au niveau national» (ou CDN). Ces textes détaillent la manière dont un pays compte s’y prendre pour développer les énergies renouvelables ou encore pour sortir du charbon – particulièrement émetteur de CO2.
Ces stratégies sont censées refléter la part prise par chaque pays pour contenir le réchauffement bien en-dessous de +2°C et poursuivre les efforts pour le limiter à +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Pour y parvenir, les émissions mondiales, pas encore en déclin, doivent être divisées par deux d’ici à 2030.
Or, selon l’ONU, les précédentes feuilles de route entraînent le monde – déjà plus chaud de +1,3°C –, vers un réchauffement catastrophique de +2,6°C à +2,8°C (notre article). À ce niveau, les canicules, sécheresses et précipitations extrêmes, déjà en augmentation, deviendront plus fréquentes et plus intenses. Et elles seront accompagnées d’une multiplication des disparitions d’espèces et d’une hausse irréversible du niveau des mers.
Un délai supplémentaire, jusqu’à septembre
Le retard du dépôt des CDN – dont les objectifs ne sont pas juridiquement contraignants – n’entraîne pas de pénalité. La branche climat des Nations unies a même acté un nouveau délai : son secrétaire exécutif, Simon Stiell, qui qualifie les CDN de «documents de politique publique les plus importants du siècle», a jugé «raisonnable de prendre un peu plus de temps pour s’assurer que ces plans sont de première qualité».
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Selon un responsable de l’ONU, plus de 170 pays ont indiqué qu’ils comptaient soumettre leur plan cette année – et une grande majorité d’entre eux avant la COP30. «Au plus tard, l’équipe du secrétariat doit les avoir reçus d’ici septembre», a indiqué Simon Stiell, lors d’un discours au Brésil jeudi dernier. De quoi permettre aux Nations unies de les analyser en amont de la COP à Belém.
«Pas la volonté d’agir» ?
Certains pays ont besoin de préciser leur vision, a reconnu Linda Kalcher, directrice exécutive du groupe de réflexion européen Strategic perspectives. Mais «ce qui est inquiétant, c’est que si trop de pays sont en retard, ça peut donner l’impression qu’ils n’ont pas la volonté d’agir», a-t-elle craint.
Outre le retour de Donald Trump, les dirigeant·es de nombreux pays doivent se débattre avec l’inflation, la dette ou l’approche d’élections importantes, comme en Allemagne fin février. L’Union européenne est aussi confrontée à une montée des partis d’extrême droite hostiles aux politiques en faveur du climat. Le bloc de 27 pays compte toutefois déposer sa feuille de route «bien avant» la COP30 et entend rester «une voix prééminente pour l’action climatique internationale», a assuré une porte-parole. Premier investisseur dans les renouvelables – et premier émetteur mondial de CO2 –, la Chine devrait aussi dévoiler son nouveau plan, très attendu, au cours de l’année.
Pour l’instant, rares sont les stratégies à la hauteur, selon le Climate action tracker, un groupe de recherche indépendant qui analyse les engagements des États. Il critique notamment les dernières actualisations des Émirats arabes unis, des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande et de la Suisse. Pour l’instant, le Royaume-Uni est le seul à tirer son épingle du jeu, avec une feuille de route globalement saluée pour son ambition.
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