Analyse

Avant la COP29, où en est-on exactement du réchauffement climatique ?

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Onu bilan. D’importants rapports viennent de paraître, en amont de la 29ème conférence mondiale (COP29) sur le climat, qui démarre ce lundi à Bakou (Azerbaïdjan). Ils dressent un portrait calamiteux de l’état de l’action internationale. Tour d’horizon de leurs principales leçons.

Vers un réchauffement de 3,1°C

Les politiques actuelles menées par les pays du globe entraînent le monde sur une trajectoire de réchauffement du climat qui pourrait atteindre 3,1°C d’ici à la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle (milieu du 19ème siècle). C’est ce qu’a révélé le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) dans son quinzième rapport annuel, publié fin octobre, sur l’écart («Emissions gap report») entre les politiques actuelles et ce qu’il faudrait faire pour répondre sérieusement à la crise climatique. Si l’ensemble des engagements des États étaient bien mis en œuvre dans le futur, ce réchauffement pourrait s’établir à +2,6°C. Ce constat est déjà plus alarmant que le bilan réalisé l’année dernière, qui anticipait une hausse des températures entre +2,5°C et +2,9°C.

La COP29 s’ouvre ce lundi à Bakou, en Azerbaïdjan, l’un des dix plus gros producteurs pétrogaziers au monde. © Llyod Alozie/Unsplash

«Nous avons besoin d’une mobilisation mondiale à une échelle et à un rythme jamais vus auparavant, sinon l’objectif de 1,5 °C [l’objectif de l’Accord de Paris pour maintenir le réchauffement climatique à un seuil tolérable, NDLR] sera bientôt perdu», a déclaré Inger Andersen, directrice exécutive du PNUE.

Des engagements largement insuffisants

Comme chaque année, l’ONU a compilé une synthèse des engagements pris par les 195 parties de l’Accord de Paris (qu’on appelle des «Contributions déterminées au niveau national» – CDN). Ce rapport recense les 168 plans nationaux à jour en septembre 2024 – les États qui les ont fournis représentaient 95% des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la planète en 2019.

Si les États mettaient effectivement en œuvre leurs promesses, leur action porterait le total de GES dans l’atmosphère à quelque 51,5 gigatonnes d’équivalent CO2 en 2030. Soit une baisse de 2,6% par rapport à 2019.

La trajectoire des émissions de gaz à effet de serre ne montre aucun signe de ralentissement clair. © Emissions gap report 2024 / Crippa et al. (2024), Friedlingstein et al. (2023).

Or, d’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les États doivent réduire leurs émissions de 43% en 2030 par rapport à 2019 (et 60% en 2035) pour espérer contenir le réchauffement climatique à +1,5°C à la fin du siècle – et ainsi respecter l’Accord de Paris sur le climat.

«Cela est essentiel pour éviter les pires conséquences climatiques. Chaque fraction de degré compte, alors que les catastrophes climatiques s’aggravent rapidement», s’est alarmé Simon Stiell, secrétaire exécutif de la branche climat de l’ONU.

Un niveau inégalé de gaz à effet de serre

L’humanité n’avait connu une telle concentration de gaz à effet de serre qu’en 2023, dévoile le vingtième bulletin annuelde l’Organisation météorologique mondiale (OMM) sur le sujet. La concentration moyenne de dioxyde de carbone (CO2) à la surface du globe s’établissait à 420 parties par million (ppm – l’unité de mesure du CO2 dans l’atmosphère) en 2023, soit bien au-delà du seuil de 350 ppm reconnu par les scientifiques comme étant «sûr» pour les humains, et dépassé dès 1988.

Le carbone s’accumule dans l’atmosphère à un rythme inédit dans toute l’histoire de l’humanité. En 2023, le phénomène météorologique El Niño (notre article) et des feux de forêt hors normes (au Canada, aux États-Unis, en Australie) ont fait grimper les émissions planétaires de CO2, déjà alimentées par les activités humaines et la combustion d’énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon). Les forêts qui brûlent libèrent du CO2 tandis que les océans qui se réchauffent en absorbent de moins en moins – ils sont pourtant un puits de carbone essentiel, puisqu’ils stockent un quart du CO2 des émissions mondiales.

«Nous sommes confrontés à un cercle vicieux. Les écosystèmes pourraient très bientôt devenir des sources plus importantes de gaz à effet de serre sous l’effet du changement climatique. Ces rétroactions climatiques constituent des préoccupations majeures pour l’humanité», s’inquiète Ko Barrett, secrétaire générale adjointe de l’OMM.

L’adaptation : toujours la dernière roue du carrosse

Il faut absolument changer d’échelle et accélérer les efforts en matière d’adaptation au changement climatique pour réduire l’écart entre les besoins et les financements actuels, souligne le rapport annuel du PNUE sur l’adaptation. L’adaptation correspond à l’ensemble des mesures mises en place pour réduire la vulnérabilité des personnes face au dérèglement climatique (déplacement d’infrastructures stratégiques, développement de cultures résilientes, etc.).

Les financements publics de l’adaptation fournis par les États membres des Nations unies (et surtout par les pays riches du Nord) aux pays en développement sont passés de 22 milliards de dollars (20,4 milliards d’euros) en 2021 à 28 milliards de dollars (26 milliards d’euros) en 2022, soit le bond le plus important depuis l’Accord de Paris sur le climat en 2015.

Une paille, cependant, par rapport aux besoins en adaptation, qui se chiffrent entre 187 et 359 milliards de dollars (173 à 332 milliards d’euros) par an. Rehausser les ambitions financières en matière d’adaptation fera partie des gros enjeux de la COP29 (notre article). «Les pays développés doivent doubler le financement de l’adaptation pour atteindre au moins 40 milliards par an dès 2025 – une étape essentielle pour combler le déficit de financement. Nous devons débloquer un nouvel objectif financier lors de la COP29», a insisté Antonio Guterres, secrétaire général des Nations unies.

Ces constats inquiétants suffiront-ils à produire un déclic chez les dirigeant·es du monde entier pour enfin développer une coopération climatique à la hauteur de l’urgence ? Au vu de la COP29 qui s’annonce, rien n’est moins sûr.